Face aux menaces de hausses de droits de douane brandies par le nouveau président élu Donald Trump, de retour à la Maison Blanche, quelle stratégie peut adopter l’Union européenne ? Revue de détails dans cet article proposé par notre nouveau partenaire éditorial La newsletter BLOCS.
Christine Lagarde a défrayé la chronique. En recommandant, jeudi dernier, à l’Union européenne d’adopter une « stratégie du carnet de chèques » face au président élu Donald Trump, la présidente de la Banque centrale européenne (BCE) a beaucoup étonné la presse française et européenne.
Augmenter les importations, notamment de gaz naturel liquéfié et de matériel de défense américains, pour dissuader le président élu Donald Trump d’augmenter les droits de douane sur les importations européennes, a en effet quelque chose de contre-intuitif.
L’idée n’est pourtant pas nouvelle : Ursula von der Leyen l’avait déjà évoquée début novembre. « Nous recevons encore beaucoup de GNL de Russie alors pourquoi ne pas le remplacer par du GNL américain qui est moins cher pour nous et fait baisser nos prix de l’énergie ? » s’était interrogée la présidente de la Commission européenne au cours d’une conférence de presse tenue juste après l’élection de Donald Trump.
Cette stratégie évoquée par les deux femmes les plus puissantes de l’UE est toutefois loin d’être partagée par l’ensemble des responsables européens.
Une « task force » réfléchit à une riposte depuis l’été
« Il ne faut surtout pas céder à cette approche transactionnelle, c’est exactement ce que veulent les Américains, estime ainsi Marie-Pierre Vedrenne, eurodéputée MoDem et présidente de la délégation macroniste au PE, auprès du Moci. Si on entre dans cette logique là, ils pourront ensuite facilement justifier la prise de mesures de représailles, si nous utilisons par exemple les règlementations numériques contre leurs entreprises. Je ne suis pas partisane de la loi du Talion, mais il faut défendre nos intérêts. Nous avons créé des instruments en ce sens au cours de la dernière législature. Maintenant, il faut les utiliser ».
L’eurodéputée bretonne, ancienne vice-présidente de la commission du commerce, n’est pas la seule à préconiser cette ligne dure. Au sein de la Commission européenne, une « task-force » a d’ailleurs été mise en place cet été pour réfléchir à des mesures de rétorsions ciblées en cas d’attaque commerciale des États-Unis. Les activités et les résultats des travaux de cette « task-force » demeurent pour l’heure hautement confidentiels, ce qui n’empêche pas à certains diplomates de promettre une réplique commerciale forte.
À l’approche de la prise de fonction de M. Trump, qui aura lieu le 20 janvier, les Européens semblent ainsi jouer la carte de l’ambiguïté stratégique, en faisant passer en même temps des messages de détermination et d’ouverture.
Indispensable unité européenne
Les deux réponses envisagées reposent néanmoins sur une unité européenne face à M. Trump que rien ne garantit pour l’heure, surtout au vu de la capacité de nuisance du président élu.
« Trump dispose d’une longue liste d’instruments qu’il peut utiliser pour cibler des pays individuellement, même sans recourir au Congrès, et les tribunaux ont toujours accordé aux présidents une marge de manœuvre importante en matière de politique commerciale », explique ainsi l’économiste Uri Dadush, dans une tribune publiée dimanche par Le Monde. Parmi les secteurs qui semblent privilégiés par Trump, l’automobile, en particulier allemande, qui semble l’obséder.
« Le pire serait d’avoir des attaques sur des secteurs d’exportations particuliers, où nous avons un avantage en matière exportation, renchérit Marie-Pierre Vedrenne. La clé serait alors de maintenir l’unité européenne. C’est toujours le plus dur, que ce soit face à la Chine ou aux États-Unis ».
Pour y parvenir, l’UE devra compter sur une Commission européenne pugnace, mais aussi sur un tandem franco-allemand en ordre de bataille. Or, pour l’heure, on en est loin : alors que le gouvernement français est en sursis, l’Allemagne entre en période électorale, avec un scrutin prévu en février. Deux situations incertaines qui tombent mal, alors que l’UE se confrontera à M. Trump pour la première fois au plus tard en mars, avec le réexamen prévu du conflit commercial translatlantique sur l’acier et l’aluminium.