La lutte contre la fraude à la TVA est un aspect non négligeable des missions de la Douane à l’heure de la lutte contre les déficits. Un point s’impose.
I/ Contexte
En mai 2006, la Commission a présenté une communication visant à susciter un débat sur la nécessité d’une stratégie coordonnée pour lutter contre la fraude fiscale dans le marché intérieur. Cette communication a donné lieu à deux années de discussions intenses et fructueuses sur la manière de mieux aborder ce problème, dans les différentes institutions européennes et entre les États membres, les représentants des entreprises et les experts en TVA. La Commission a décidé de concentrer ses efforts sur le renforcement de la capacité administrative des administrations fiscales et douanières nationales à lutter contre cette fraude à la TVA. En guise de première étape, la Commission a adopté en mars 2008 une proposition législative en vue de garantir que les administrations fiscales et douanières obtiennent bien plus rapidement qu’aujourd’hui (2 mois au lieu d’un délai allant jusqu’à 6 mois) des informations concernant les transactions intracommunautaires (IP/08/454). Le Conseil a adopté cette proposition la même année.
II/ Les mesures
La communication fixe une approche globale destinée à renforcer les outils dont les administrations fiscales et douanières disposent pour lutter contre la fraude à la TVA à différents stades du processus.
Les trois orientations du plan d’action
• Empêcher les fraudeurs potentiels d’utiliser le système de TVA à des fins illicites : approche commune applicable à l’enregistrement et à la radiation des assujettis à la TVA dans l’UE ; confirmation en ligne permettant aux opérateurs de vérifier la validité du numéro d’identification TVA de leur client, simplification, modernisation et harmonisation des règles de facturation actuelles ;
• Renforcer les instruments de détection des fraudes à la TVA, en particulier grâce à la création d’un réseau européen, appelé Eurofisc, destiné à améliorer la coopération opérationnelle entre les États membres ;
• Améliorer les possibilités permettant aux administrations fiscales et douanières de recouvrer les recettes de TVA perdues dans des opérations transfrontalières (y compris, amélioration de l’assistance mutuelle entre administrations fiscales pour le recouvrement des taxes, introduction d’une responsabilité partagée en matière de protection de toutes les recettes de TVA, quel que soit l’État membre auquel ces recettes sont dues).
Le contrôle permanent de l’Office de lutte anti-fraude (Olaf) joue un rôle important pour la surveillance des flux intra et extracommunautaires ainsi que dans les enquêtes douanières en relation avec les 28 États membres pour la détection des carrousels et plus particulièrement à l’importation.
Deux mesures adoptées dans des domaines spécifiques :
La Commission a également adopté une proposition visant à modifier la directive TVA dans deux cas spécifiques :
• L’importation de marchandises est exonérée de la TVA lorsqu’elle est suivie d’une livraison intracommunautaire ou d’un transfert de ces biens ou marchandises à un opérateur d’un autre État membre. L’inadéquation des modalités de mise en œuvre de cette exonération dans les législations nationales rend difficile le suivi de la circulation physique des biens importés. Il apparaît que cette exonération spécifique est de plus en plus fréquemment utilisée dans des fraudes du type « Carrousel » (voir « Repère »).
La Commission propose dès lors de durcir les conditions auxquelles l’importateur doit satisfaire pour pouvoir bénéficier de l’exonération. Au moment de l’importation, il devra fournir à l’État membre d’importation son numéro d’identification TVA ainsi que celui de son client et devra prouver que les biens ou marchandises importés seront transportés vers un autre État membre.
• Les inspecteurs chargés de la lutte antifraude ont observé que certains opérateurs effectuant des livraisons intracommunautaires omettent intentionnellement de déclarer leur livraison aux autorités fiscales et douanières (ou déclarent des données incomplètes/erronées ou ne transmettent pas ces déclarations dans les délais impartis). Par conséquent, l’État membre de destination n’est pas informé que les biens ou marchandises sont arrivés sur son territoire, ce qui empêche la détection des pertes éventuelles de recettes de TVA.
La Commission propose donc que le fournisseur effectuant des opérations intracommunautaires soit tenu responsable de la perte de recettes de TVA causée par son client défaillant dans un autre État membre lorsque le fournisseur a contribué à cette perte en ne déclarant pas sa livraison à l’administration de la TVA (ou en déclarant des données incomplètes/erronées ou en ne transmettant pas ces déclarations dans les délais impartis).
Bon à savoir
Cette dernière mesure offrira aux administrations fiscales et douanières un instrument leur permettant de recouvrer la TVA auprès d’opérateurs non établis. Afin de respecter le principe de proportionnalité, cette mesure ne prévoit la responsabilité du fournisseur que si l’acquéreur ne transmet pas de déclaration de TVA relative à l’acquisition concernée à son administration fiscale et douanière. En outre, il est prévu que le fournisseur puisse réfuter la présomption de responsabilité en justifiant dûment ses manquements auprès de l’autorité fiscale et douanière compétente.
