Le 16 novembre à Bercy, les acteurs de la filière forêt-bois, professionnels, État, Régions, signaient le contrat qui doit structurer la filière pour la période 2018-2020*. Parallèlement, le plan interministériel de relance**, annoncé par le président de la République, lors de son déplacement dans les Vosges, le 18 avril, était lancé.
Luc Charmasson, qui préside le Comité stratégique de filière (CSF), mis en place sous l’égide du Conseil national de l’industrie (CNI)***, pilotait ce double événement, auquel participaient, outre les représentants des organisations professionnelles, pas moins de quatre ministres : Didier Guillaume, ministre de l’Agriculture et de l’alimentation, Julien Denormandie, ministre chargé de la Ville et des territoires, Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre de la Transition écologique et solidaire, Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie et des finances.
L’association des Régions de France y était également représentée, en la personne de Sylvain Mathieu, son représentant à l’Office national des forêts (ONF), aussi vice-président de la Région Bourgogne-Franche-Comté, en charge de la filière bois, de la forêt, de la montagne et des parcs.
La France, 4e forêt d’Europe, avec 17 millions d’hectares
Cette mobilisation à un aussi haut niveau appelle trois commentaires.
1/- D’abord, le lien industrie-internationalisation est essentiel. En d’autres termes, il n’y aura de gain à l’export, sans industrialisation de la filière. Or, le paradoxe a été d’entrée souligné par Agnès Pannier-Runacher. « Nous disposons de la quatrième forêt en Europe, mais le bois accuse un déficit commercial de 6 milliards d’euros, soit 10 % du déficit national ». Selon elle, la raison en est « le manque de compétitivité de la filière par rapport à ses rivales ».
En effet, la France importe les produits finis qui ont une forte valeur ajoutée et, de ses 17 millions d’hectares de massif forestier, exporte surtout du bois brut. Avec également des conséquences sur le marché intérieur. En février dernier, la Fédération nationale du bois en appelait au chef de l’État parce que l’exportation croissante de grumes de chêne risquait de ruiner la filière française de fabrication de parquets et meubles.
Pour autant, relever la tête ne sera pas facile. « Si notre déficit commercial est élevé, notamment dans le carton et l’ameublement, c’est qu’en face, dans l’économie mondiale, se sont développés des compétiteurs maintenant très forts », constatait Sylvain Mathieu.
2/- Ensuite, la structuration de la filière doit être totale. Elle découle naturellement du premier point, le lien industrie-internationalisation. Il ne peut y avoir de conquête en matière industrielle et d’internationalisation sans une entente parfaite entre l’amont et l’aval, c’est-à-dire la forêt et l’industrie du bois (construction, ameublement, aménagement intérieur et extérieur, papier, emballage, chimie, énergie).
Or, « nous ne récoltons que la moitié de ce que notre forêt produit », rappelait Sylvain Mathieu. C’est le rôle du CSF de mobiliser l’ensemble de la filière autour de programmes structurants dans l’innovation, la formation, l’emploi, la transformation de l’entreprise ou la conquête des marchés à l’international.
D. Weber (FBIE) : « avec FBF, les relations s’améliorent et se bonifient »
« Compte tenu de notre déficit commercial, il y a un gros travail à faire. Et pour réussir, il nous faut travailler sur les marchés et l’innovation », pointait Dominique Weber, qui préside la Fédération bois industries entreprises (FBIE). « Nous avons besoin de signaux forts et on doit travailler avec notre homologue France Bois Forêt (FBF) », ajoutait-il, en assurant que « les relations s’améliorent et se bonifient ».
Parmi les projets structurants du CSF, « Cadre de vie : demain le bois » vise à renforcer l’innovation collaborative. Ce qui est appelé hub dans le Comité stratégique de filière est un creuset d’innovation. Et les participants aux groupes de travail se pencheront notamment sur la constitution d’un hub Wood luxury, a révélé Vincent Petitet, délégué général de la FBIE. « Ce hub Luxe, avec des entreprises traditionnellement tournées ver l’export, est constitué de PME que nous devons aider à devenir des ETI, ce qui sous-entend deux choses, selon lui : qu’il y ait un rapprochement de ces entreprises avec les grands groupes et les clients et, en plus, une hausse des soutiens à l’export ».
Export : Accélérateur PME et Wood Luxury
Pour favoriser la croissance des entreprises, un autre dispositif est prévu dans le CSF. Il s’agit de l’accélérateur PME. La filière dans son ensemble représente 53 milliards d’euros de chiffre d’affaires, 372 000 emplois directs et environ 440 000 emplois directs et indirects et 60 000 entreprises avec une majorité de petite et moyenne taille. Ce sont bien aux PME que s’adressera l’accélérateur devant être mis en place en 2019 avec Bpifrance.
« Il faut les aider à croître et à se projeter à l’international », affirmait Agnès Pannier-Runacher. « Les PME ont vocation à devenir des ETI », ajoutait Luc Charmasson. La première promotion devait compter 30 sociétés. « C’est à travers l’accélérateur que va se faire l’export », confirmait au Moci Dominique Weber.
3 Enfin, la prise en compte des grandes tendances en matière de développement durable. Brune Poirson a ainsi insisté sur « la gestion de la forêt durable » et « la construction écologique et bas-carbone ». Un propos repris par Julien Denormandie, familier de la filière pour y avoir travaillé comme directeur de cabinet adjoint d’Emmanuel Macron, ministre de l’Économie, de l’industrie et du numérique de août 2014 à août 2016.
Rappelant au passage qu’il y a dans le bois « autant de salariés que dans l’automobile », le ministre a mis en avant le rôle de la filière dans le stockage du carbone et la limitation des émissions de gaz à effet de serre. Il s’est ainsi déclaré persuadé que les constructions en bois se développeront d’ici 2022.
François Pargny
* Le contrat de filière 2018-2020 s’articule autour de trois projets structurants :
-1/ Renforcer l’innovation collaborative « Cadre de vie : demain le bois » ;
-2/ Réaliser de manière exemplaire les ouvrages olympiques et paralympiques des JO Paris 2024 avec les solutions constructives bois et d’aménagements en bois ;
-3/ Accompagner l’élévation des compétences dans les entreprises de la filière (Accompagner les évolutions des compétences. Accélérer la croissance des entreprises à travers le dispositif « Accélérateurs PME »).
** Le plan interministériel pour relancer la filière forêt-bois comprend trois axes :
-1/ Mobiliser et renouveler durablement la ressource forestière ;
-2/ Développer les marchés finaux, soutenir l’innovation et l’investissement ;
-3/ Améliorer la performance environnementale de la filière et son développement dans les territoires.
*** Le Conseil national de l’industrie (CNI) est une instance consultative des professionnels, présidée par le Premier ministre. Ses travaux ont ainsi débouché sur la création de 16 comités de filière stratégique, dont le bois. Le prochain CNI se déroulera jeudi 22 novembre.
Lire à ce sujet le dossier du Moci French Touch. Comment les filières gagnent à l’export