Augmenter de 100 % le nombre de polices d’assurance-crédit export délivrée en soutien de transactions commerciales de PME, augmenter de 75 % le nombre de cautions et de 50 % celui des contrats d’assurance change, augmenter de 30 % le nombre d’assurance prospection… Les objectifs de Bpifrance assurance export, nouvelle agence de crédit export française issue du transfert de la gestion des garanties publiques à l’exportation de Coface à la banque publique d’investissement Bpifrance, sont ambitieux pour 2017. Et ils visent principalement les PME et ETI.
« #PartezCouverts »
Les slogans sont d’ailleurs taillés sur mesure pour l’économie 2.0, qui marquent un changement radical de culture comme : « Entrepreneurs nous assurons vos ARRIERES quand vous allez de l’AVANT », et bien sûr un hashtag « #PartezCouverts ». On est loin de la discrétion de l’ancienne Coface Direction des garanties publiques (DGP), on sent poindre la volonté résolue d’élargir la distribution de ces garanties hors du monde restreint des grands industriels exportateurs…
« En 2016, 144 polices d’assurance-crédit ont été délivrées pour des contrats export, dont 58 pour des PME : en 2017, on veut faire deux fois plus sur les PME » a confirmé Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance et président de la nouvelle filiale, lors de la présentation à la presse de cette nouvelle ligne de métier, en présence de son directeur général fraîchement confirmé le 31 décembre par décret, Christophe Viprey, radieux. Ce dernier est toutefois loin d’être un nouveau venu dans le métier du crédit export français puisque cet ancien de la DG Trésor dirigeait déjà cette activité Coface DGP depuis juillet 2011.
Tout sourire, Christophe Viprey n’a pas caché sa satisfaction de tourner cette page, après toute une année à préparer le transfert des personnels –les 240 salariés de l’ancienne Coface DGP ont été transférés dans la nouvelle entité– et un énorme basculement informatique, un nouveaux système ayant été construit, intégré à celui de la banque publique, avec des « murailles de Chine » érigées entre cette nouvelle ligne de métiers et les autres : « J’éprouve du soulagement parce que c’est fait et que ça marche » a-t-il dit d’entrée aux journalistes.
Sous une même enseigne, la quasi-totalité des outils d’aides publiques à l’export
C’est ainsi dans des locaux flambant neuf et aux couleurs de la banque publique Bpifrance – dont le fameux jaune symbole de l’optimisme qui fait la marque de fabrique de la banque publique –, au huitième étage d’un immeuble de la rue Drouot, dans le neuvième arrondissement, au cœur de Paris, que la nouvelle « ligne de produit assurance export de Bpifrance » a été officiellement présentée à la presse, le 17 janvier. Nicolas Dufourcq en avait dévoilé les principales caractéristiques au Moci, dans un entretien exclusif publié le même jour par sa Lettre Confidentielle*. Des précisions ont été données sur l’ambition de la nouvelle entité.
D’abord, avec ce transfert réussi de la gestion des garanties publiques à l’export de Coface à Bpifrance, la banque publique doit répondre à un besoin de simplification exprimé de longue date par les entrepreneurs. C’est sa promesse numéro 1. Nicolas Dufourcq la présente d’ailleurs désormais comme « un objet unique au monde », réunissant en son sein la boite à outils la plus étendue qui soit en matière de financement des PME et ETI, de la création d’entreprises à leur internationalisation en passant par le soutien à leurs innovations.
Sur l’international, les PME vont y trouver, sous une même enseigne, la quasi-totalité des outils d’aide publique à l’export financières ou assurancielles : apport en capital (fonds d’investissement cross border), prêt croissance international, crédit export, accompagnement (en partenariat avec Business France), garanties, produits d’assurance (assurance-crédit, assurance prospection, garanties des cautions et des préfinancements risque exportateur, assurance change et assurance investissement). « On est plus complet que la banque de développement du Canada qui ne fait pas d’assurance export » s’est réjoui Nicolas Dufourcq.
