C’est un des sujets phares de la troisième journée annuelle « Bercy financement export », qui se tient, à l’initiative du ministère de l’Économie et des finances, le 8 mars à Bercy, sur le thème de la « conquête de l’international ». Bpifrance est sortie renforcée dans son rôle de bras armé du gouvernement pour la mise en œuvre du volet financier de sa nouvelle « stratégie pour le commerce extérieur », une stratégie plus offensive qui s’appuiera sur un arsenal enrichi de nouveaux instruments. Confortée comme le « guichet unique » des entreprises pour les appuis financiers de l’État à l’export, la banque publique voit aussi validée plusieurs des orientations qu’elle a contribué à promouvoir pour aider les PME et ETI à accélérer à l’export.
Le dispositif d’accélération des PME et ETI de croissance conforté
« Chez Bpifrance, nous sommes convaincus que la bataille de l’export se joue d’abord en France » souligne Pedro Novo, reprenant une des analyses que martèle Christophe Lecourtier, directeur général de Business France, pour justifier le redéploiement de l’opérateur en France, dans les chambres de commerce et d’industrie (CCI), sur des activités d’accompagnement et de coaching des primo exportateurs. « C’est pour cela qu’il y a trois ans, nous avons décidé de mettre en place ensemble, dans les délégations régionales de Bpifrance, 45 conseillers internationaux Business France et des développeurs de Coface afin de proposer à des entreprises de croissance, startups, PME et ETI, une solution d’accompagnement sur mesure et dans la durée de leur stratégie de développement international », relate le directeur des financements export de la banque publique.
À cet égard, ce dispositif d’accélération à l’export des PME et ETI de croissance et des startups** n’est pas remis en cause par la réforme : « au contraire, il sera renforcé », assure Pedro Novo. Les conseillers Business France demeureront à leur poste aux côtés des développeurs des garanties publiques export, désormais intégrés à la filiale Assurance export de la banque publique.
En revanche, c’est dans les CCI et avec elles, dans le cadre de l’alliance avec Business France et sous l’autorité des Régions, que se jouera désormais la bataille de la mobilisation et de la transformation en masse des primo exportateurs : « n’oublions pas que pour remplir l’objectif fixé de 200 000 exportateurs d’ici 2022, c’est 65 000 à 70 000 nouveaux exportateurs qu’il faut trouver » souligne Pedro Novo, « l’enjeu est de faire émerger une nouvelle génération d’exportateurs ». À cet égard, ce repositionnement de Business France et des CCI sur du conseil aux primo exportateurs s’inspire de la démarche d’accélération : « c’est le résultat de ce que nous avons fait depuis deux ans sur le terrain, en proposant une approche associant du coaching et du soutien financier, avec à la clé pour les entreprises la mise en place de plans stratégiques précis, dans la durée ».
Augmenter la « compétitivité du crédit export français »
Cette transformation de l’accompagnement complète bien l’autre volet de la réforme, celle des financements export, que Bercy doit dérouler le 8 mars lors de sa conférence annuelle Bercy Financements export : « là nous parlons de compétitivité du crédit export français », explique Pedro Novo, qui rappelle les avancées déjà acquises lors de précédentes réformes pour simplifier le dispositif et le rendre à nouveau attractif pour les PME : transfert de la gestion des garanties publiques de Coface à Bpifrance, développement de la gamme de produits avec, notamment, la relance des crédits export de petits montants.
Objectif : augmenter la compétitivité du dispositif, au service des exportateurs, afin d’ancrer l’international dans les radars des PME. Mais aussi mieux le faire connaître. « Notre obsession est la simplification, de proposer des solutions plus désirables, plus efficaces et plus rapides » insiste encore le directeur des financements export.
Assurance prospection : « jouer le rôle d’ensemblier de l’écosystème »
C’est le cas selon lui pour la nouvelle assurance-prospection qui, en échange d’une réduction relative de la couverture (instauration d’une part remboursable incompressible de 30 % que la prospection réussisse ou échoue, quotité à 65 % alors qu’elle pouvait atteindre 75 % précédemment), permettra d’obtenir immédiatement un financement de trésorerie représentant 50 % du budget garanti.
« Les 60 entreprises consultées, dont 10 ont testé le modèle de façon opérationnelle dans les Hauts de France, ont salué les innovations proposée, se réjouit Pedro Novo. Prenons deux exemples qui marquent la rupture avec l’historique : les actes administratifs réduits à trois rendez-vous (octroi, libération de tranche et liquidation du produit) au lieu d’une dizaine. Autre innovation, une meilleure visibilité dès l’octroi sur l’intégralité du budget couvert, sans révision annuelle, ce qui constitue une opportunité de financer le projet export de façon pérenne et durable ».
