L’économie américaine est solide, plutôt en forme, comparée à la zone euro, mais les incertitudes autour des élections américaines du 5 novembre et de leur impact en cas de victoire d’un camp ou d’un autre ont rarement été aussi grandes. Le service économique de l’assureur-crédit Coface confirme que le risque de surchauffe économique n’est pas négligeable, notamment si les résultats du scrutin sont serrés.
Dans une note d’analyse publiée le 31 octobre, le service économique de Coface confirme le sentiment d’incertitude général concernant le scénario de l’élection présidentielle américaine -victoire de la démocrate Kamala Harris ou du républicain Donald Trump ?-, auquel s’ajoute l’incertitude quant à la composition du futur Congrès.
« L’incertitude est élevée, l’issue dépendant des résultats dans quelques États « pivots », où les deux candidats sont au coude-à-coude, résume Coface. En parallèle, la composition du Congrès est également en jeu : les Républicains n’ont besoin que de deux sièges pour reprendre le Sénat, tandis que les Démocrates doivent gagner quatre sièges pour reconquérir la Chambre des Représentants. Il est donc probable que le Congrès soit divisé, bien qu’un » trifecta » – le contrôle des deux chambres et de la présidence par un seul parti – reste possible ». Voici pour l’incertitude politique.
Sur le plan économique, l’économie américaine se porte plutôt bien, et n’a nul besoin de nouveaux stimulus macro-économiques que ceux dont elle bénéficie déjà. D’après une récente note de conjoncture du Trésor français, la croissance du PIB est robuste comparée à celle de la zone euro : + 0,4 % au 1er semestre 2024, + 0,7 % au 2e trimestre, tirée par la consommation privée et les investissements (+ 2,5 % en 2023, après + 1,9 % en 2022). Le FMI prévoit une poursuite de cette dynamique, tablant sur une croissance de 2,6 % sur l’année 2024 et de 1,9 % en 2025.
L’inflation est sur une trajectoire de baisse avec sur un an, + 2,5 % en août (après un pic à +9,1 % en juin 2022). D’où la baisse des taux d’intérêt amorcé par la Fédéral Reserve Bank (FED) : elle a réduit de 50 points de base ses taux directeurs en septembre dernier, à 4,75-5 %. Enfin, la situation du marché du travail est relativement bonne avec un taux de chômage de 4,2 % en août 2024 (3,4 % en avril 2023) et des hausses de salaires qui ralentissent.
Or, selon que Harris ou Trump remporte l’élection, l’impact macro-économique de certaines mesures pourrait perturber cette trajectoire. Coface en résume bien les enjeux dans sa note.
Un protectionnisme trumpien inflationniste
Concernant les programmes économiques et commerciaux des deux candidats, le protectionnisme est un point commun, mais évidemment beaucoup plus agressif chez Trump rappelle l’assureur-crédit : « Le candidat républicain souhaite appliquer un droit de douane de 60 % sur toutes les importations en provenance de Chine et, surtout, un droit de douane général de 10 à 20 % sur les importations en provenance de tous les partenaires commerciaux, alliés ou non. Cette mesure coûterait cher aux entreprises et aux consommateurs américains et perturberait fortement les chaînes de valeur mondiales », confirme Coface qui, comme d’autres économistes, pointe ainsi le risque fortement inflationniste du protectionnisme trumpien.
Lors d’un récent forum autour des risques financiers à l’export, Ludovic Subran, le chef économiste d’Allianz, avait lui aussi affirmé que la hausse des tarifs douaniers était l’un des ingrédients d’une politique « triplement inflationniste » promise par Trump, s’ajoutant au renvoi massif de migrants (risque de hausse des salaires) et à une politique de dévaluation du dollar.
« Kamala Harris, de son côté, devrait maintenir une approche plus modérée en matière de commerce, tout en conservant certaines restrictions ciblées, en particulier vis-à-vis de la Chine, indique la note de Coface. Les tensions commerciales, notamment dans les secteurs technologiques et énergétiques ne disparaîtront pas pour autant ».
Des politiques fiscales différenciées
Sur le plan de la politique fiscale, les approches sont encore nettement plus différenciées. « Harris privilégie une augmentation des impôts pour les grandes entreprises et les ménages les plus aisés, tout en offrant des allègements fiscaux pour les familles à faibles revenus, rappelle Coface. Cette politique vise à réduire les inégalités économiques tout en investissant dans les infrastructures vertes et les services publics ».
A contrario, Trump « veut prolonger et élargir les réductions d’impôts qu’il a mises en place en 2017, et envisage également une baisse de l’impôt sur les sociétés à 15 %. Par ailleurs, son approche repose sur une déréglementation des secteurs clés pour favoriser la croissance économique, au risque d’augmenter le déficit public ».
Le risque est donc grand d’un retour de l’inflation et de l’instabilité économique.
Quid de l’indépendance de la FED ?
« L’un des principaux enjeux à moyen terme est l’impact des politiques fiscales sur l’inflation et les taux d’intérêt, rappelle Coface. Alors que la consommation des ménages est solide, un regain d’inflation provoqué par la mise en œuvre des programmes électoraux de l’un ou l’autre candidat pourrait forcer la Réserve fédérale à adopter une politique monétaire plus restrictive, augmentant ainsi les taux d’intérêt ».
Pour l’heure, malgré cette incertitude, « le dollar américain continue de bénéficier d’une position privilégiée sur les marchés internationaux, garantissant aux États-Unis des conditions de financement favorables » relativise Coface. De fait, depuis trois mois, le taux spot euro /dollar gravite autour de 1/1,09 et la monnaie américaine a plutôt tendance à se raffermir.
Mais cela pourrait être remis en cause si la FED perd son indépendance en cas de retour de Trump, qui a publiquement promis de reprendre en main cette institution. « Si l’indépendance de la Fed venait à être compromise sous un second mandat Trump, la confiance dans la politique monétaire américaine pourrait être ébranlée, augmentant l’incertitude économique au niveau mondial ».
C.G