Eiffel Investment Group (Eiffel IG), société d’investissement spécialisée dans la transition énergétique contrôlée par Impala, la holding de l’entrepreneur Jacques Veyrat, met résolument le cap sur l’Afrique avec pour ambition de lever 200 millions de dollars pour développer sur le continent une activité de « dette bridge » d’infrastructures d’énergie renouvelable. Une première sur le marché du financement des infrastructures sur le continent.
Eiffel IG a déjà déployé une telle stratégie en Europe avec succès : grâce à deux fonds (Eiffel Energy Transition 1 et 2) depuis 2017, la société a pu aider 60 développeurs de projets à monter 1900 projets. Pour mettre en œuvre sa nouvelle stratégie panafricaine, elle s’est associée avec le cabinet de conseil financier français spécialisé sur la transition énergétique, Finergreen, qui dispose de trois bureaux sur le continent (Abidjan, Nairobi et Cape Town).
Le positionnement spécifique d’Eiffel IG est le « bridge funding », autrement dit le financement provisoire d’investissement en fonds propres ou via de la dette.
Concrètement, il s’agit de permettre à des développeurs de projets de financer leur construction avec des prêts relais, sans attendre la finalisation des tours de tables d’investisseurs ou de prêteurs, voire la signature des contrats de fourniture d’énergie. Le décalage de calendrier entre la construction concrète de l’infrastructure et ce processus de finalisation des accords avec les investisseurs ou les clients peut en effet faire échouer bien des projets.
Une solution pour accélérer le déploiement des projets
Ce modèle a bien fonctionné en Europe, mais peut-il fonctionner sur le continent africain ?
Alan Follmar, co-responsable de la stratégie Afrique d’Eiffel IG, en est convaincu tant la demande potentielle est forte pour ce type de solution : « Par rapport aux projets d’énergie renouvelable en Afrique, on constate aujourd’hui une situation de surliquidité aussi bien en fonds propres qu’en dette, explique-t-il au Moci. Le problème, c’est la complexité de mettre en place des structures de capital permanent tout en respectant le calendrier des projets et les attentes des gouvernements et / ou des clients privés. Dans les pays de l’OCDE, il arrive des situations où les projets sont prêts à construire mais les conditions des acteurs financiers ne sont pas encore remplies- c’est d’autant plus marqué dans les pays africains. Nous voulons ainsi survenir aux besoins des développeurs qui veulent accélérer le déploiement de leurs projets avec un financement en crédit relais ».
En Afrique, de telles solutions sont encore rares. « On n’a pas vu d’offres de solutions de financement bridge aussi clairement articulées sur l’Afrique » observe de son côté Pierrick Paindavoine, co-responsable de cette stratégie Afrique.
Les deux co-responsables ont été recrutés par Eiffel IG pour mettre en œuvre cette nouvelle stratégie panafricaine de « bridge funding » dans les infrastructures d’énergie renouvelable. Ils sont tous deux expérimentés dans le financement, l’investissement et le développement de ce type de projet, que ce soit dans le cadre de concessions, de partenariats publics-privés ou encore de projets privés. Ils ont en outre une solide expérience des pays émergents, notamment en Afrique, et connaissent bien les problématiques de financement de projets d’infrastructures d’énergie renouvelable, la spécialité d’Eiffel.
Répliquer en Afrique ce qui a fonctionné en Europe
« L’idée est de répliquer ce qui a fonctionné en Europe avec les fonds de transition bridge gérés par Eiffel : prendre le relais, ‘ bridger’, pendant un laps de temps relativement court, en attendant que le développeur finalise la mise en place de financements de long terme auprès des investisseurs ou prêteurs, explique Pierrick Paindavoine. Pour ce projet de fonds panafricain de dette bridge, nous partons exclusivement sur une offre de prêts relais, sans exclure dans une seconde étape, à plus long terme, de réfléchir à d’autres types de solution de financement dans le cadre de fonds futurs ».
Quand aux développeurs cibles, certains se trouvent dans l’Hexagone, à l’instar d’Akuo Energy par exemple. « Il existe des développeurs français tout à fait dans la cible et nous avons la volonté de les accompagner dans leurs projets en Afrique » confirme le co-responsable.
Des prêts jusqu’à 36 mois, des taux intégrant le risque pays
Concernant les modalités des prêts relais, leur montant varient en fonction des besoins et de la taille des projets.
Pour de petites infrastructures de production d’énergie renouvelable décentralisées destinées à alimenter des clients commerciaux ou industriels, le montant varie de 3 à 6 millions de dollars. Exemple : ce prêt relais de 3 millions d’euros octroyé par Eiffel Investment Group en octobre dernier au développeur britannique ManoCap Energy pour équiper des entreprises industrielles et commerciales en systèmes photovoltaïques au Ghana (notre photo) et en Sierra Leone.
Le montant est plus élevé, de l’ordre de 15 millions USD, pour des projets de plus grande taille, du type centrale, destinés à alimenter un réseau.
Durée des prêts et taux d’intérêt varient en fonction des projets. « La durée des prêts relais en Europe est généralement comprise entre 6 et 24 mois. En Afrique, on s’attend à devoir proposer des durées plus longues, allant jusqu’à 36 mois voire un peu plus » indique Pierrick Paindavoine.
Quant aux taux d’intérêt, ils tiennent compte naturellement des risques. « En matière de taux d’intérêt, comparé à l’Europe, nous prendrons en compte le risque pays généralement plus élevé. Mais si l’on regarde le succès de notre solution en Europe, où nous avons octroyé plus de 150 financements bridge à 60 développeurs, on constate qu’elle est attractive et répond à un besoin » complète-t-il.
Globalement, Eiffel IG évalue à 600 millions de dollars par an le marché pour ce type de financement sur le continent africain et assure que « de nombreuses opportunités sont à l’étude ».
La BEI étudie officiellement un ticket de 30 millions de dollars
Pour l’heure, la priorité est de réussir la levée de fonds d’ici mi-2022.
Les bailleurs de fonds publics sont privilégiés : « pour ce projet de première levée de fonds, nous comptons solliciter principalement les institutions financières de développement, précise Pierrick Paindavoine. Nos interlocuteurs font le même constat que nous concernant les besoins de financement non satisfaits pour ce type de projet en Afrique. On a des discussions constructives ».
Un signal encourageant : la BEI (Banque européenne d’investissement) étudie officiellement (elle a engagé des diligences) la possibilité de mettre un ticket de 30 millions de dollars. Et le groupe assure que « d’autres investisseurs privés et publics européens et internationaux de premier plan étudient le dossier ».
Christine Gilguy