Après l’annonce de sa création le 1er janvier*, Expertise France, la nouvelle agence unique chargée de vendre à l’étranger le savoir-faire français en matière d’expertise technique publique a été lancée officiellement le 20 janvier à Paris, au Centre de conférences ministériel du ministère des Affaires étrangères et du développement international (MAEDI). Exercice désormais rodé depuis le lancement de Business France, en présence des ministres de tutelle, sauf que cette fois-ci, le chantier de la fusion physique semble moins bien enclenché.
Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères et du développement international, qui partage la tutelle de l’agence avec les ministres de l’Économie et des Finances, a présenté sa feuille de route aux personnels des six opérateurs concernés par la fusion et dévoilé pour la première fois son logo, tricolore formé de deux sphères. « Il s’agit de construire un opérateur plus lisible et plus performant », a indiqué le ministre, qui en a profité pour rappelé le sens des différentes fusions menées ces derniers mois parmi les opérateurs publics. « En matière de soutien à l’export des entreprises, l’opérateur est Business France (né de la fusion d’Ubifrance avec l’Afii), en matière de tourisme, l’opérateur est Atout France, en matière de formation et d’accueil des étudiants étrangers, l’opérateur est Campus France et en matière d’expertise technique, il y aura un grand opérateur, Expertise France », a-t-il résumé.
Expertise France doit en l’occurrence rassembler quelque six opérateurs publics de coopération technique internationale (Adetef, FEI, GIP Esther, GIP International, GIP SPSI, ADECR)*, qui, ensemble, ont généré un volume d’activité de 120 millions d’euros en 2014.
Leur nouvelle feuille de route sous cette ombrelle commune ? « La première priorité est de promouvoir l’excellence de l’expertise française (…), vous devez être notre porte-parole sur la diplomatie économique », a-t-il lancé aux personnels. Concrètement, la nouvelle agence doit aider la diplomatie économique en permettant in fine aux entreprises tricolores de gagner des parts de marché sur les appels d’offres internationaux. En ligne de mire : la COP 21 sur le climat, que doit accueillir Paris en fin d’année. Elle doit aussi apporter, avec l’Agence française de développement (AFD), dont la directrice générale Anne Paugam était présente dans l’audience, son soutien aux pays du Sud, le continent africain constituant l’un des principaux partenaires et bailleurs d’Expertise France. Elle devra notamment être active sur les pays sortant de conflits et participer à la reconstruction des pays touchés par des conflits comme le Mali.
«Ubifrance et l’Afii ont eu un an pour fusionner, nous à peine quatre mois et demi »
Reste à mettre concrètement en œuvre la fusion, ce qui s’avère un véritable défi. Dans la réalité, les 240 salariés, qui étaient rassemblés pour la première fois dans un même lieu le 20 janvier, sont encore dispersés entre divers locaux des anciens opérateurs et Expertise France n’a pas de bureaux unifiés, contrairement à Business France, née de la fusion de deux structures seulement qui cohabitaient déjà dans les mêmes locaux et dont les agents se côtoyaient quotidiennement. En outre, beaucoup ne connaissaient pas leur nouvelle direction le jour du lancement, et semblait peu informés sur ses implications concrètes. « C’est lourd, on a souffert, Ubifrance et l’Afii ont eu un an pour fusionner, nous à peine quatre mois et demi », confiait à la Lettre confidentielle un agent issu de l’un des six opérateurs qui fusionnera. La création d’Expertise France a été votée par la loi du 24 juillet 2014 avant de voir le jour le 1er janvier. « La fin d’année, a été difficile, nous sommes dans l’incertitude quant à nos nouveaux contrats, nous n’avons pas encore rencontré notre direction, et nous n’avons pas encore de locaux !», ajoutait cette interlocutrice.
Les ministres ont manifestement tenté de rassurer. Il s’agit de faire table rase des « querelles du passé » entre différents opérateurs pour arriver à « la création d’une dynamique commune en vue de s’installer rapidement sur un site unique », a indiqué Laurent Fabius. « Une fusion n’est jamais chose simple, c’est toujours un défi », a ainsi concédé Michel Sapin, le ministre des Finances et des comptes publics, comme pour calmer les esprits et rassurer les agents présents. « Ce n’est jamais un moment facile, ça implique une remise en cause collective ». Laurent Fabius a bien parlé « d’installer rapidement » les salariés concernés par la fusion sur « un site unique » mais pour l’heure aucune adresse n’a été donnée, pas plus que d’indications sur les missions de chacun au sein de cette grande agence.
« Il y a eu des querelles entre les opérateurs et maintenant ils vont nous rassembler », s’interrogeait dubitative notre interlocutrice. Elle n’était pas seule dans son cas. « Ça s’est fait vite, les personnels sont peu informés », confirmait un agent de FEI, qui a lui aussi découvert le 20 janvier la composition de sa future direction. « Chez FEI, on fait 70 millions d’euros de chiffre d’affaires, soit un tiers du chiffre (120 millions) réalisé par les six opérateurs regroupés, pourtant dans la direction, ils ont nommé une majorité de personnels issus de l’Adetef, on a un sentiment de frustration ». Ambiance…
Jean-Christophe Donnellier, issu du sérail de la DG Trésor, qui préside le conseil d’administration de la nouvelle agence a admis, devant les personnels présents : « il y a du pain sur la planche, vous avez un gros travail à accomplir dans le cadre de la fusion ». Ce sera notamment le défi qu’aura à relever l’ancien conseiller de Laurent Fabius, Sébastien Mosneron Dupin, qui en a pris la direction générale.
Venice Affre
*Expertise France, nouveau bras armé du gouvernement pour la coopération technique internationale