« C’est le bon moment pour prendre des risques, investir, aller à l’export ». Emmanuel Macron, s’est voulu particulièrement allant hier 17 mars, à l’ouverture de la première édition de Bercy financement export, une conférence annuelle sur la politique de soutien à l’exportation de l’Etat qui a fait salle comble au centre de conférence des ministères financiers de Bercy à Paris, avec un public de responsables d’entreprises exportatrices mais aussi de banquiers, assureurs-crédits et courtiers en assurance. Pour lui les conditions n’ont jamais été aussi favorables : baisse de l’euro et des taux d’intérêt, frémissements de reprise mondiale.
Frémissement d’une reprise
Signes d’une certaines reprise pour les grands contrats export, l’activité d’assurance-crédit publique export gérée par la Direction des garanties publiques (DGP) de Coface, qui soutient les grands contrats civils et militaires, est à nouveau en nette en hausse. Les promesses de garanties publiques ont augmenté de 25 % l’an dernier par rapport à 2013, pour atteindre 14,9 milliards (Mds) EUR. Les promesse faites à des PME et ETI (entreprises de taille intermédiaire) ont bondi de 130 %. La production de nouveaux contrats d’assurance, porté par le secteur de la défense, a, elle, augmenté de 57 %, pour atteindre 11,2 Mds EUR et le nombre de nouveaux contrats a bondi de 35 % pour atteindre 168. Les encours de l’assurance-crédit export publique ont atteint 65 Mds EUR fin 2014, en hausse de 4 Mds par rapport à 2013.
Les garanties risque exportateur, gérées également par Coface DGP et destinées à répondre aux besoins financiers des entreprises en phase d’offres à l’international, sont également en forte hausse : + 22 % en nombre et + 73 % en volume (778 M EUR) pour les cautions export; 466 dossiers pour un volume de 1,5 Md EUR pour la garantie de change dans le cadre d’appels d’offres.
Du côté des PME et ETI (entreprises de taille intermédiaire), le regain de dynamisme est également sensible. L’assurance-prospection, malgré des restrictions intervenues en cours d’année sur les frais pris en charge*, a connu un niveau élevé d’activité avec 4500 nouveaux dossiers (incluant l’AP premiers pas destinées aux TPE) et un volume global de budget accordé sous la forme d’avance (remboursables en cas d’échec) de 271 millions d’euros.
Enfin, Bpifrance s’affirme comme le banquier public du développement export : 500 M EUR décaissé au titre du prêt export, son produit phare (prêt allant jusqu’à 5 M EUR sans garantie sur 7 ans) destiné à couvrir les besoins en fonds de roulement des PME en phase de développement à l’international. « Notre objectif était d’atteindre 800 M EUR en 2017, on va aller plus vite que ça » a assuré Nicolas Dufourcq, directeur général de la banque publique, lors de son intervention. Bpifrance intervenant en co-financement avec les banques commerciales sur le principe de 1 euro pour 1 euro, c’est donc 1 Md EUR qui a été décaissé l’an dernier pour financer les projets de développement internationaux des PME et ETI françaises.
Michel Sapin aux entreprises : « A vous de jouer »
Le ministre de l’Economie, de l’industrie et du numérique, était d’autant plus allant que depuis deux ans, réformes et innovations ont permis d’enrichir la palette des instruments au service des exportateurs et que, selon lui, cette palette « ne laisse aucune excuse à l’inaction ». Même discours du côté de Michel Sapin, ministre des Finances et des comptes publics qui ne rechigne pas à s’investir dans la diplomatie économique -il représentait la France au forum de l’investissement de l’Egypte (14-15 mars) qui a permis de mobiliser plus de 32 milliards de dollars d’engagement pour ce pays- et qui a conclu sa présentation par un vibrant : « L’avenir vous appartient, à vous de jouer ! ».
Une manière de signifier aux industriels français que l’Etat ayant fait son job, aux entreprises de faire le leur. De fait, en deux ans, les ministère financiers de Bercy, aiguillés par les milieux d’affaires, se sont employés à améliorer leur dispositif dans deux directions : la simplification et la modernisation des outils, notamment pour en faciliter l’accès aux PME et ETI (Entreprises de taille intermédiaire) et la modernisation de l’arsenal des moyens d’intervention, notamment pour apporter de la liquidité aux banques commerciales et combler certaines failles de marché.
Plusieurs exemples récents ont été rappelés lors de la matinée.
Le premier est le nouveau mécanisme de refinancement des crédits export des banques (prêts dans le cadre de crédit acheteurs bénéficiant de la garantie publique, par exemple), ce que le président François Hollande a annoncé le 6 février comme « une banque de l’exportation ». Il sera géré par la banque publique SFIL (Société de financement local), qui va d’ailleurs changer de sigle à cette occasion pour devenir la SFI, et dont le directeur général Philippe Mills était présent à Bercy. Celui-ci a précisé que le nouveau mécanisme attendait l’aval de la Commission européenne mais a fourni quelques détails : destiné à refinancer des contrats garantis par Coface DGP de plus de 70 millions d’euros, ce mécanisme sera alimenté par une capacité de refinancement actuellement inutilisée à la SFIL de l’ordre de 1,5 à 2,5 Md EUR…
Autre exemple : l’intervention de Bpifrance en tant que prêteur direct pour des crédits acheteurs ou des rachats de crédits fournisseurs de petits montants (moins de 25 M EUR). Nicolas Dufourcq a annoncé que le tout premier contrat venait d’être signé avec une ETI alsacienne pour un montant de 13 M EUR dans le cadre d’un projet d’exportation d’un équipement industriel pour la fabrication de pain au Mozambique. « Notre objectif est de faire 250 M EUR cette année » a indiqué Nicolas Dufourcq. Une quinzaine de demandes seraient remontées des directions régionales de Bpifrance.
