Les récents bouleversements de l’économie mondiale ont
conduit l’assureur-crédit Euler Hermes à affiner sa méthodologie du risque pays.
L’assureur-crédit intègrera désormais à sa grille de lecture deux nouveaux
indicateurs : l’un mesurant la vulnérabilité cyclique d’une économie et l’autre sa
vulnérabilité financière. Il entend également donner plus d’importance au
risque sociopolitique.
La bonne vieille notion de risque pays, chère à tout
praticien du commerce international, a vécu, estime-t-on chez Euler Hermes. « Nous voulions redéfinir la notion de
risque pays parce que les ressorts de l’économie mondiale ne sont plus les
mêmes qu’il y a dix ans et parce qu’on assiste à des faits nouveaux, comme les
révoltes démocratiques dans le monde arabe », a ainsi souligné
Wilfried Verstraete, président du directoire du leader de l’assurance-crédit,
lors de la présentation, le 28 avril, de son dernier Bulletin économique,
intitulé « Les difficultés des uns
sont les problèmes de tous ».
La progression des échanges croisés et une ouverture sans
précédent des frontières depuis une dizaine d’années provoquent un risque d’effet
domino. La production de la valeur ajoutée est éparpillée et il suffit qu’une
catastrophe frappe un pays, comme le Japon en mars dernier, pour que des
industries entières s’en trouvent déboussolées. Des secteurs aussi mondialisés
que l’automobile et l’électronique ont subi des ruptures des chaînes
d’approvisionnement, des fermetures temporaires de sites de production et des
mises au chômage technique.
Cette interdépendance économique grandissante souligne la nécessité de pouvoir mesurer le risque de
dégradation de la qualité des paiements au regard de l’évolution
macroéconomique d’un pays. L’assureur-crédit a ainsi créé un indicateur de
vulnérabilité cyclique (Cyclical Risk Indicator, CRI), classant les pays en
trois catégories : niveau 3 (risque élevé, majoritairement en Europe du
Sud), niveau 2 (risque moyen, essentiellement dans les pays développés et en
Europe émergente) et niveau 1 (risque globalement peu élevé, en Asie).
Autre indicateur créé : le Financial Flows Indicator
(FFI), qui mesure la vulnérabilité à un choc exogène et sa capacité à résister
ou éviter un choc systémique, en particulier au regard de la sensibilité des
flux de capitaux. « Les pays
empruntent de plus en plus à l’extérieur pour financer leur dette souveraine et
on assiste à une imbrication sans précédent des flux bancaires, qui provoque
des effets de court-circuit », explique Karine Berger, directrice
Marchés et Marketing et chef économiste chez Euler Hermes. Un problème de
remboursement de la dette dans un pays impacte l’ensemble des dettes détenues
par d’autres pays. « C’est le risque
le plus dangereux, car c’est celui qui a le plus de conséquences sur l’économie
réelle », estime Mme Berger.
Sans surprise l’Espagne, la Grèce, la Turquie, l’Irlande et
le Portugal sont classés H (high,risque
élevé) selon l’indicateur FFI. Les économies émergentes d’Asie et d’Amérique
latine se voient attribuées un L (low,
risque bas), tandis que le Japon, l’Egypte, la Tunisie, mais aussi certains
pays européens comme la Croatie, la Hongrie, l’Italie et le Royaume-Uni sont
classés M (medium, risque moyen).
En outre, le vent de révoltes démocratiques qui traverse
actuellement le monde arabe a poussé Euler Hermes à mieux prendre en compte les
phénomènes sociaux et politiques lors de l’attribution des notes de risque. Sans
toutefois créer un indicateur qui leur soit spécifiquement dédiés. « On regardait le risque politique,
alors qu’il fallait intégrer le risque social, à savoir les effets d’une
répartition inégale des fruits de la croissance et les conséquences
d’évolutions démographiques et techniques », reconnaît Karine Berger.
Les informations sur le risque pays, augmentées de deux
indicateurs, coûteront-elles plus cher aux entreprises ? « Le taux de prime ne changera pas »,
assure Wilfried Verstraete.
Sophie Creusillet