Droits antidumping et compensateurs dits « antisubventions » sont des instruments de défense commerciale. Définis au niveau de l’Union européenne, ils permettent de lutter contre les pratiques commerciales déloyales d’acteurs de pays tiers. Voici ce qu’il faut en savoir.
I/ Contexte
Les instruments de défense commerciale ont pour objet de rétablir une concurrence loyale entre les produits importés des pays tiers et les produits fabriqués dans l’Union européenne (UE). La finalité n’est pas de punir les importations tierces ou d’augmenter artificiellement le coût des produits importés mais de lutter contre les pratiques commerciales déloyales (dumping ou subvention tierces). Ces instruments sont définis par deux accords internationaux annexés aux accords de Marrakech de 1994 créant l’organisation mondiale du commerce (OMC). L’UE a intégré dans son droit matériel ces dispositions via deux règlements communautaires publiés en 2009.
Bon à savoir
Les textes de référence
Les procédures d’enquêtes de la Commission européenne, les conditions de création des mesures et la détermination de leurs modalités d’application sont définies par les deux règlements de base ci-après :
Pour l’antidumping : Règlement (CE) n° 1225/2009 du 30 novembre 2009 (modifié) – JOUE n° L 343/2009 ;
Pour l’antisubvention : Règlement (CE) n° 597/2009 du 11 juin 2009 – JOUE n° L 188/2009
II/ Les règles de base
1- Porter plainte
Les producteurs de l’UE qui s’estiment lésés par des pratiques du dumping ou de subventions de la part de pays tiers à l’UE peuvent établir une plainte contenant des preuves cumulatives de l’existence : d’un dumping / d’une subvention, d’un préjudice, d’un lien de causalité entre les deux. La plainte est présentée par écrit par toute personne physique ou morale ou toute association n’ayant pas la personnalité juridique, agissant au nom de l’industrie européenne.
Elle peut être adressée à la Commission ou à un Etat membre, qui la transmet à celle-ci.
Important : une plainte doit contenir des éléments de preuve quant à l’existence d’un dumping, d’un préjudice et d’un lien ce causalité entre les deux (article 3 § 2 du règlement (CE) n° 1225/2009 et article 10 § 2 du règlement (CE) n° 597/2009).
2- Consultation et enquête de la Commission
Lorsqu’elle reçoit une plainte, la Commission européenne examine l’exactitude et d’adéquation des éléments de preuve fournis afin de déterminer s’ils sont suffisants pour justifier l’ouverture d’une enquête. Dans l’affirmative, la Commission ouvre une procédure et l’annonce par un avis d’ouverture d’enquête publié au Journal Officiel de l’UE (JOUE).
L’encyclopédie RITA (disponible sur le portail Prodou@ne) est alors mis à jour.
Important : pendant la durée de l’enquête, des « mesures conservatoires » peuvent être prises pour protéger les plaignants. Elles prennent la forme de droits provisoires ou d’une mesure d’enregistrement des importations.
3 – Mise en œuvre et expiration des mesures après-enquête
Ces mesures prennent la forme de droits antidumping (mesures antidumping) perçus sur chaque importation en fonction de la date de mise en libre pratique de la marchandise. Une enquête peut toutefois être clôturée sans imposition de droits provisoires ou définitifs lorsque la Commission est convaincue que l’effet préjudiciable du dumping est inexistant ou a été éliminé. Les mesures sont instituées pour une période, en principe, de cinq ans. Les opérateurs sont informés par un avis d’expiration prochaine publié au JOUE au cours de la dernière année d’application des mesures. Sur demande des plaignants, un réexamen peut être initié, prorogeant les droits pour la durée de cette nouvelle enquête, à l’issue de laquelle un nouveau droit pourra ou non être institué.
Repère
Définition générale
Un produit est considéré comme faisant l’objet d’un dumping lorsque son prix à l’exportation vers l’UE est inférieur au prix comparable pratiqué sur le marché intérieur du pays exportateur. Un produit est considéré comme faisant l’objet d’une subvention lorsque les pouvoirs publics du pays d‘origine ou d’exportation accordent directement ou indirectement un avantage financier à la fabrication, à la production, à l’exportation ou au transport de tout produit exporté vers l’UE.
III/ Modalités d’application des mesures antidumping/ antisubvention
1 – Différents cas de figure
Les droits antidumping ou compensateurs s’appliquent à un code de la nomenclature douanière (espèce tarifaire) et un pays d’origine (couple « pays/produit »). Leurs taux peuvent varier en fonction des producteurs/exportateurs identifiés lors de l’enquête. Lorsque la marchandise a été mise en libre pratique dans un pays en Union douanière avec l’UE (Turquie, Andorre, San Marin), les droits antidumping applicables à l’importation dans l’UE sont perçus lors de leur mise à la consommation dans l’UE. Lorsque les mesures en vigueur sont contournées, un droit antidumping ou compensateur peut être étendu aux importations de :
• produits similaires en provenance de pays tiers ;
• produits similaires légèrement modifiés en provenance du pays soumis aux mesures ;
• parties de ces produits.