III/ L’application en France en 2012-2013
En France, la DGDDI (Direction générale des douanes et droits indirects) et la DGI (Direction générale des impôts) travaillent en collaboration pour lutter contre la fraude à la TVA et l’application des mesures de la Commission après transposition pour la DGFiP.
La Douane, dans le cadre de son plan d’action CAP 2012/2013, a pris des engagements et parmi ses actions, elle renforce la capacité de collecte et de traitement des renseignements, améliore l’efficacité des processus fiscaux, optimise l’efficacité du dispositif d’assiette, de recouvrement et de contrôle. Elle améliore l’efficacité de la lutte contre la fraude fiscale et oriente les contrôles sur les secteurs à forts enjeux comme la TVA, la TIPP, la TGAP, droits sur les tabacs et alcools…
La DGDDI procède à l’intensification de la coopération entre la douane et TRACFIN en concentrant son action sur la grande fraude, le démantèlement de filières organisées et l’identification de flux financiers irréguliers.
Par ailleurs, la DGDDI est garante, pour les droits, taxes et TVA qu’elle recouvre, de la protection des intérêts financiers et budgétaires de l’État, des collectivités territoriales, de l’Union européenne. Elle assure non seulement la juste perception des droits, taxes et TVA, mais également une correcte application des régimes d’exonération.
La coopération avec les administrations des autres États membres est très importante pour la détection des véritables fraudes en matière de TVA aussi bien pour les échanges intracommunautaires, que pour les importations depuis des pays tiers vers l’Union européenne, avec des mises en libre pratique dans un autre État membre avant livraison/expédition hors TVA dans un autre État membre sous le couvert du Régime 42.
La lutte contre la fraude fiscale (à la TVA) constitue ainsi le prolongement de la mission fiscale de la DGDDI.
Bon à savoir
Le très ancien dossier « TVA à l’importation » est à nouveau sur la table et cela devrait aboutir à l’autoliquidation de la TVA sur les déclarations CA3 mensuelles d’ici fin 2013 ou courant 2014 afin d’éviter le décaissement de celle-ci dans toutes les situations où l’importateur dispose d’un droit à déduction intégral.
Important : pour en savoir plus sur le Régime 42 relatif à l’exonération de la TVA, voir la Fiche Douane Pratique n° 72 au Moci du 4 avril 2013 n° 1935-1936 qui est également disponible sur le site du Moci (www.lemoci.com).
Pour en savoir plus
– sur les missions de la DGDDI, vous rendre sur le site : www.douane.fr
– sur la communication et la proposition, vous rendre à l’adresse suivante :
– http://ec.europa.eu/taxation-customs/index_fr.htm
– http://ec.europa.eu/taxation-customs/taxation/vat/control_anti-fraud/reports/index_fr.htm
Repère
Rappel historique
La Commission européenne avait présenté en décembre 2008 un plan d’action pour améliorer la lutte contre la fraude à la TVA et adopté une communication présentant un plan d’action à court terme qui contient une liste de futures mesures législatives visant à renforcer la capacité des administrations fiscales d’empêcher ou de détecter la fraude à la TVA (en particulier la fraude dite « de type carrousel ») et de recouvrer les taxes. En outre, elle a adopté deux mesures modifiant le Directive TVA : la première mesure vise à empêcher l’utilisation frauduleuse de l’exonération de la TVA à l’importation et la seconde à donner aux États membres la possibilité de rendre le fournisseur de biens responsable de la perte des recettes de TVA causée par son client défaillant dans un autre État membre lorsque lui-même n’a pas déclaré sa livraison à l’administration de la TVA.
Objectif : lutter efficacement contre la fraude à la TVA, sans faire peser de charge administrative inutile sur le commerce légitime. Chacune des mesures devrait apporter une valeur ajoutée, mais seule leur mise en œuvre combinée fournira aux administrations fiscales un cadre adapté pour lutter contre la fraude à la TVA. Le succès de cette stratégie dépendra en fin de compte de ce que le Conseil adoptera. En conséquence, les États membres doivent prendre leurs responsabilités en adoptant ces mesures dès que possible.
Petite précision : une fraude de type carrousel se produit lorsqu’un assujetti qui a réalisé une acquisition intracommunautaire de biens sur laquelle la TVA n’a pas été prélevée effectue ultérieurement une livraison intérieure de ces biens sur laquelle il perçoit la TVA, avant de disparaître sans avoir reversé la taxe au Trésor.
Bernard Parent, expert
(Sources : Douane française et la DG Taxud sur le site Europa)
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