Renaud Bentégeat, nouveau président de CCI France International, s’inscrit dans la continuité de son prédécesseur Arnaud Vaissié. Il soutient le projet Team France Export mais veut plus de reconnaissance des CCIFI.
Élu le 25 juin président du conseil d’administration de CCI France International, tête de pont du réseau des CCI françaises à l’étranger (CCIFI), ce chef d’entreprise (CBC, CFE…) connaît bien le dossier : il est également président de la CCI France Belgique, l’une des premières à avoir obtenu une concession de service public de Business France dans le domaine de l’accompagnement export. Girondin comme lui, il est également proche d’Alain Bentéjac, le président du Comité national des Conseillers du commerce extérieur (CNCCEF), qu’il a connu à Sciences Po Bordeaux.
C’est donc en connaisseur qu’il livre au Moci, dans la toute première interview de son mandat, sa vision des enjeux auxquels fait face ce réseau dans le contexte de la réforme du dispositif public d’accompagnement à l’export.
Le Moci. Vous êtes le nouveau président de CCI France International, vous êtes également président de la CCIFI de Belgique depuis douze ans, l’une des premières à avoir obtenu une concession de service public (CSP) de Business France dans le cadre de la réforme Team France Export. Quelle est votre motivation pour accéder à ce nouveau poste ?
Renaud Bentégeat. Je suis administrateur depuis trois ans de CCI France International et j’ai de ce fait eu la possibilité d’apprécier de très près le travail qui a été fait par les équipes. Cette mission, qui est totalement bénévole, a uniquement pour objectif d’aider les entreprises françaises à mieux exporter, à mieux se développer à l’international. J’ai maintenant une longue expérience professionnelle derrière moi et c’est une occasion unique de pouvoir continuer ce qu’a initié Arnaud Vaissié. L’environnement dans lequel nous évoluons est très mouvant, si je peux apporter une quelconque aide pour permettre au réseau de s’adapter, ça m’intéresse.
« Chaque pays doit avoir sa solution »
Le Moci. Vous avez insisté devant vos pairs, lors de l’annonce de votre élection par le nouveau conseil d’administration, sur la continuité de l’action qui a été entreprise par votre prédécesseur. Vous reprenez un réseau qui s’est beaucoup transformé et qui a décidé de travailler davantage en coopération avec l’État et ses opérateurs. C’est donc une option que vous approuvez.
Renaud Bentégeat. C’est une option à laquelle j’adhère à 100 % et s’il avait fallu que je sois le président d’une association qui soit en guerre contre les autres acteurs de l’exportation, je n’aurais jamais pris le poste.
En Belgique, j’ai eu la chance depuis 12 ans que je suis président, d’avoir des relations très positives avec Business France. Nous considérons l’un et l’autre que nous sommes là pour aider les entreprises françaises et certainement pas pour nous battre. Je pense d’ailleurs que c’est ce caractère très positif de nos relations qui a, entre autres, incité Business France à choisir la Belgique parmi les six pays de CSP.
Mon objectif aujourd’hui est très clair, c’est d’assurer d’une part la continuité et la réussite de ce qui a été entamé mais aussi d’aller plus loin, et de voir avec Business France comment aider davantage toutes les CCIFI.
Pour moi, cela passe par plus de demandes et de soutien aux CCIFI, car je pense qu’il n’existe aucun autre réseau au monde qui rassemble autant d’intelligence, de collaborateurs de bonne volonté, de compétences et de flexibilité. Ce réseau exceptionnel est encore trop sous-utilisé, mon souhait est qu’il soit reconnu à sa juste valeur !
Le Moci. On sait que cette réforme a été plus ou moins bien accueillie selon les pays, les chambres, les spécificités de chacune. Comment comptez-vous vous y prendre pour gérer la digestion de cette réforme ?
Renaud Bentégeat. Je crois qu’il n’y a pas de recette miracle. Il faut chaque fois expliquer, comprendre les enjeux de chacun, et après il faut s’adapter aux pays qui vont être sollicités ou qui peuvent être intéressés.
Aujourd’hui nous ne sommes que six pays à avoir obtenu une CSP. Mais il faut savoir qu’une CSP implique un réel investissement en temps, en hommes… Il n’y a donc pas de bonne ou de mauvaise décision, il n’y a que des décisions adaptées à un pays. Un maître-mot de ma pensée, c’est pragmatisme. Chaque pays doit avoir sa solution. Et dans tous les cas, chaque CCIFI doit avoir le bénéfice de son implantation dans le système d’accompagnement à l’export, en fonction de sa taille et de ses compétences.
« Ce référencement doit il coûter quelque chose aux référencés ? … non »
Le Moci. En dehors du déploiement par Business France des CSP et marchés de service public, la campagne de référencement des prestataires par la Team France Export dans chaque pays a commencé. Encouragez-vous toutes les CCIFI à se faire référencer ?
Renaud Bentégeat. Aujourd’hui oui, je pense qu’il est important de se faire référencer.
Le thème qui peut fâcher, c’est la question des frais administratifs demandés par Business France : ce référencement doit il coûter quelque chose aux référencés ? Pour ma part, je pense que non. Bien entendu, Business France a aussi certaines règles à respecter, mais je suis heureux de voir qu’alors qu’un délai d’un an était initialement prévu, nous sommes passés à deux ans.
L’important c’est bien entendu de toujours mieux aider les entreprises.