Bon à savoir
Le contournement se définit comme une modification des échanges entre un pays tiers et l’UE ayant pour seul objectif de se soustraire à l’imposition du droit antidumping. Lorsqu’une mesure est étendue à une provenance, que la marchandise visée soit originaire ou non du pays auquel la mesure de défense commerciale a été étendu, le droit additionnel s’applique.
2 – Principes de perception des droits
Chaque règlement instituant un droit antidumping/compensateur en précise les modalités d’application en créant :
• soit un droit unique, commun à toutes les sociétés exportatrices ;
• soit des droits distincts : des droits dits individuels, applicables uniquement aux marchandises d’une société exportatrice tierce reprise nommément dans le règlement (elle est identifiée par un code additionnel communautaire CACO) et un droit dit résiduel applicable pour toutes les autres sociétés non identifiées.
Les modalités de calcul du droit sont fixées par le règlement de l’UE. Les droits peuvent prendre la forme de : droits ad valorem ; droits spécifiques ; prix minimum à l’importation. Certains règlements peuvent à la fois instituer un « prix minimum à l’importation » et un « droit ad valorem ». La règle de taxation est définie par le règlement instituant la mesure.
Incidence des DAD/DC sur la TVA : Le montant des DAD/DC est à inclure dans l’assiette de la TVA, conformément à l’article 292 du code général des impôts (CGI).
Durée d’application des DAD/DC et liquidation des droits :
• droits provisoires : Les droits antidumping provisoires sont imposés pour une période de 6 mois qui peut être prorogée de 3 mois. Les droits compensateurs provisoires sont institués pour une période maximale de 4 mois.
Bon à savoir
Vous retrouverez la liquidation des droits provisoires lors de la mise en place de mesures définitives, la liquidation des droits définitifs, le réexamen des mesures, les cas particuliers (couvrant l’enregistrement des importations, la suspension des mesures antidumping ou compensatoires, les mesures antidumping et régime des franchises), les délais de recouvrement des droits dus, le remboursement de DAD/DC en consultant le BOD n° 7060 du 03/04/ 2015 (texte n° 15-018 du 03/04/ 2015) de la Circulaire NOR : FCPD 1508219C du 30 mars 2015 sur les instruments de défense commerciale Droits antidumping – Droits compensateurs (antisubvention), disponible à l’adresse suivante : http://www.douane. gouv.fr/ informations/bulletins-officiels-des-douanes?da=15-018
3- Factures commerciales et preuves documentaires
Les instruments de défense commerciale ont pour particularité de viser les producteurs-exportateurs des pays tiers mais sont supportés par l’importateur dans l’UE. Il revient donc à ce dernier de prouver que le droit réduit ou nul est sollicité à bon escient. Pour cela, en l’absence de spécifications contraires, tout moyen de preuve est admissible. L’importateur doit être en mesure de prouver que la marchandise dédouanée a bien été produite par le producteur identifié lors de l’enquête et bénéficiant du droit réduit ou nul.
Facture « en bonne et due forme »
Toutefois, le règlement instituant un droit additionnel mentionne l’obligation de fournir une facture « en bonne et due forme ». Cette notion spécifique à l’antidumping est systématiquement utilisée en cas d’engagements de prix acceptés par la Commission et parfois pour les droits réduits faisant l’objet d’une surveillance spéciale. Selon les cas, les obligations de l’importateur peuvent être différentes. Une facture « en bonne et due forme » est requise par le règlement :
• en cas d’engagement de prix accepté par la Commission : le producteur-exportateur tiers s’engage à respecter un prix de vente minimum et parfois une limite quantitative d’exportations dans l’UE. Certaines restrictions s’imposent au producteur-exportateur tiers : interdiction de ventes successives, facture établie par le producteur-exportateur, description précise sur la facture du bien importé, irrecevabilité des factures a posteriori.
• en cas de droit réduit ou nul avec obligation de mentions spéciales sur la facture : comme pour l’engagement, les mentions spéciales à porter sur la facture sont définies en annexe du règlement instituant les droits. Toutefois, ces droits réduits ou nuls, correspondant à un droit individuel, font l’objet d’un suivi moins strict des services de la Commission. Dès lors, les obligations de l’opérateur sont plus souples.
Aucune facture avec mention spéciale n’est requise par le règlement.
Le règlement peut instituer la mesure prévoyant des droits individuels sans apporter de précisions sur les preuves que les opérateurs doivent présenter aux services. La seule présentation aux fins de justification de l’identité du fabricant, d’un certificat d’origine, qu’il soit préférentiel ou non préférentiel, n’est pas déterminante pour octroyer un droit individuel dans la mesure où sur ces certificats figure « l’exportateur » (ou l’expéditeur de la marchandise) qui n’est pas forcément le producteur/fabricant.
Dispositions générales
Les droits antidumping et compensateurs sont perçus indépendamment des droits de douane, taxes et autres charges normalement exigibles à l’importation. L’article 20 du CDC opère une distinction entre droit de douane d’une part, et mesures antidumping d’autre part, reprises au paragraphe g) dudit article, intitulé « autres mesures tarifaires prévues par d’autres réglementations communautaires ». Dès lors, les DAD/DC sont systématiquement applicables aux marchandises, indépendamment de l’application d’un régime tarifaire préférentiel pour les droits de douane.
Bernard Parent – Expert
(Sources : Douane française)
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