La CCED (Commission de conciliation et d’expertise douanière) est une instance indépendante de l’administration, chargée de faciliter le règlement des litiges entre les opérateurs et l’administration des douanes. Il faut la connaître car elle peut vous être utile.
I/ Définitions, principe et fonctionnement
> Statut et missions de la CCED : c’est un organisme indépendant arbitral chargé d’apporter son expertise dans les cas de contestation sur l’espèce, l’origine et la valeur des marchandises déclarées lors des dédouanements.
La CCED, par ses avis, permet de clarifier sur un point réglementaire précis. Elle offre à l’entreprise l’occasion d’un débat technique (et pas juridique ni financier) que les règles actuelles qui régissent l’enquête douanière ne permettent pas (contrairement à l’enquête fiscale).
Elle permet ainsi le règlement de nombreux litiges dans des délais plus rapides qu’une procédure contentieuse, qui peut s’avérer lourde et coûteuse.
Bon à savoir
On a le droit de saisir la CCED lorsque l’on conteste les constatations des agents de douanes, effectuées lors du dédouanement ou après dédouanement. Toutefois, l’action de l’administration pour l’application des sanctions fiscales n’est pas subordonnée à l’avis préalable de la CCED.
Les dossiers de saisine doivent être adressés à :
Ministère du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique, secrétariat de la CCED, 139 rue de Bercy – Télédoc 693 – 75572 PARIS cedex.
> Composition : la CCED est composée d’experts, assistant un magistrat qui la préside. Le bureau de la CCED est composé de trois personnes, le secrétaire général (venant de la douane) et deux personnes pour la partie purement administrative (hors douane mais de la DGTPE – Direction générale du Trésor et de la politique économique).
Bon à savoir
Initialement cette Commission se composait de quatre membres (deux magistrats nommés par décret et deux assesseurs). Il est probable, que compte tenu des réformes en cours ainsi que de la publication de la « charte des contrôles douaniers », nous ayons à nouveau une CCED à quatre membres ! Une réflexion est en cours à la douane afin d’élargir le champ des assesseurs en proposant des experts des autres États membres de l’Union européenne.
II/ Les contestations en cours de dédouanement
Aux termes de l’article 104 du Code des douanes national, lorsqu’un opérateur (importateur, exportateur, ou son représentant déclarant en douane) conteste les constatations des agents des douanes, la contestation est portée devant la CCED par l’administration des douanes.
En pratique, l’administration des douanes prélève, en présence de l’entreprise (ou de son déclarant en douane), trois ou quatre échantillons de la marchandise faisant l’objet de la contestation, ou plusieurs séries de trois ou quatre échantillons lorsque des marchandises d’une même espèce tarifaire, mais de qualités différentes, sont soumises au contrôle. À défaut d’échantillons, l’administration des douanes peut admettre la production de documents d’identification de la marchandise en trois exemplaires (plans, dessins, photographies, catalogues ou fiches techniques, etc.) La destination des échantillons scellés est la suivante : laboratoire des douanes pour analyse, bureau de douane pour conservation et recours éventuels devant la CCED, contre-analyse éventuelle.
L’opérateur est responsable de la représentativité de l’échantillonnage prélevé.
Bon à savoir
Si l’opérateur est défaillant (refus ou carence), le juge du tribunal d’instance dans le ressort duquel est situé le bureau de douane désigne, à la demande de l’administration des douanes, une personne pour le représenter et assister au prélèvement des échantillons.
À l’issue du prélèvement, un acte aux fins d’expertise est établi en double exemplaire, cosigné par le service des douanes et l’opérateur ou son représentant.
Lorsqu’il saisit la CCED, le directeur général des douanes doit joindre au dossier de l’affaire l’un des échantillons prélevés ou tout document en tenant lieu.
