Inconnue du grand public, un peu plus connue des grandes entreprises exportatrices et de leurs banques, très connue dans le milieu du financement des collectivités locales –son cœur de métier historique, elle qui vu le jour pour reprendre les activités de feu Dexia – la banque publique de développement Sfil monte discrètement en puissance dans l’écosystème français des acteurs du crédit export, où se fait l’ingénierie financière des grands contrats d’exportation. Elle va même jouer sa part dans la future garantie des projets stratégiques annoncée par Edouard Philippe le 23 février, lors de la présentation de la nouvelle « stratégie pour le commerce extérieur« , et sur laquelle planchent les services du Trésor. « Nous sommes dans la Team France Export, nous sommes l’apporteur de liquidités aux grandes entreprises » résume Philippe Mills, directeur-général de la Sfil, lors d’une présentation de ses résultats annuels le 9 mars.
La Sfil, qui se finance sur le marché obligataire avec la signature de l’Etat français sur des maturités très longues, est donc la pompe à liquidité que peuvent actionner les banques pour refinancer des prêts qu’elles consentent dans le cadre d’un contrat d’exportation, avec la garantie de Bpifrance assurance export, pour un montant supérieur à 70 millions d’euros. Son développement sur ce métier avait été poussé par l’Etat suite au constat d’une défaillance de marché sur ce type de financement : la France était en retard par rapport à d’autres grands pays qui s’étaient dotés de dispositifs similaires pour soutenir leurs grands exportateurs (Italie, Allemagne, Finlande…).
Avec Bpifrance, des rôles bien répartis et « complémentaires »
Avec Bpifrance, l’autre banque publique de l’exportation, les rôles sont bien répartis et « complémentaires » : « Bpifrance est au cœur des problématiques de financement des PME, la Sfil apporte une capacité de financement exceptionnelle à des grandes entreprises déjà internationalisées en refinançant les banques » explique Philippe Mills. « Nous sommes le 1er apporteur de liquidités sur ce marché en France » renchérit Pierre-Marie Debreuille, directeur du crédit export de la banque de développement. C’est ensemble, souvent, que Bpifrance et la Sfil vont présenter leurs dispositifs aux acteurs de ce marché, dans le cadre de « road shows » qui visent à les faire connaître un peu partout dans le monde.
Ce métier du refinancement de grands contrats d’exportation tels que ceux du chantier STX France, présente la particularité de nécessiter des durées d’exécution longues, avec des remboursements qui s’échelonnent sur plusieurs années. Ce qui en fait des affaires gourmandes en liquidités et en fonds propres pour les banques (pour honorer les ratios prudentiels). Par exemple, la durée de remboursement est de 12 ans à partir de la date de livraison pour chacun des sept navires de croisière vendus par STX France depuis 2016 avec le soutien de la Sfil, livraisons qui se dérouleront entre 2018 et 2022. De quoi freiner l’appétit des banques compte-tenu des montants en jeu. « Nous avons pris 55 % du financement » précise Pierre-Marie Debreuille.
Cerise sur le gâteau : les financements sont très compétitifs, permettant de réduire le coût des prêts de 20 à 50 points de base selon les cas. De quoi bien positionner les offres françaises sur le marché international. Pour soutenir les entreprises en amont du processus, « nous pouvons leur fournir une lettre d’intérêt, souligne Pierre-Marie Dubreuille. Nous en avons fait 20 pour 11 entreprises depuis 2016 ».
23 milliards dans les tuyaux, pour 32 entreprises
Avec le chantier naval de Saint Nazaire, ce partenariat financier est appelé à durer, STX ayant des projets de commandes de neuf navires supplémentaires dans les tuyaux. Son premier « deal », la Sfil l’avait déjà signé en juin 2016 pour le refinancement du pool de banques finançant un contrat portant sur la livraison de deux navires de croisière par STX France au croisiériste américain Royal Caribean Cruise Ltd. : 550 millions d’euros (M EUR) injectés sur un montant total de 1,3 Md EUR*.
Depuis cette première transaction, d’autres affaires sont toutefois venues enrichir son jeune portefeuille : cinq de plus, pour des contrats d’exportations civils et militaires. Son apport a été de 3,3 Md EUR au total, sur un montant global de contrats 6 Md EUR, qui ont bénéficié à neuf banques.
Les perspectives sont plutôt encourageantes : 78 dossiers sont « actuellement actifs », pour un total de 23 Md EUR de contrats. Ils concernent 32 entreprises françaises, grands groupes et ETI, et se répartissent entre le secteur de la défense (36 %), le transport (22 %), les infrastructures (12 %), les télécommunications et le spatial (11 %) et enfin l’énergie (9 %). Outre STX, on peut citer Ocea, Air liquide, Alcatel Lucent, Bouygues, Eiffage, Veolia, EDF, Alstom ou encore Moret Industrie…
Et la Sfil va donc jouer son rôle dans le montage de la future garantie export dédiée aux projets jugés stratégiques : elle interviendra là encore en « refinanceur de place », pour apporter de la liquidité. Thomas Courbe, directeur général adjoint du Trésor, y a fait allusion lors de la journée Bercy financements export du 8 mars, où il a invité le dirigeant de la Sfil, assi au premier rang, a dire quelques mots de ses activités. Des autorisations au niveau national et européen seront nécessaires, l’objectif étant d’être opérationnel fin 2018, pour des premières opérations qui pourraient se réaliser à partir de 2019.
Christine Gilguy
*Export / Financement : Sfil boucle son premier deal pour les chantiers STX
Pour prolonger :
–Financements / Export : Bercy renforce son arsenal pour doper les exportateurs
–Financements / Export : Bpifrance confirmée comme « guichet unique » pour la reconquête