Pour la petite histoire, c’était à l’origine une idée d’Arnaud Montebourg, alors ministre du Redressement productif, qui voulait faire un « CAC 40 des PME ». C’est devenu, sous Emmanuel Macron qui lui a succédé, le premier « accélérateur PME » lancé par Bpifrance en mars 2015, avec une première promotion de 60 PME de 7 à 71 ans d’existence. Deux ans après que sont-elles devenues ? Alors que la troisième promotion a été lancée le 6 mars à Paris, le bilan de la première promotion, qui a achevé le programme complet, est plutôt prometteur.
Un seul chiffre en témoigne : au terme de ce programme intensif sur 24 mois, 20 de ces entreprises qui venaient de toute la France et de secteurs très divers (industrie, télécom, e-commerce et distribution…), soit un tiers, ont changé de taille et sont devenues des entreprises de taille intermédiaire (ETI) , indépendantes et davantage internationalisées*. Par exemple la PME bretonne Astellia, spécialiste des systèmes de contrôle pour les opérateurs de téléphonie mobile, sa compatriote Pichon, fabricant de machines agricoles également basé en Bretagne, mais aussi du groupe JBT, spécialiste de l’injection plastique pour les matériels médicaux, ou encore de la société d’ingénierie BEG, basée dans le Centre Val de Loire**.
L’international, « c’est ce qui a vraiment décollé »
En moyenne, 42 % des participants ont connu des croissances à deux chiffres en 2016 et plus de la moitié ont fait des acquisitions, y compris à l’international. Mieux, elles ont recruté pour mettre en pratique certaines décisions stratégiques : leur effectif a progressé de 9,6 % sur les deux années 2015-2016, contre + 5,4 % sur 2014-2015.
Autre indicateur encourageant : le développement international. « C’est ce qui a vraiment décollé », a indiqué Fanny Letier, directrice exécutive Fonds propres PME et accompagnement de Bpifrance, qui pilote ce programme, lors d’une présentation à la presse. Ainsi, si en 2015, 65 % des PME participantes ont connu un développement à l’international, cette part a grimpé à 85 % en 2016.
Et si l’Europe a été la zone de nouvelles affaires pour 68 % en 2016, l’Afrique en a tout de même généré pour 47 % des entreprises participantes et l’Asie pour 38 %. Les participants ont pu, de façon sélective et selon la maturité de leurs projets, participer à des missions organisée par Business France en Asie (Hong Kong, Chine, Singapour / Malaisie), en Afrique, et au CES de Las Vegas. Biotope, par exemple, une société d’ingénierie axée sur l’intégration des contraintes environnementale dans les projets, vise à présent une croissance de 30 % en Chine, rien que ça !
En 24 mois, faire changer de braquet des dirigeants de PME
La mission était au départ ambitieuse: en 24 mois, il s’agissait de faire changer de braquet des dirigeants de PME souvent à capitaux familiaux ou patrimoniaux, pas toujours bien structurées au plan de la gouvernance, du management ou de la stratégie, en leur fournissant du conseil et de la formation dans divers domaines, en les embarquant dans des missions de prospection à l’international, et en les mettant en réseau avec d’autres entreprises. L’objectif : les transformer durablement en des ETI, une catégorie d’entreprise* dont la France, qui en compte à peine 3200 (pour 137 000 PME), manque cruellement.
Les ETI, très enracinées sur le territoire, sont pourtant des piliers du tissu économique français : elles pèsent 39,5 % du PIB, 24 % de la population active, 34 % des exportations du pays et, the last but not the least, quand elles créent des emplois, cela irrigue tout un tissu économique local. «Pour un emploi créé, 3,5 emplois sont générés dans les communes environnantes » a notamment rappelé Fanny Letier.
Les 60 PME dont les dirigeants ont participé à ce programme d’accélération ont, en quelque sorte, subi une remise à niveau intensive qui leur a ouvert de nouveaux horizons et déclenché des décisions stratégiques : 62 % ont décidé de créer de nouvelles fonctions (dans le digital ou le marketing, les fusions acquisitions, leurs organes de direction), et 10 % ont, notamment, décidé de recruter un directeur général, ce qui témoigne, Fanny Letier, d’une prise de conscience de la nécessité de se structurer pour mettre en œuvre une stratégie plus offensive. Beaucoup d’autres ont, par exemple, découvert leur faiblesse en matière de digitalisation et de marketing digital, ce qui les a incitées à se muscler dans ce domaine. Le digital est d’ailleurs un des aspects qui a été renforcé dans ce programme.
Les Régions veulent développer des accélérateurs régionaux
Comme sont sélectionnées les participants ? Ce sont les directeurs régionaux de Bpifrance qui proposent des entreprises. La sélection finale est ensuite faite dans le cadre d’un échange entre des membres du comité exécutif de la banque publique et les directeurs régionaux. Les critères de sélection sont assez simples : l’entreprise doit être une PME de croissance, avec un chiffre d’affaires entre 10 et 50 millions d’euros, innovante et ayant des projets de développement à l’international.
La deuxième promotion est à mi-parcours, la troisième est donc lancée. « Nous auront 200 en PME accélérée fin 2017, il nous en faudrait 2000 » reconnaît néanmoins Fanny Letier. Car ces programmes ne donneront de résultats un peu plus significatifs que dans 4 ou 5 ans. Une source d’intensification pourrait venir des nouvelles Régions : plusieurs d’entre elles ont marqué leur intérêt pour créer de tels accélérateurs localement, et avec leur soutien. Fanny Letier a bon espoir de voir se créer des « accélérateurs régionaux » en Auvergne Rhône-Alpes et en Pays-de-la Loire d’ici la fin de l’année.
Christine Gilguy
*Sont considérées comme des ETI (entreprises de taille intermédiaire) les entreprises qui ont entre 250 et 4 999 salariés et dont le chiffre d’affaires est compris entre 50 millions d’euros et 1,5 milliard d’euros. Les PME sont dans la catégorie en dessous : moins de 250 salariés et chiffre d’affaires inférieur à 50 millions d’euros.
** Ces PME devenue des ETI sont, par régions d’origine : Astellia, Langa, Pichon, Socomore (Bretagne) ; groupe JBT (Bourgogne Franche Comté) ; Adista, Noremat (Grand Est) ; ECM Technologies, Leygatech, Ryb (Auvergne Rhône-Alpes) ; BEG Ingénierie, Somtp (Centre Val de Loire) ; Biotope (Occitanie) ; Cassipae, LMDW, Surys, Talentsoft (Île de France) ; Hyd&Au, Lim Groupe (Nouvelle Aquitaine).
Les autres PME participantes sont : Artesa, BA Systemes (Bretagne) ; James ébénisterie, Polytechs (Normandie) ; A2MAC1, Pneuwyz, Sirail, Inatis (Hauts-de-France) ; Divalto, Ziemex, Euromac2, Gris découpage, Hydri Leduc, Manquillet Parizel (Grand est) ; Adduxi, 3P, Alphi, Hydrokarst (Auvergne Rhône-Alpes) ; Airflow (Paca) ; Sterela (Occitanie) ; Rousseau, Mecafi, AT Internet, Lim Groupe, Eifel (Nouvelle Aquitaine) ; Avlo (Centre Val de loire) ; Codra, Diademys, Ecritel, La Pulpe, Leosphere, Linagora, Mach Aéro, Medinger (Île de France) ; Halgand, Technisem (Pays-de-la-loire).