La garantie de projet stratégique (GPS) promise par le ministère de l’Économie et des finances en mars 2018 pour soutenir des projets d’entreprises françaises à l’étranger ne remplissant pas les critères de part française de l’assurance-crédit export classique va pouvoir être concrétisée par Bpifrance assurance export. Elle a été autorisée par un décret (n° 2018-1162 du 17 décembre 2018) paru au Journal Officiel le 19 décembre.
Ce texte « relatif à l’octroi de la garantie de l’État pour des opérations de nature à contribuer au développement du commerce extérieur de la France ou présentant un intérêt stratégique pour l’économie française à l’étranger » en précise le cadre réglementaire. Bonne nouvelle : contrairement à ce qui avait été envisagé initialement, elle ne sera pas réservée qu’à de grands projets, puisque le montant minimum a été fixé à 10 millions d’euros, ce qui ouvre la voie à un soutien à des projets de plus petite taille ou à des interventions en complément de tours de table.
« Cela faisait deux ans qu’on disait non à des projets qui ne rentraient pas dans les cases existantes : avec cet outil, on se donne une liberté d’action pour les soutenir », se réjouit Pedro Novo, directeur exécutif en charge de l’export de Bpifrance.
Typiquement, il s’agit de projets portés par des bureaux d’ingénierie et des ensembliers industriels français dans des domaines comme l’énergie ou l’environnement. La part française peut être souvent inférieure au minimum de 20 % requis par le dispositif public de soutien à l’export français, car les équipements peuvent être majoritairement de fabrication étrangère en l’absence d’offre française dans les secteurs concernés, et que les travaux sont réalisés par de la main d’œuvre locale.
« Il n’y a pas de sous-projet à l’international »
« On se voyait obligé de refuser des dossiers de demande de financement avec des parts françaises de 16, 17 ou 18 % alors même que le porteur du projet et les savoir-faire étaient français », explique encore Pedro Novo. « Or, il n’y a pas de sous-projet à l’international dès lors qu’on est dans une mobilisation générale pour l’exportation et où le soutien public devient un enjeu de compétitivité », dit encore le dirigeant, faisant allusion à la compétition qui règne entre les agences de crédit export public. Pour lui, la nouvelle GPS montre la capacité de l’État et du Trésor français à s’adapter aux nouveaux enjeux internationaux auxquels certains secteurs sont confrontés.
Le seuil d’intervention fixé à 10 millions d’euros minimum permettra à des compétiteurs français de catégorie PME et ETI de bénéficier de cette garantie, aux côtés des clients traditionnels du crédit export comme General Electric ou Alstom. Le secteur des énergies renouvelables et de l’environnement est particulièrement visé.
Dans les énergies renouvelables (solaire, éolien, méthanisation, géothermie…), par exemple, des acteurs français comme Akuo Energy ou Neoen, deux producteurs indépendants d’énergie renouvelable, qui ont connu des développements internationaux remarquables ces dernières années dans les pays émergents et en développement, ont bénéficié de très peu de soutien à l’export de l’État français. Eux-mêmes investisseurs et porteurs de projets, ils ont misé sur les outils de l’aide publique au développement, française ou internationale, en se positionnant sur des appels d’offres financés par ces sources, où sur les investissements d’acteurs locaux, publics et privés. « La GPS sera une nouvelle corde à leur arc, notamment pour des projets non financés par des bailleurs de fonds internationaux », explique Pedro Novo.
Des critères d’éligibilité très larges
De fait, concrètement, l’intérêt des projets pour la France et son économie devra être démontré, mais les critères d’éligibilité tels que précisés dans le décret sont très larges, permettant une souplesse dans l’approche :
« 1° L’opération est réalisée dans une filière d’activités relatives à des matériels, des produits ou des prestations de services, contribuant au bon fonctionnement des installations ou des équipements essentiels à la sécurité nationale ou à la sécurité des approvisionnements de la France en matière de ressources énergétiques et de matières premières ;
« 2° L’absence de réalisation de l’opération représenterait un risque significatif pour l’économie nationale, un secteur d’activité ou une filière économique ;
« 3° L’opération permet le développement d’une technologie, d’un procédé, d’un produit ou d’un service générant un avantage compétitif pour l’économie nationale ;
« 4° L’opération est de nature à développer substantiellement l’activité d’entreprises implantées sur le territoire national ;
« 5° L’opération permet à l’entreprise de s’implanter de manière significative sur un marché géographique ou sectoriel à fort potentiel de croissance. »
Des modalités proches de l’assurance-crédit classique, sauf la stabilisation des taux
La GPS reposera par ailleurs sur quatre grands piliers, dont certains similaires à ceux de l’assurance-crédit export classique : une quotité garantie de 80 % ; pas d’éligibilité à la stabilisation des taux (donc des financements au taux du marché, contrairement à l’assurance-crédit classique) ; un alignement sur la Politique d’assurance-crédit (PAC) de l’État, qui fixe annuellement les modalités d’intervention dans les pays émergents et en développement de l’assurance-crédit export classique ; et un montant minimum de 10 millions d’euros, déjà cité.
Concernant les risques couverts, on retrouve ceux du crédit export classique : la garantie couvrira le prêteur contre le risque de non remboursement, avec des faits générateurs de sinistres classique (politique, catastrophique, monétaire, commercial).
Elle permettra en outre une éligibilité au refinancement de la Sfil, qui a déjà fait part de son intérêt pour le mécanisme, et à la garantie rehaussée. Ces deux mécanismes facilitent les financements bancaires en réduisant les risques pour les banques.
Reste les critères d’analyse des projets. La Commission des garanties devaient se réunir début janvier pour en définir plus précisément ces principes. Du côté des entreprises françaises, on espère que l’administration fera preuve de pragmatisme et de souplesse dans son approche. Comme le souligne un observateur averti de l’écosystème du commerce extérieur, le succès et l’efficacité de ce nouveau mécanisme dépendra, à cet égard, de « l’appétit de l’État pour de nouvelles conquêtes à l’export ».
Christine Gilguy
Pour prolonger, lire également au sommaire de la Lettre confidentielle d’aujourd’hui : Financements / Export : 2019, année du décollage du Pass’Export ?