Cet article a été actualisé le 22 décembre, en intégrant un nouveau commentaire et un lien vers les sept propositions concrètes du binôme Yung-Kayser.
Leur rapport sur « la conquête de l’international » tient en une quinzaine de pages contenant une « vingtaine » de propositions « pragmatiques, simples, pas couteuses », pour reprendre les termes du sénateur (LREM) des Français de l’étranger Richard Yung : le binôme qu’il a formé avec le chef d’entreprise Eric Kayser avait 8 minutes le 21 décembre pour les présenter à Bercy aux cinq ministres concernés, dont Bruno Le Maire, dans le cadre de la première phase de la consultation pour préparer le ‘Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises (Pacte)’ que le patron de Bercy veut mettre en place en 2018*.
C’est en effet à 11 H le 21 décembre au ministère de l’Economie et des finances, que les six binômes formés le 20 octobre, à la demande de Bruno Le Maire pour mener les consultations sur les différents volets de ce « Pacte », dont celui consacré à la « conquête de l’international », ont restitué leurs propositions d’actions aux ministres et secrétaires d’Etat associés à cette démarche, en présence d’un parterre de hauts responsables d’opérateurs, administrations et organisations professionnelles. Outre le ministre de l’Economie et des finances, son secrétaire d’État Benjamin Griveaux, le secrétaire d’Etat auprès du Premier ministre chargé du Numérique Mounir Mahjoubi, et son homologue auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères Jean-Baptiste Lemoyne devaient être présents à cette restitution.
Les travaux des binômes ont fait l’objet d’un dossier de synthèse diffusé à la presse après l’événement. Sept propositions ont ainsi été dégagées pour le volet « conquête de l’international », dont nous livrons le détail sur notre site**.
Si le sénateur Yung, qui a procédé, avec Eric Kayser, à « 140 auditions » depuis fin octobre, a réservé aux ministres le document et les détails de son contenu, ciblé sur les PME, il n’en a pas moins accepté d’en dévoilé les orientations générales au Moci.
« Cela nécessitera la mise en place de politiques de long terme … »
D’une façon générale, le diagnostic de départ, désormais largement partagé, repose sur trois constats : 1/ la « faiblesse de notre tissu de PME », 2/ « leur faible compétitivité par rapport à d’autres pays d’Europe voire du monde », 3/ des PME « peu tournées vers l’innovation et l’exportation ». « On arrive à un bon moment car l’économie est en train de repartir, souligne Richard Yung. Mais on a 125000 PME qui exportent, à peu près le même nombre qu’il y a dix ans : ça stagne ». Réaliste, il ne croit pas à une solution miracle pour redresser la barre : « cela nécessitera la mise en place de politiques de long terme et cela ne passera pas par la loi », prévient-il.
A cet égard, les propositions qu’il a consignées dans le rapport co-rédigé avec Eric Kayser suivent quatre grands axes dont certains, comme la simplification des dispositifs publics, rejoignent les orientations de réflexions et travaux menés par ailleurs, notamment sous l’impulsion du Quai d’Orsay***.
Rationaliser les dispositifs et simplifier les mécanismes financiers
Premier axe, « on va proposer de rationaliser les dispositifs d’aide public à la fois au départ en France, pour aider les entreprises à aller à l’export, et à l’arrivée dans les pays où l’on trouve des opérateurs multiples comme Business France, les chambres de commerce françaises, etc. ».
Dans la même veine, poursuit le sénateur Yung, « on va proposer de simplifier les mécanismes d’aide financière à l’export qui sont très difficiles à comprendre pour des non initiés : il faut déjà être un professionnel pour s’y reconnaître dans tous les mécanismes ». Si l’administration, notamment celle du Trésor, est particulièrement visée pour ce travail, les auteurs veulent aussi adresser un message aux banques, « qui peuvent mieux faire » : il faudrait, dit-il « que les banques soient plus actives pour accompagner les PME à l’export, et notamment leur faciliter l’accès à des financements de petits montants ».
Des actions à mener pour former les patrons de PME
Le sénateur Yung et Eric Kayser proposent également de redoubler d’efforts dans la formation, notamment des chefs d’entreprises eux-mêmes. « Nous avons reçu les écoles de commerce et leur suggérons de créer de nouveaux modules de formation accessibles aux patrons de PME » souligne le sénateur.
Autre action citée : « une plus grande valorisation des acquis de l’expérience, y compris de l’apprentissage : même les apprentis formés, comme les compagnons, ont parfois du mal à obtenir des visas pour partir en mission à l’étranger car leur diplôme n’est pas reconnu dans le pays d’accueil » précise le sénateur Yung.
« Encourager les chefs d’entreprises à se regrouper en clubs d’exportateurs »
Dernier axe, « encourager les chefs d’entreprises à se regrouper en clubs d’exportateurs de manière à favoriser les échanges d’expériences et des meilleurs pratiques ».
« Les Italiens font beaucoup ça : ils ont 52 milliards d’euros d’excédent commercial là ou nous avons 70 milliards de déficit, ils ont peut être quelques leçons à nous donner », rappelle le sénateur. Ce dernier est à cet égard convaincu que la France doit davantage s’inspirer du modèle des PME italiennes, plus proche de celui de la France, que du modèle allemand du Mittelstand, trop éloigné des réalités culturelles et économiques de l’Hexagone.
Prochaine étape : la consultation publique
Des multiples auditions effectuées ces dernières semaines, dont de nombreux patrons de PME, le sénateur des Français de l’étranger retient la « très grande complexité des différents dispositifs dédiés à l’export, qu’ils soient financiers, administratifs, douaniers ». «Il faut être un véritable professionnel pour s’y retrouver dans ce labyrinthe», souligne t-il.
Les responsables de PME se plaignent souvent d’une information insuffisante ou difficile à trouver, et « pas toujours facile à comprendre » souligne encore le sénateur, qui considère comme cruciale la phase de préparation des PME aux marchés internationaux.
Parmi les points positifs, l’action de Bpifrance, qui regroupe aujourd’hui l’essentiel des mécanismes d’aide financière à l’export : « on a entendu beaucoup de bonnes choses sur la banque publique, notamment sur ses crédit export, précise le sénateur, qui considère que dans les efforts de simplification des aides financières, « elle a un rôle à jouer ».
Après cette restitution, la prochaine étape sera une deuxième phase de consultation, cette fois-ci publique et en ligne, sur les propositions des binômes. Son lancement est prévu par Bercy le 15 janvier 2018. Elle sera suivie, en février, de la rédaction du Pacte et d’un projet de loi sur l’aide aux entreprises cher à Bruno Le Maire, de façon à ce qu’au printemps, les discussions au Parlement soient entamées.
Christine Gilguy
*Lire dans la Lettre confidentielle n°257 du 26 octobre 2017 : PME-ETI / Stratégie : la conquête de l’international, priorité du nouveau “Pacte” gouvernemental
**Aide / Export : sept propositions pour doper « la conquête de l’international» des PME
***Lire dans la LC n°263 du 7 décembre 2017 : Aides à l’export / Réforme : pas de « décisions concrètes » avant janvier, selon J-B. Lemoyne
Pour prolonger :
Lire au sommaire de la LC d’aujourd’hui :
–Accompagnement / Export : Bretagne commerce international réforme son dispositif
–Finance / PME : le Médiateur national du crédit aussi se penche sur l’export