Le Moci. Dans certaines chambres, on sent un regret de perdre le lien direct avec le réseau consulaire français. N’est-ce pas également un défi à surmonter dans le nouveau système où tout doit, semble-t-il, passer par la Team France Export ?
Renaud Bentégeat. Même si, il s’agit aujourd’hui avant tout de mettre en place un continuum Team France Export entre tous, je pense qu’il ne faut pas que l’un évacue l’autre, tout doit être possible. Je vous répète à nouveau le mot : pragmatisme ! On ne peut pas travailler à l’international dans tous les pays en pensant que des règles uniques vont s’imposer.
Arrivée de la CCI France Croatie
Le Moci. Le réseau des CCIFI a eu une expansion régulière ces dernières années, il compte aujourd’hui 124 chambres dans 93 pays. Il y a encore des zones dont il est absent, dans certaines parties de l’Afrique par exemple… Quelles sont les nouveautés cette année de ce point de vue ?
Renaud Bentégeat. Nous avons intégré en 2018 les CCIFI au Qatar, au Mozambique, et à Toronto. Cette année nous sommes heureux d’accueillir la CCIFI Croatie au sein de notre réseau. La structure du Guatemala, quant à elle, a été confirmée comme CCIFI (de membre associé à membre de plein droit).
Le Moci. Avez-vous des objectifs d’expansion géographique particuliers ou la priorité est-elle plutôt de renforcer l’offre du réseau ?
Renaud Bentégeat. L’un n’empêche pas l’autre.
Pour créer une chambre, il ne faut pas que de la bonne volonté de tel ou tel ambassadeur si attaché soit-il à la diplomatie économique. Il faut aussi des gens localement qui décident de s’investir, il faut des administrateurs qui décident de passer du temps sur ce projet, une équipe opérationnelle. Il faut réunir un ensemble de moyens, et respecter aussi nos principes éthiques et de fonctionnement.
Ce que je ne souhaite pas, c’est que l’on intègre des chambres qui soient moribondes deux ans après leur arrivée. Je voudrais que l’on soit sûr, pour chaque nouvelle CCIFI qui intègre notre réseau, de compter sur des éléments solides. Après, toute chambre a des hauts et des bas : celle de Belgique, quand je suis arrivé il y a douze ans, était dans une situation dramatique. C’est normal, c’est aussi la vie des entreprises. Je suis donc pour l’expansion du réseau, mais pas pour faire n’importe quoi.
Le Moci. Donc là encore, c’est le pragmatisme qui doit prévaloir.
Renaud Bentégeat. Effectivement. J’aime beaucoup ce mot car quand on a trop d’idées reçues, on persévère dans la mauvaise voie.
« Je souhaite que les CCIFI soient des partenaires essentiels de la Team France Export »
Le Moci. Comment voyez-vous vos rapports avec les services de l’État, la diplomatie économique ?
Renaud Bentégeat. De la meilleure façon qui soit. Je souhaite que les CCIFI soient des partenaires essentiels de la Team France Export, et même le numéro 1. À partir de là, je ne vois pas comment on ne pourrait pas avoir d’excellents rapports avec l’État français.
Bien entendu, pour avoir d’excellents rapports, il faut être deux. Je connais Christophe Lecourtier puisque c’est avec lui que j’ai signé la CSP pour la Belgique. Je connais aussi ses équipes puisque je suis allé défendre la candidature de la chambre pour cette CSP devant elles. Je connais Alain Bentéjac (président des Conseillers du commerce extérieur) depuis toujours, qui n’est pas un acteur de l’État mais qui en est très proche.
Je n’imagine pas là encore que ce ne soit pas l’intelligence qui prime, et que l’on considère tous que l’on a un seul et même objectif : être au service des entreprises. Je ne peux imaginer que cela se passe mal.
Je souhaite rencontrer dès que possible le secrétaire d’État Jean-Baptiste Lemoyne, mais aussi Christophe Lecourtier, avec lequel il faut que l’on prévoie des occasions de rencontres fréquentes. Je rencontrerai aussi très prochainement les représentants des CCI françaises, dont j’ai la chance d’avoir des représentants à mon conseil d’administration.
Un projet de plateforme commune à toutes les CCIFI
Le Moci. Vos priorités pour l’année qui vient ?
Renaud Bentégeat. Nous avons le projet de mettre en place une plateforme digitale commune à tout le réseau des CCIFI qui permettra une mise en relation efficace des entreprises entre elles, le développement d’opportunités d’affaires et au final le renforcement de nos communautés d’affaires françaises à l’étranger. Ce projet peut prendre une dimension stratégique pour les intérêts français. Nous avons beaucoup de concurrence dans notre activité, nous avons donc besoin de ce réseau et de cet outil commun. Cela ne doit pas se faire en un an, mais si d’ici là nous avons avancé dans l’étude de ce projet, sa mise en œuvre et les modalités de son financement, on aura bien progressé.
Je rappelle d’ailleurs que les CCIFI s’autofinancent à 99,3 %.
Le Moci. Et les 0,7 % restants ?
Renaud Bentégeat. Ce sont principalement des aides apportées par les CCI de France aux CCIFI et à CCI France International dans le cadre des activités d’animation de réseau. Je pense que c’est un investissement intelligent de la part des CCI, car il bénéficie in fine à nos entreprises que nous partageons et qui constituent notre ADN. Je suis donc très fier de ce taux d’autofinancement élevé, mais je suis heureux du maintien de ces quelques aides.
Propos recueillis par Christine Gilguy