Les surtaxes douanières imposées par l’administration Trump donnent des sueurs froides aux chargeurs. Entre gestion des surcoûts et crainte de nouvelles mesures tarifaires, les exportateurs nagent en plein brouillard. Pourtant, des solutions existent afin d’éviter la casse et continuer à travailler avec les États-Unis. Après les recommandations d’un spécialiste du droit douanier* en mars, Le Moci propose un autre point de vue émanant d’un prestataire logistique.
Les importateurs américains ont eu beau stocker le plus possible en prévision des hausses de droits de douane annoncées par Donald Trump, les flux commerciaux entre le Vieux et le Nouveau continents n’en continuent pas moins. Les États-Unis demeurent la première destination du commerce extérieur des entreprises européennes hors UE.
Si la surenchère des mesures et des contre-mesures douanières entre Washington et Bruxelles a semé la pagaille, la suspension de certaines surtaxes pendant 90 jours marque une pause bienvenue pour les chargeurs.
Autant la mettre à profit pour optimiser les expéditions et contenir les surcoûts. C’est dans cet état d’esprit que le commissionnaire Ovrsea a présenté des pistes concrètes au cours d’un webinaire suivi par plus de 500 entreprises, le 10 avril dernier. Petit tour d’horizon des principales d’entre elles.
Changer d’Incoterm
Les experts douaniers d’Ovrsea conseille d’opter pour le DDP (Delivery Duty Paid) par lequel le fournisseur se fait également importateur.
Cet Incoterm implique que le vendeur prenne en charge le transport ainsi que le dédouanement à l’importation et le règlement des droits et taxes. La seule obligation de l’acheteur est de s’occuper du déchargement. Il permet donc de déduire le fret, l’assurance et les droits estimés de la facture totale et de réduire la valeur en douane, sur laquelle les droits de douane sont estimés.

Attention cependant à ce que la valeur déclarée corresponde bien aux virements réels. Une bonne traçabilité financière est exigée pour éviter les redressements.
A noter que ce point de vue sur le choix de l’Incoterm diverge, sur ce point, de celui de l’expert du droit douanier publié en mars dernier dans notre newsletter DAF Export, qui recommandait au contraire d’éviter le DDP pour privilégier un Incoterm transférant à l’acheteur les formalités et paiement des droits de douane.
Opter pour un entrepôt sous douane
Ce régime douanier prévoit le paiement des droits et taxes à la sortie des marchandises de l’entrepôt. Il permet un gain de trésorerie en repoussant le règlement des droits de douane et de la TVA, voir en l’annulant si la marchandise prend finalement le chemin d’un pays tiers.
Ce choix logistique peut convenir à ceux qui parient sur de possibles évolutions vers une réduction des droits de douane. C’est en revanche un pari à court terme et qui induit d’importants frais de stockage. Mais cette stratégie du « dos rond » peut convenir à certaines entreprises.
Passer au régime de perfectionnement actif
L’Inward Processing Relief (IPR) ou perfectionnement actif, est le régime douanier des fabricants aux chaînes de valeurs internationalisées et peut être utilisé pour des marchandises importées et transformées avant d’être re-exportées sans être frappées de droits d’importation. Avantage : il améliore la fluidité des opérations et épargne des flux de trésorerie.
Il ne concerne donc que les biens ayant vocation à être transformés (assemblage, découpe, ajout…) et oblige à changer d’origine douanière. La transformation doit toutefois être jugée « substantielle » et respecter les règles d’origine, ce qui exige une comptabilité matière au cordeau.
En outre, ce régime requiert une autorisation auprès de la douane américaine.
Optimiser les prix de transfert interentreprises
Les sociétés ayant une filiale aux États-Unis peuvent réduire la valeur en douane en révisant à la baisse le coût des transactions depuis la France. Fixés entre les filiales d’une même multinationale et conformes au principe de pleine concurrence, ces prix de transfert ont pour but de prévenir l’évasion fiscale et le transfert de bénéfices.
Cette option nécessite cependant une parfaite cohérence entre la politique de prix de transfert d’un groupe et une solide documentation.
Utiliser la règle du « First Sale »
Il s’agit de déclarer la valeur en douane de la marchandise sur la première vente effectuée par le fabricant, avant que l’intervention d’intermédiaires ne la fasse augmenter. En la réduisant, les doits de douane seront mathématiquement moins importants.
Trois conditions sont à remplir :
-la vente doit être bona fide (de bonne foi),
-effectuée au prix du marché (même entre des entités liées)
-et les marchandises concernées doivent être destinées aux États-Unis dès la première vente.
Quelle que soit la piste explorée, toutes ces pistes de solutions exigent de la part des entreprises, en particulier les plus petites, un forte capacité d’adaptation et de la rigueur dans la gestion de la documentation.
Sophie Creusillet
*Politique commerciale américaine : les conséquences et les risques à anticiper pour les entreprises