C’est fait ! La banque publique Bpifrance vient de signer son tout premier crédit export, dans le cadre du rachat d’un crédit fournisseur accordé à un client au Mozambique par l’entreprise française Mecatherm, le leader mondial des équipements pour boulangeries industrielles basé en Alsace, a-t-on appris auprès de Bpifrance. « Cette transaction est d’un montant d’environ une vingtaine de millions d’euros », nous a précisé Olivier Sergent, le président de Mecatherm, ETI industrielle de 110 millions d’euros de chiffre d’affaires et de 450 salariés basée à Barembach, dans le Bas-Rhin.
Le crédit fournisseur, dont le montant exact reste confidentiel selon les voeux de l’entreprise, est garanti par Coface (garanties publiques) et sur une durée de cinq ans. L’emprunteur est le groupe Premier, un acteur de la distribution de ce pays lusophone d’Afrique australe. Son objectif est de financer l’acquisition de deux lignes de fabrication de pain auprès de Mécatherm pour équiper son hypermarché à l’enseigne Spar, au centre de la capitale mozambicaine, Maputo, et d’autres points de vente dans le pays. La consommation de pain industriel serait en plein essor sur ce marché.
« Bpifrance intervient seule dans cette opération », nous a précisé Anne Guérin, directrice des financements internationaux chez Bpifrance. Ce qui est conforme aux modalités d’intervention annoncées par la banque publique en début d’année en matière de crédits export (crédits fournisseurs ou crédits acheteurs) : elle peut intervenir seule pour financer des opérations de moins de 25 millions d’euros, et en co-financement avec des banques privées pour des montants entre 25 et 75 millions d’euros*.
Pour l’anecdote, le dossier avait été approuvé dès mars 2015 par la banque publique, faisant même l’objet d’une fuite de la part de Nicolas Dufourcq, son directeur général*. La finalisation de la transaction a toutefois pris quelques mois de plus, comme souvent à l’export, le temps que l’exportateur et son client finalisent le contrat commercial et que ce dernier obtienne l’aval de la Banque centrale du Mozambique. Dans ce pays, une autorisation de la Banque centrale est en effet obligatoire pour obtenir un prêt en devises de plus de 2 ans auprès de créditeurs étrangers.
« Avec la BPI, nous pouvons leur apporter une offre clés en main, un package : la ligne de fabrication, la formation de leur personnel et le financement »
Olivier Sergent se réjouit de l’arrivée de la banque publique sur le marché du crédit export: « Je suis content d’avoir à la BPI un interlocuteur unique et dynamique, cela nous facilite les choses, indique-t-il. Nous avons déjà réalisé ce type de montage de crédit vendeur avec des banques institutionnelles, mais cela nous obligeait à animer la relation entre la banque et Coface, et c’était lourd à gérer. De plus, nous sommes sur des dossiers qui engagent des montants un peu trop petits pour intéresser les banques, entre 5 et 15 millions d’euros ». De fait, en dessous de 25 millions d’euros, les financements structurés sous forme de crédit export sont jugés non rentables par les banques.
Pour Mecatherm, qui exporte déjà près de 90 % de son chiffre d’affaires, il y va aussi de la compétitivité de ses offres dans les pays émergents et en développement, devenus des débouchés cruciaux (environ 35 % de ses exportations). « Nos marchés se situent dans tous les pays où l’on aime le pain croustillant, du type baguette, explique-t-il. Ce sont les pays francophones, hispanophones et lusophones, développés et émergents ». Dans ce contexte, tout le continent africain, en plein essor, est devenu une cible pour l’industriel, et en particulier les centres urbains : « Plus les villes grandissent, plus les citadins consomment, plus il y a de besoins en pain industriel, » résume Olivier Sergent.
Or, pour décrocher des contrats dans ces pays émergents ou en développement, apporter une solution de financement aux acheteurs potentiels est tout simplement une condition du succès. « Nous avons affaire à des clients qui sont des investisseurs avertis mais qui se trouvent dans des pays où les taux d’intérêt sont élevés, où ils ont des difficultés à se financer, explique le président de Mécatherm. Avec la BPI, nous pouvons leur apporter une offre clés en main, un package : la ligne de fabrication, la formation de leur personnel et le financement ». Cerise sur le gâteau : en cédant son crédit fournisseur à la banque, l’entreprise s’allège quelque peu du risque pays et du risque client, ce qui n’est pas le moindre des avantages.
« Mécatherm a ouvert le bal, mais nous avons bon espoir de boucler de nouvelles opérations d’ici la fin de l’année »
De quoi avoir les coudées plus franches dans des négociations commerciales. Mécatherm, dont les équipement sont exportés depuis la France, possède une antenne commerciale à Dubaï, d’où elle gère les marchés africains et moyen-orientaux et une autre à Bangkok, pour l’Asie. Elle est en train de structurer son réseau à l’export afin d’accélérer encore sur ces marchés.
Anne Guérin confirme : « Pouvoir compter sur un financement renforce la compétitivité des offres des entreprises : dans certains dossiers que nous instruisons, le fait que Bpifrance puisse apporter une solution de financement a permis de doubler le montant de la commande finale ! ». Et de conclure : « Mécatherm a ouvert le bal mais nous avons bon espoir de boucler de nouvelles opérations d’ici la fin de cette année, explique la directrice des financements export de Bpifrance. Nous avons beaucoup de demandes pour des transactions de l’ordre de 10 millions d’euros ou moins, nous venons vraiment combler une faille de marché ».
Christine Gilguy
*Financements export : Bpifrance s’incruste dans le paysage du crédit export
Pour prolonger :
Sur les instruments et mécanismes du dispositif de crédit export français, consulter l’édition 2015 du numéro spécial du Moci : « France/Europe- Guide des aides à l’export pour les PME & ETI« .