Le directeur des financements export de Bpifrance balaye aussi certaines critiques sur l’instauration d’un remboursement minimum de 30 % du financement, qui équivaut à une baisse de l’aide financière. « J’ai même été surpris par certains dirigeants qui ont souligné qu’ils appréciaient d’être responsabilisés dans la réussite du projet d’export et d’internationalisation de leur entreprise et assumait ainsi le remboursement forfaitaire minimum mis en place. Car l’ancien système pouvait être interprété d’une certaine façon comme une prime à l’échec dans la mesure où vous n’aviez pas à rembourser les avances consenties justement en cas d’échec ».
Et, à l’attention des consultants qui craignent que le nouveau système ne permette plus de financer les prestations de conseil qu’ils fournissaient aux PME dans le cadre de leur plan de prospection, il se veut rassurant : « nous voulons construire une démarche partenariale avec les entreprises et nous allons accorder une attention particulière à leur plan stratégique. Autrement dit nous allons leur demander de s’entourer » assure-t-il. « Nous allons jouer le rôle d’ensemblier de l’écosystème, avec tous les partenaires » souligne encore le responsable.
Se détacher de la règle de part française
Autre exemple de nouveauté pour laquelle Bpifrance a bataillé : l’assouplissement de la règle de la part française, une règle d’or qui détermine l’éligibilité d’un contrat export aux garanties publiques. Pressé par les industriels, dont les chaînes d’approvisionnement sont devenues très internationales, le ministère de l’Économie et des finances avait déjà consenti à des assouplissements : en 2016, le seuil minimum d’éligibilité à l’assurance-crédit export publique avait ainsi été réduit drastiquement de 50 à 20 % de part française**. Mais le processus de justification restait long et compliqué. Il s’agissait donc de se détacher davantage de cette règle, sans pour autant l’oublier tant l’enjeu de la création de valeur en France reste un marqueur fondamental de la politique industrielle française.
C’est clairement l’objectif du nouveau produit phare du crédit export qu’est le Pass Export, un dispositif inédit dans l’univers du crédit export et dont la France est le premier pays au monde à se doter, selon Bercy. Le chantier breton Piriou a été le premier à en signer un avec Bpifrance assurance export.
Il s’agit d’un contrat sur 3 à 5 ans qu’une PME peut passer avec le gestionnaire de l’assurance-crédit publique : « nous nous mettrons d’accord avec l’entreprise dès le départ sur une part française moyenne à atteindre sur l’ensemble de la période. Il ne sera plus exigé de l’entreprise qu’elle justifie pour chaque opération qu’elle atteint un seuil défini : elle pourra être à 70 % sur certains contrats, à 20 % sur d’autres en fonction des marchés. Le tout, c’est que la moyenne sur la période atteigne au minimum le seuil que l’on aura arrêté avec elle ». Un véritable contrat de confiance.
Cet assouplissement de la règle de part française est encore plus visible dans le projet annoncé de mettre en place un instrument de couverture de projets stratégiques, en l’absence de contrat export. Si à Bercy, l’on a surtout en tête de répondre à une demande exprimée par Paris Europlace pour un soutien de l’État au financement de grands projets d’infrastructures ou d’énergie, chez Bpifrance, on y voit aussi la réponse à une situation devenue inextricable dans certains secteurs comme les énergies renouvelables. « C’est le résultat d’un combat que nous avons mené pour le secteur des énergie renouvelables, notamment le solaire, en Afrique, en Amérique centrale ou en Asie du sud-est : dans de nombreux cas, comme la France ne fabrique pas de panneaux solaires, des porteurs de projets français n’avait d’autre choix que de solliciter des banques de développement comme l’AFD, ce qui avait des limites, où de voir leur échapper de nombreux marchés : les Allemands, les Italiens, les Espagnols davantage soutenus par leurs États ont pu ainsi gagner de nombreux contrats ».
Autrement dit, ce nouvel instrument doit « remettre les entreprises françaises, notamment celles qui font de l’ingénierie de projet, dans la compétition ». De quoi donner de nouvelles munitions aux PME et ETI françaises dans leur conquête des marchés internationaux.
Christine Gilguy
*PME et ETI à l’export : le plan de bataille du tandem Bpifrance / Business France
**Financements / Export : comment les nouvelles règles de part française favorisent les PME et ETI
Pour prolonger :
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