Cerise sur la gâteau, comme désormais la garantie de l’Etat sera directe (et non plus indirecte, comme ça l’était avec Coface DGP), les prix des polices seront un peu moins chères , « dix points de base en moins » pour les banques selon Christophe Viprey. Surtout, la signature sera plus claire pour les partenaires étrangers. Les procédures d’instruction et les seuils de délégation (montants au-delà desquels le passage en commission des garanties est obligatoire) resteront les mêmes dans un premier temps, mais un dialogue avec l’Etat va s’engager pour améliorer leur fluidité, ont confirmé les deux dirigeants. Rappelons qu’un comité client a été constitué et tiendra sa première réunion en mars*.
Sortir l’assurance-crédit publique du marché restreint des grands comptes
Deuxième priorité : sortir l’assurance-crédit export du marché restreint des grands comptes dans lequel il était confiné jusqu’à présent. Sur 12000 clients en portefeuille, quelques grands industriels de l’aéronautique ou du ferroviaire, de la défense, de l’énergie, du naval ou encore du spatial, pèsent d’un poids écrasant dans les volumes de contrats export pris en garantie par l’Etat chaque année : 96 % des 16 milliards d’euros couverts en 2016.
Ces pourvoyeurs de grands contrats export ne seront certes pas oubliés. Mais c’est sur les milliers de PME et ETI clientes qui génèrent les 4 % restant que Bpifrance assurance export veut faire la différence : « on veut remonter l’objectif sur cette frange », a expliqué Christophe Viprey, autrement dit augmenter le nombre d’opérations. Beaucoup de ces PME et ETI étant surtout clientes de l’assurance prospection –une aide à la prospection de marchés à l’export et non pas une aide au financement de contrats commerciaux conclus-, il s’agit de leur faire mieux connaître les possibilités offertes par l’assurance-crédit ou l’assurance change.
Et pour cela, Bpifrance assurance export va changer complètement de démarche : finie la posture guichet, époque « où on considérait (les produits) tellement bons qu’on devait nous les demander », désormais « on veut emmener le produit au plus près des exportateurs », a expliqué son directeur général. Et au passage, a renchéri Nicolas Dufourcq, il s’agit aussi de le « dédramatiser », le sortir du milieu restreint d’experts dans lequel il était confiné faute d’être mieux connu.
« On a des équipes qui sont prêtes à les accompagner chez leurs clients à l’étranger »
A cet égard, la nouvelle agence de crédit export française se montrera aussi plus proactive pour accompagner les entreprises françaises dans l’élaboration de leurs offres commerciales aux acheteurs étrangers : « les accompagner à l’étranger devient la norme, afin que l’agence de crédit export soit aux côté des banques et des exportateurs pour promouvoir l’offre française, a précisé Christophe Viprey. Dès 2017, le message aux entrepreneurs est : on a des équipes qui sont prêtes à les accompagner chez leurs clients à l’étranger ». Depuis 2015, Bpifrance déploie progressivement des agents dans des pays étrangers pour rayonner dans des zones jugées clé pour les exportateurs français (6 actuellement à Abidjan, Dubaï, New-York, Varsovie, Shanghai et Singapour) : ce dispositif sera réévalué en fin d’année au vue de ses résultats.
Le mot clé de Bpifrance assurance export en 2017 va donc être « road show », en France comme à l’étranger. En France, cette stratégie va clairement s’appuyer sur l’étendu du réseau de la banque publique en région. La où Coface alignait un peu moins de 20 personnes en charge du développement des garanties publiques en région, Bpifrance en aligne un peu moins de 1000 via ses 47 délégations régionales… Mais l’étranger sera aussi ciblé afin de faire connaître aux acheteurs étrangers l’étendue des possibilités offertes par la Banque publique. Et pour Christophe Viprey, il n’y a pas de doute : « On a le potentiel pour faire l’objectif ».
Christine Gilguy