Le financement à l’export, c’est aujourd’hui en France une corne d’abondance, à condition d’avoir le mode d’emploi et le sens de l’orientation ! Telle est l’une des principales conclusions concrètes à retirer du rapport sur « le financement de l’exportation et de la conquête de l’international » publié le 10 septembre par l’Observatoire du financement des entreprises (OFE) de la Médiation du crédit. Dans un rapport de 110 pages livrant un panorama exhaustif de l’offre de financement et de garanties proposées actuellement par les acteurs privés (banques, assureurs-crédits) et publics (États, régions, Bpifrance…), l’OFE estime que la gamme est « complète » mais encore trop « complexe » pour les dirigeants de PME. Et il livre sept recommandations dont certaines plutôt innovantes, pour améliorer cette situation.
Abondante, la gamme disponible sur le marché couvre en effet l’ensemble des besoins des entreprises, de celles qui exportent des biens de consommation qui se payent à court terme (3 à 6 mois de délais de paiement) à celles qui sont sur de grosses opérations de fournitures de biens d’équipements en passant par le financement du fonds de roulement lors des phases de développements. Préparation, prospection, financement des délais de paiement et sécurisation des risques d’impayés, couvertures de change, préfinancement, crédits acheteurs et crédits fournisseurs, financement de l’implantation… tout y est.
Le problème : « ces différentes familles d’outils de financement et de couverture comportent de nombreuses options et sont marquées par un niveau de technicité et complexité élevé » pointe le rapport.
« Un frein pour les dirigeants de petites et moyennes structures »
De fait, entre les outils du « trade finance » (crédit documentaire, mobilisations de factures…), ceux de l’assurance-crédit et de l’affacturage, les couvertures de change, les garanties et cautions, ou encore les outils spécifique de «l’export finance » (crédits acheteurs, crédits fournisseurs), les chefs d’entreprises ont de quoi s’y perdre. Or, « cette complexité constitue un frein pour les dirigeants de petites et moyennes structures disposant d’équipes dédiées à ces questions très limitées », estime l’OFE.
Car pour corser le tout, cette « complexité dans les outils se double d’une complexité dans l’écosystème lui-même qui porte cette offre », relève à juste titre le rapport. Une situation que Le Moci vérifie régulièrement.
Dans les banques commerciales, chaque famille de produits est ainsi gérée par des services différents : le « trade » est géré par la « banque de détail », l’ « export finance » – crédit export et montage structurés- est géré par la banque de financement et d’investissement tandis que les couvertures de changes relèvent des salles de marchés et que l’affacturage est logé dans des structures séparées. Dans le public, chez Bpifrance elle-même, l’assurance-crédit et les garanties export sont gérées par une filiale Assurance export, séparée de Bpifrance financement.
Le rapport relève également la complexité de l’écosystème de l’assurance-crédit, marqué par « des lignes de partage ou de recoupement entre assureurs-crédits privés et public selon la nature des opérations couvertes, l’horizon des transactions, le niveau de subsidiarité sur un marché donné… ». Sans compter le rôle d’autres acteurs qui peut être « déterminant » pour obtenir un financement à l’export : Trésor, Business France, Agence française de développement (AFD), Régions et même fintech…
Difficile d’avoir une vision claire lorsqu’on ne baigne pas au quotidien dans ces univers.
La Douane pourrait produire des attestations pour les banques
Pour améliorer cette situation, l’OFE fait sept recommandations relevant à la fois de la coopération entre les acteurs de l’offre eux-mêmes, de leur relation avec leurs clients et, de la formation et de la sensibilisation des dirigeants d’entreprises.
1/- « Renforcer la concertation relative aux évolutions des modalités techniques de financement export » : cette recommandation vise les relations entre Bercy et les entreprises, et suggère de consulter de façon plus approfondie les différentes parties en amont des futures évolutions des outils.
2/- « Mieux coordonner les différentes offres de financement et de garantie » : il s’agit de poursuivre les efforts de coordination au sein des réseaux bancaires et entre les entités publiques. Le rapport salut à cet égard la réforme en cours visant à mettre en place des « guichets uniques ».
3/-« Sensibiliser et accompagner les entreprises sur les sujets du financement à l’exportation » : sur ce point, l’OFE recommande plus d’accompagnement des dirigeants d’entreprises, notamment de la part des organisations socio-professionnelles, saluant au passage le programme Stratexio, qui vise à renforcer les compétences à l’export de chefs d’entreprises via de la formation et la diffusion des meilleures pratiques. Il cite également le rôle des experts-comptables, de même que celui des sociétés spécialisées du commerce international et des courtiers. « Le rôle de ces différents accompagnateurs doit être bien connu des chefs d’entreprises » estime le rapport de l’OFE.
4/- « Mieux orienter l’offre vers les PME : la simplifier, la rendre plus accessible » : sur ce point, l’OFE estime que « l’offre pourrait être davantage adaptée » pour faciliter son accès aux PME, qu’elle émane du secteur privé ou du secteur public. Et de citer les exemples d’offres simplifiées et packagées proposées par certains réseaux bancaires et assureurs-crédits. Autre possibilité : « la formation et la sensibilisation à ces produits des forces de vente » elles-mêmes.
5/- « Favoriser le dialogue avec les banquiers grâce aux informations douanières » : c’est l’une des propositions les plus innovantes de ce rapport. Elle consiste à ce que la Douane établisse, à la demande d’une entreprise, un document attestant de sa situation au vu de ses opérations douanières de nature à rassurer les banques en vue de l’obtention d’un financement. Les Douane seraient d’accord avec ce projet, et les banques seraient demandeuses, selon le rapport.
6/- « Faciliter l’accès des PME à l’export grâce aux innovations numériques » : sur ce point, il s’agit de mieux faire connaître aux PME les innovations qui émergent grâce aux nouvelles technologies, plus simples, plus souples, avec une tarification adaptée. Le rapport cite les projets blockchain, mais aussi les offres en ligne de crowdfunding, affacturage, couverture de change, systèmes de paiement… Un rapport sur ce sujet serait en cours de préparation au sein du Pôle de compétitivité Finance innovation.
7/-« Sensibiliser aux spécificités des besoins de financement générés par l’e-export et les places de marchés internationales » : solution alternative à l’exportation traditionnelle, l’e-export se développe, avec certains coûts en baisse (prospection) et d’autres en hausse (marketing, logistique…). Pour l’OFE, « des actions d’information et de sensibilisation doivent être menées » auprès des chefs d’entreprises sur ces nouveaux modèles.
A suivre…
Christine Gilguy
Le rapport est accessible en ligne sur le site de l’OFE : mediateur-credit.banque-france.fr/news/publication