La coopération économique entre la France et l’Allemagne, essentielles pour l’UE, repose sur des contrats transfrontaliers permettant aux entreprises de s’étendre et de renforcer leur position. Cependant, des obstacles culturels et juridiques compliquent cette collaboration. Cet article de l’avocate Nicola Kompf, avocate aux Barreaux de Paris et Berlin, associée et responsable du German desk du cabinet Alerion, analyse ces enjeux, dresse une liste des principaux points de vigilance, et propose des solutions.
Principales différences culturelles
Les attentes des partenaires allemands et leur style de négociation sont bien différents de ceux des Français.
Les Allemands privilégient clarté et préparation rigoureuse, là où les Français valorisent personnalisation et créativité. Cette divergence peut causer des malentendus, les Allemands pouvant percevoir un manque de sérieux côté français.
A défaut de parler la langue de Goethe, la maîtrise de l’anglais est également essentielle pour donner un maximum de sérieux à vos propos.
En outre, pour les Allemands une parole donnée doit être tenue. Il faut donc éviter toute promesse hâtive par exemple de fournir des informations ou développements, si vous n’êtes pas certain de pouvoir la tenir, au risque de perdre la confiance de votre interlocuteur.
Points juridiques clés des contrats transfrontaliers
Les contrats franco-allemands, souvent basés sur des conditions générales de vente (CGV), nécessitent une adaptation juridique des deux côtés.
–Opposabilité des CGV : En France, les CGV doivent être claires et communiquées en amont pour être opposables, tandis qu’en Allemagne, il suffit qu’elles soient facilement accessibles. En outre, la Loi française se concentre sur la protection des consommateurs contre les clauses abusives, alors qu’en Allemagne, cette protection s’étend aussi largement aux entreprises.
–Conditions contradictoires : Quand les CGV du vendeur et de l’acheteur divergent, le principe du « knockout » s’applique, annulant les termes contradictoires pour laisser place au droit commun. Il est donc crucial de s’accorder notamment sur le droit applicable et la juridiction en cas de litige.
Principales clauses spécifiques
Certaines clauses méritent une attention particulière pour éviter les conflits futurs :
–Juridiction et loi applicable : Déterminer le tribunal compétent et la loi applicable évite des litiges coûteux. L’on peut aussi envisager de soumettre tout futur litige d’abord à une procédure de médiation (par exemple auprès de la Chambre de commerce franco-allemande de Paris) ou à un arbitrage.
–Clauses de garantie et de responsabilité : Le droit allemand permet des limitations de responsabilité plus étendues et prévoit des délais de prescription plus courts que le droit français.
–Réserve de propriété : Le droit allemand connait des clauses de réserve de propriété prolongées et élargies, offrant une protection accrue.
–Clauses linguistiques : Les contrats en anglais sont courants, mais un contrat bilingue avec une langue de référence en cas de litige peut éviter des malentendus.
–Force majeure et hardship : Ces clauses, nécessaires pour gérer les imprévus, ont des interprétations différentes en France et en Allemagne, d’où l’importance de les clarifier en amont dans le contrat.
–Distribution : Le droit français offre des préavis plus longs, tandis que l’Allemagne impose, sous certaines conditions, une indemnité de clientèle comme en matière d’agence commerciale.
En fonction de votre position de vendeur/fournisseur ou d’acheteur/distributeur, le droit allemand ou le droit français peut être avantageux ou dangereux. Il vaut donc mieux s’informer avant toute négociation ou lancement de produit, alors que l’on pense souvent que la règlementation européenne est uniforme.
Le succès des contrats franco-allemands et une coopération efficace et durable dépendent donc d’une compréhension des deux systèmes juridiques et d’une sensibilité aux différences culturelles.
Nicola Kompf