Près de 300 responsables d’entreprises, petites et grandes, ont participé, le 13 juin, à la première Matinale du Medef « Osez la mondialisation », organisée en partenariat avec Le MOCI et animée par sa rédactrice-en-chef, Christine Gilguy (notre photo) sur le thème du financement. « La mondialisation est un accélérateur de croissance », a ainsi introduit Pierre Gattaz, le président du Mouvement des entreprises de France (Medef), en présence d’Alain Bentéjac, président du Comité national des conseillers du commerce extérieur de la France (CNCEFF). Pour le patron des patrons, « la mondialisation, ce n’est pas délocalisé », « s’internationaliser, c’est créer de l’emploi », a-t-il encore affirmé en prenant l’exemple de son entreprise, Radiall (composants électroniques), qui « pour 2,5 emplois créés à l’étranger » a pu « créer un emploi en France ».
Les 5 C, ce sont les cinq axes de la stratégie internationale du Medef, a énuméré Pierre Gattaz :
- « convaincre les acteurs », ce qui implique de « faire preuve de pédagogie » – « d’ici à 10-15 ans, 90 % de la demande mondiale sera générée hors d’Europe ».
- « commercialiser les savoir-faire et notre attractivité », ce qui signifie qu’il faut « valoriser les savoir-faire et la compétitivité hors coût des entreprises comme avec la French Touch».
- « chasser en équipe » pour « proposer des offres françaises à nos partenaires internationaux.
- « créer un cadre favorable », notamment « à travers les accords de libre-échange».
- « coopérer entre acteurs, en particulier public-privé », ce qui sous-tend l’instauration d’un véritable dialogue et de jouer la complémentarité.
Frédéric Sanchez interpelle l’État et Bpifrance
Pour Frédéric Sanchez, le patron de Fives (ingénierie industrielle) et président de Medef International, les solutions à trouver par les PME et les grandes entreprises sont « de même nature », même s’il est vrai que « les petites montrent une faible structure de leur bilan ». Ce qui est plus important à ses yeux, c’est le relais « entre Paris et la province » et, de ce point de vue, il faisait remarquer qu’avec le transfert des garanties publiques Coface à Bpifrance, la banque publique « est partout du haut de bilan à la recherche et même le bas de bilan » et que donc, « localement, ce système devait permettre aux PME de découvrir tout le dispositif et d’être plus facilement accompagnées ». Et d’insister sur le fait que le système français « n’est pas moins bon que d’autres », mais qu’il « est plus lourd » et qu’un travail de « simplification » est indispensable.
Alors que Thomas Courbe, le directeur général adjoint du Trésor, était annoncé pour clôturer la Matinale, Frédéric Sanchez a invité l’État « à accélérer », prenant ainsi l’exemple de la réforme de la part française exigée dans les contrats internationaux bénéficiant d’une garantie publique. « Une belle réforme », a-t-il reconnu, puisque la part est tombée de 50 à 20 %, mais « depuis six à sept mois, nous attendons toujours le guide de Bercy », a aussi regretté le président du directoire de Fives.
« Il nous faut de la souplesse », a répété plusieurs fois Frédéric Sanchez. Et se tournant vers Alain Renck, directeur, chargé de mission d’Export chez Bpifrance, il lui a demandé de garantir « la même qualité de service que Coface ». Enfonçant le clou sur le thème de la simplification et de la souplesse, il s’est déclaré favorable à la fusion entre les CCI et Business France. Selon lui, « çà n’a pas de sens d’avoir deux réseaux et les entreprises ne savent pas où aller ».
Revenant sur la réforme de la part étrangère, Alain Renck a indiqué que Bpifrance appliquait déjà la réforme, puisqu’elle avait été annoncée. Outre ses produits traditionnels (prêt à l’international, garantie de projet à l’international) et le transfert en cours de la garantie de Coface pour le compte de l’État, la banque publique fait les premiers comptes de son offre la plus récente, le crédit export pour des petits montants (à partir d’opérations d’un million d’euros), pour lequel 200 dossiers seraient en cours de traitement et une dizaine déjà acceptés. « On a réveillé le marché, les banques se sont réveillées », s’est félicité Alain Renck, qui a pris l’exemple d’un fabricant de machines de nettoyage de bouteilles ayant décroché un contrat auprès de la compagnie chinoise propriétaire de la célèbre bière Tsingtao. « Le fait qu’il y ait un crédit acheteur a poussé le client chinois a doublé la mise et, en l’occurrence, de passer à l’acquisition de deux machines, au lieu d’une, pour un montant total de trois millions d’euros, au lieu d’un et demi à l’origine », a révélé Alain Renck.
Coface frileux sur le Ghana, le Trésor en pointe en Indonésie
Pour sa part, Olivier Picard, le président d’Ellipse Projects (conseil et gestion des grands projets), a assuré qu’apporter dans les pays émergents des financements était « indispensable ». A cet égard, le rôle de l’État peut se révéler crucial. Toutefois, si, dans certains cas, il remplit sa mission, dans d’autres ce n’est pas le cas, selon cet homme d’affaires qui a cité deux exemples :
- Au Ghana, où Coface, pour ne pas accroître son engagement dans un pays endetté, mais ayant passé un accord de soutien avec le FMI, a refusé sa garantie à l’entreprise française pour un projet prioritaire du gouvernement d’Accra. Résultat, la société tricolore a dû s’adresser à l’assureur belge Ducroire et aujourd’hui le dossier est en cours d’instruction à Bruxelles ;
- En Indonésie, où, en revanche, « ce sont les crédits concessionnels de la Réserve pays émergents (RPE) du Trésor qui ont permis à l’offre française de l’emporter, a relaté Olivier Picard, alors que techniquement elle était moins bonne par rapport à celle de l’Allemagne ». Résultat positif donc pour la France, d’autant qu’une trentaine d’emplois ont été créés sur une durée de trois à quatre ans.
A noter que pour cet expert des pays émergents, si les Chinois proposent également des taux concessionnels performants, via l’Eximbank, dans l’Hexagone « les crédits concessionnels sont aussi bons. Ce qui manque, ce sont les montants qui sont de un à trois fois inférieurs en moyenne ». En revanche, sur les autres crédits, faisait encore remarquer Olivier Picard, « les Chinois ont une offre plus élevée qu’en Europe ou aux États-Unis » et « quand vous déclinez en euro ou en dollar, ils sont carrément hors marché ».
« La France a une des meilleures offres en termes de financement », insistait ainsi le président d’Ellipse Projects, reprenant l’exemple de l’Indonésie, où elle est capable de « mélanger prêts commerciaux et prêts du Trésor ». Pour lui, son handicap réside dans la longueur des procédures et la bureaucratie. Un problème qui sera résolu, selon lui, quand Bpifrance et le Trésor auront plus d’autonomie de décision
François Pargny