(Mis à jour 14/04-16H20) A l’initiative de la France, sept pays européens ont signé le 14 avril un engagement à mettre fin aux financements publics d’exportations liées à des projets d’énergie fossile et à réorienter leurs soutiens à l’export vers des projets « durables » dans le cadre d’une coalition surnommée ‘Export Finance For Future (E3F)’. Outre la France, l’Allemagne, le Danemark, l’Espagne, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Suède sont cosignataires de cette déclaration, qui a été officialisée à l’issue d’une réunion de leurs ministres des Finances et du commerce extérieur respectifs en visioconférence en début d’après-midi.
« Le financement des exportations est un des leviers décisifs pour lutter contre le changement climatique » a rappelé Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, des finances et de la relance, lors d’un point avec la presse la veille de cet événement. « Avec le président de la République, nous comptons bien actionner ce levier ».
Le pays hôte de l’Accord de Paris pour le climat a, de fait, été précurseur dans les actes. La France a été le premier pays au monde à adopter, à l’automne dernier, un Plan climat pour les financements export et à inscrire dans la Loi – la Loi de financement 2021– un engagement ferme de l’État, assorti d’un calendrier contraignant, de mettre fin progressivement au financement de projets d’exportation dans le domaine des énergies fossiles après avoir mis fin définitivement au financement de projets charbon.
Depuis le 1er janvier 2021, le ministre des Finances français ne signe plus de garanties export liées à des projets pétroliers non conventionnels. Il ne le fera plus pour aucun projet pétrolier en 2025 et pour aucun projet gazier en 2035.
Toutes les entreprises de ces filières travaillant directement ou indirectement pour des projets pétroliers et gaziers à l’export qui pourraient être financés ou co-financés par l’agence française de crédit export Bpifrance assurance export sont donc potentiellement concernées : les financements publics français se tariront progressivement.
Une première étape vers une coalition plus large
Mais seule, la France aurait bien peu d’impact, d’autant que la part des énergies fossiles dans ses financements export est devenue marginale avec une part de 2 % environ, contre 35 % en moyenne pour les pays membres de l’OCDE. D’où les efforts de Paris pour rallier à cette cause ses partenaires européens et, plus généralement, les grandes puissances économiques.
« Il est temps que cela devienne une stratégie européenne » a souligné Bruno Le Maire, qui espère, au-delà de l’Europe « être rejoint par les États-Unis », dont l’administration Biden est en train de plancher sur une stratégie dans ce domaine.
Pour l’heure, les sept pays de cette première coalition E3F pèsent déjà à eux seuls 45 % de tous les crédits export octroyés par les pays membres de l’OCDE. L’impact commence donc à être significatif.
Trois engagements
Dans leur déclaration commune, signée en début d’après-midi, les sept pays prennent trois grands engagements, selon le ministre français :
-le premier est de cesser à terme tout soutien à l’export des énergies fossiles, quitte à, selon les enjeux spécifiques de chaque pays (sociaux, industriels, etc.), organiser une période de transition comme l’a fait la France, qui tient à ménager un secteur qui emploie 50 000 personnes ;
-le second est de soutenir des projets « durables » et « compatibles avec l’Accord de Paris », éventuellement via des mécanismes de « bonus climatiques » qui pourront être introduits par chaque gouvernement. « Nous sommes prêts à travailler à faire évoluer l’Arrangement OCDE sur les crédits export » a dit à ce sujet Bruno Le Maire, dont l’administration a d’ores et déjà introduit des « bonus climat » dans son arsenal de soutiens à l’export ;
-enfin, le troisième est de promouvoir la transparence de leur action dans ce domaine, en rendant publiques les évaluations de leur impact climatique.
Le communiqué final publié par Bercy résume les différents principes sur lesquels se sont mis d’accord les ministres*. La déclaration finale, en anglais, donne tous les détails et est accessible en ligne.
La déclaration ne comporte pas, toutefois, de calendrier précis pour la mise en œuvre de ces engagements, et notamment le premier, qui signe la fin des crédits export aux secteurs des hydrocarbures.
« On est en phase de construction d’une coalition » justifie-t-on à Bercy, et les pays signataires ne sont pas encore au même niveau de maturation politique dans ce domaine : si à l’instar de la France, les gouvernements du Royaume-Uni et de la Suède ont d’ores et déjà pris des mesures contraignantes dans ce domaine, l’Allemagne, l’Espagne et les Pays-Bas n’en sont pas encore là.
Une chose est certaine, dans l’esprit des autorités française, cette coalition est une première étape, d’autres viendront. « Il y aura d’autres rendez-vous » assure-t-on à Bercy. Avec l’espoir que les États-Unis de Joe Biden, dont la première annonce à l’attention de la communauté internationale a concerné le retour du pays dans l’Accord de Paris sur le climat dont l’administration Trump l’avait sorti, rejoignent très vite l’initiative.
A l’issue de la réunion des ministres co-signataires de la première coalition E3F, a été annoncée l’organisation d’une nouvelle réunion ministérielle dans le cadre de cette initiatiative fin 2021 par les Pays-Bas. Avec, espère-t-on à Bercy, de nouveaux pays participant à la coalition.
Christine Gilguy
*Le communiqué de presse final, diffusé par Bercy est dans le document attaché à cet article ci-après.