III/ Les contestations postérieures au dédouanement
La CCED peut être consultée, pour avis, sur les contestations notifiées postérieurement au dédouanement des marchandises. Dans ce cas, la procédure suivie devant la CCED est régie par l’article 450 du Code des douanes. L’opérateur a le droit, ainsi que l’administration des douanes, dans les deux mois suivant la notification du procès-verbal (PV) de constatation de l’infraction, de consulter pour avis la CCED. L’administration doit impérativement notifier à l’opérateur qu’il a la possibilité de saisir la CCED, dans le PV d’infraction : l’absence de cette mention ne constitue pas une clause de nullité de la procédure mais, en l’absence de cette information, le délai de deux mois pour saisir la CCED ne court pas.
La partie qui a pris l’initiative de cette consultation en informe simultanément l’autre partie ou son représentant.
Après dédouanement, la procédure de prélèvement d’échantillons ou de document en tenant lieu est identique à celle qui est appliquée en cours de dédouanement. Si le prélèvement d’échantillons ne peut être effectué ou si ce prélèvement est remplacé par la production de documents en tenant lieu, l’administration des douanes le constate par un PV de constat annexé à l’acte aux fins d’expertise.
Bon à savoir
Dans tous les cas où une procédure est engagée devant les tribunaux, l’expertise judiciaire, si elle est prescrite par la juridiction compétente pour statuer sur les litiges douaniers, est confiée à la CCED, même s’il n’y a pas eu de consultation préalable.
IV/ Déroulement de la procédure d’expertise devant la CCED
> Sauf s’il décide de ne pas donner suite à la constatation qui lui a été transmise par le service des douanes, le directeur général des douanes notifie, dans un délai de deux mois à compter de la date de la saisine de la Commission, les conclusions de l’administration et invite l’opérateur à répondre dans un délai de deux mois.
Toutefois, la jurisprudence estime que le caractère tardif de la notification des conclusions de l’administration des douanes ne vaut pas renonciation à exercer des poursuites contre le redevable.
> Dans un premier temps, la Commission exerce, en principe, une mission de conciliation et s’efforce de rechercher un accord entre les parties (ce qui est très rare).
Si cette phase de conciliation échoue, la CCED engage sa mission d’expertise. À cette fin, elle dispose de pouvoirs étendus, définis à l’article 445 du Code des douanes. Le président peut prescrire toutes auditions de personnes, de recherches ou d’analyses qu’il juge utiles à l’instruction de l’affaire.
> Dans ses conclusions, la Commission doit indiquer l’exposé sommaire des arguments présentés par les parties en présence, les constatations techniques et les motifs de l’avis adopté. En outre, la position tarifaire des marchandises litigieuses est précisée en cas de litige sur l’espèce tarifaire. L’avis de la CCED n’a pas de force obligatoire, sauf pour ce qui concerne les constatations techniques et matérielles (article 447 du Code des douanes).
Conformément à l’article 58 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, qui modifie l’article 445 du code des douanes, la CCED peut, avec l’accord des deux parties et sans divulguer leur identité ni aucune information à caractère commercial ou industriel, rendre publics ses avis.
V/ Exemples concrets
> Les affaires de valeur ou d’origine : le problème soulevé est de nature juridique. L’appréciation de la valeur en douane dépend généralement de l’analyse de contrats passés entre l’importateur et ses fournisseurs ou le titulaire d’un droit de licence au regard de notions complexes telles que celles de « commission d’achat » ou de « droits de licence conditionnant la vente » (comme les prix de transfert dans le cadre d’un contrat de licence) et ceci parallèlement aux règles reprises dans le Code des douanes communautaire (CDC). Il faut également tenir compte des décisions du Comité du CDC et du Comité technique de la valeur de l’Organisation mondiale des douanes (OMD) : ils sont régulièrement appelés à adopter des « commentaires » ou des « conclusions » qui sont des cas pratiques ou des exemples illustratifs mais sans valeur juridique précise.
> Les questions d’origine : elles ont généralement trait à l’application d’un système préférentiel et la question posée est alors celle de la valeur des preuves produites et de la régularité de l’enquête au regard des règles posées par les textes, tels qu’interprétés par la Cour de justice.
> Les affaires relatives à l’espèce : elles sont les plus nombreuses et sont les seules pour lesquelles peut se poser une question technique. La difficulté est parfois plus juridique que technique, notamment lorsqu’il s’agit d’apprécier la valeur respective des normes applicables.
Bernard Parent, expert
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