La nouvelle palette des soutiens de l’Etat
« Nous faisons face à de nouveaux défis », a justifié Michel Sapin. D’une part les grands partenaires de l’OCDE qui développent des instruments variés de soutien à leurs exportateurs dans le cadre des règles de l’OCDE, et d’autre part les grands pays émergents qui eux aussi musclent leurs moyens d’actions « sans être astreint aux règles de l’OCDE ». Résultat : la compétitivité des offres commerciales sur les marchés étrangers se joue désormais de plus en plus sur les offres de financement apportées par les compétiteurs. « Plus aucun contrat ne se gagne sans l’apport d’un financements » a confirmé plus tard Christophe Viprey, le directeur des Garanties publiques de Coface. Le ministre des Finances a aussi confirmé la réflexion lancée sur le transfert de l’activité Garanties publiques à Bpifrance sans toutefois en dire plus. Aucun autre intervenant ne s’est exprimé sur le sujet.
Charles Sarrazin, le nouveau sous-directeur du financement international des entreprises à la Direction générale du trésor (DG Trésor) a donné les détails de cette nouvelle palette des instruments de soutien à l’export de l’Etat. La réforme du dispositif public menée depuis 2012, a donné naissance « à un ensemble d’instruments financiers couvrant la totalité du cycle de développement d’un projet à l’export et coordonnés entre eux » a-t-il résumé, brandissant une toute nouvelle plaquette éditée par la DG Trésor présentant de façon didactique le nouveau dispositif.
En voici les principaux outils :
1-En phase de prospection, l’assurance prospection permet aux PME de réduire leurs risques de pertes financières sèches en cas d’échec et d’obtenir une avance de trésorerie. Un autre instrument, le FASEP (Fonds d’étude et d’aide au secteur privé), géré par la DG Trésor et réservé aux pays émergents, permet, de financer par des dons des études de faisabilité de projets ciblés.
2-Pour financer la trésorerie ce sont les garanties des cautions export et des préfinancements gérées par Coface DGP (risque exportateur), le prêt export de Bpifrance et un dispositif d’avances remboursables couvrant jusqu’à 50 % des dépenses d’industrialisation de biens de défense destinés à l’export, dont peuvent également bénéficier les sous-traitants.
3-Pour couvrir les risques en phase d’appel d’offre, ce sont la garantie de change (DGP Coface) et un mécanisme de stabilisation des taux d’intérêt géré par Natixis.
4-Pour offrir une solution de financement aux clients des exportateurs, la palette a été dépoussiérée et s’est considérablement étoffée pour proposer :
– l’assurance-crédit export classique déjà citée (Coface DGP);
– les crédits export de Bpifrance déjà cités (crédit acheteurs ou rachats de crédits fournisseurs) assurés par Coface DGP jusqu’à 25 M EUR (et jusqu’à 75 M EUR en co-financement avec des banques) réservés aux PME et ETI (nouveauté 2015);
– les prêts du Trésor gérés par la DG Trésor qui se composent de : prêts non concessionnels (prêts directs du Trésor en EUR à des Etats étrangers de 10 à 70 M EUR) accordés en complément des crédits export de Bpifrance et des crédits-export refinancés par la SFIL; de prêts concessionnels (à des conditions plus favorables) réservés à certains pays en développement (ex. Réserve pays émergents/RPE, appellation qui a été supprimée);
– la garantie rehaussée de refinancement (Coface DGP) qui est une garantie inconditionnelle à 100 % couvrant des investisseurs refinançant des crédits exports accordés par des banques et assurés par Coface DGP (lancée fin 2012);
– le refinancement de crédit export par la SFIL déjà cité et bientôt opérationnel (nouveauté 2015);
-la garantie pure et inconditionnelle à 100 % de Coface DGP pour les crédits export octroyés dans le cadre d’exportations d’avions et d’hélicoptères civils (lancée fin 2012);
– l’avance + export de Bpifrance, un mécanisme de financement des créances export des PME et ETI (lancée en octobre dernier avec Euler Hermes comme assureur-crédit, c’est l’équivalent d’une « Dailly export »).
La politique d’assurance-crédit de l’Etat restant logiquement très ouverte pour 2015, avec 16 pays où les conditions d’intervention ont été assouplies (carte téléchargeable sur le site de la DG Trésor**), le contexte est donc effectivement favorable pour accélérer ses projets exports, en particulier dans les pays en développement et émergents. « L’objectif est d’accompagner les efforts de rattrapage des exportateurs français dans les pays émergents et porteurs » a conclu Charles Sarrazin.
Christine Gilguy
* Lire : Assurance-prospection : les restrictions applicables depuis le 16 juin
** Guinée Bissau, Sao Tomé e principe, Sierra Leone, Timor Oriental, Bangladesh, Bolivie, Burkina Faso, Ghana, Lesotho, Ouganda, République Dominicaine, Seychelles, Equateur, Madagascar. Pour télécharger la carte de la politique d’assurance-crédit export de l’Etat pour 2015 : cliquez sur le lien suivant http://www.tresor.economie.gouv.fr/File/410885