L’Europe a « de nouveau un ami à la Maison blanche après quatre longues années », s’est félicitée Ursula Von Der Leyen, la Présidente de la Commission européenne, devant le Parlement européen réuni en plénière à Bruxelles, ce mercredi 20 janvier, soit quelques heures seulement avant l’investiture de Joe Biden.
Même enthousiasme de la part du Président du Conseil : « Ce jour représente l’opportunité de donner un nouveau souffle à nos relations transatlantiques qui ont grandement souffert ces quatre dernières années », a déclaré Charles Michel.
Intervenant tour à tour dans l’hémicycle, les chefs des groupes politiques ont eux aussi appelé les États-Unis à jeter les bases d’un partenariat renouvelé avec l’Union européenne (UE) afin de « lutter contre les menaces et les défis communs », souligne un communiqué de l’institution. Parmi ceux-ci, figurent la lutte contre le changement climatique et contre la pandémie de Covid-19, la reconstruction d’un système multilatéral basé sur des règles mais aussi « l’apaisement des tensions commerciales », a insisté Dacian Ciolos, Président du groupe Renew Europe.
Pas de retour au « business as usual »
Mais le soulagement exprimé à Bruxelles, comme dans la majeure partie des capitales européennes, ne signifie pas le retour du « business as usual » avec le grand frère américain. Les année Trump ont laissé leurs marques.
Et même dans le camp des Atlantistes purs et durs, plus question de se réfugier sous le parapluie de l’Oncle Sam. « Nous avons nos différences et elles ne vont pas disparaître d’un jour à l’autre comme par magie », a averti Charles Michel qui plaide « pour construire, ensemble, un pacte fondateur, nouveau, pour une Europe plus forte, pour des États-Unis plus forts et pour un monde meilleur ».
Un appel à la collaboration sur la régulation des GAFAM
Rappelant l’existence de « valeurs communes » de part et d’autre de l’Atlantique, Ursula Von Der Leyen n’a pas hésité, non plus, à évoquer les sujets qui fâchent, en particulier un dossier potentiellement explosif entre Bruxelles et Washington, à savoir la régulation des GAFAM, les géants d’Internet.
« Nous devons réduire de façon démocratique le pouvoir politique débridé et incontrôlé des géants de l’internet ». Un message qui se veut un appel à la collaboration plutôt qu’à la confrontation. « Ensemble, nous pourrions créer un cadre réglementaire de validité mondiale pour l’économie numérique », a insisté la cheffe de l’exécutif européen.
Le patronat européen prudent
Même prudence du côté de Business Europe. Si l’organisation patronale européenne se félicite du « début d’une nouvelle ère », qu’elle espère « plus coopérative, moins conflictuelle », elle demande désormais des gestes concrets de la part de Washington.
« Les citoyens et les entreprises européennes attendent avec impatience les premiers signes indiquant que les États-Unis considèrent à nouveau l’Union européenne comme un allié et un partenaire », souligne Pierre Gattaz, à la tête de l’influente fédération basée à Bruxelles.
Et si les États-Unis sont véritablement enclins à tourner la page des années Trump, et engager un nouveau dialogue, ils devraient rapidement éliminer « ou tout au moins suspendre les taxes imposées » aux exportateurs européens, afin « de donner aux administrations des deux blocs la possibilité de trouver une solution durable aux différends entre Boeing et Airbus », a martelé l’ex-Président du Medef.
En attente de signaux clairs
A l’instar du milieu patronal, les dirigeants européens attendent eux aussi un signal clair de la nouvelle administration quant aux orientations de sa politique extérieure, en particulier à l’égard de l’UE.
Car depuis l’annonce, en novembre, du résultat des élections, « nous n’avons pas eu de contacts formels avec l’équipe du nouveau Président », a confié au Moci un collaborateur d’Ursula Von Der Leyen.
En quête de réponses sur ce qu’ils peuvent espérer de la future relation transatlantique, les ministres européens de l’Économie et des Finances ont invité lundi 18 janvier, l’économiste Larry Summers, professeur à Harvard, à participer à leur réunion.
Lors d’une discussion « vive et constructive », selon les termes d’un diplomate européen, les Vingt-sept ont été en partie rassurés par l’exposé de cet ancien conseiller économique de Barak Obama, qui aurait notamment expliqué qu’une relation très étroite allait naître comme elle ne l’avait plus été depuis la chute du mur de Berlin.
Mais les attentes, nombreuses, de Européens – tant sur la gestion de la pandémie que sur la relance de l’économie mondiale, la lutte contre le changement climatique ou la taxation partagée des profits des géants du Net – ne trouveront pas de réponses immédiates, a averti Larry Summers.
Outre les nombreuses questions internes à régler avant de pouvoir se concentrer sur son agenda international, Joe Biden aura fort à faire pour renouveler une administration mise à sac pendant l’ère Trump. Il faudra donc du temps avant que les nouveaux interlocuteurs des Européens soient opérationnels.
Des contraintes que Charles Michel espère voir régler au cours des deux prochains mois. Face au Parlement, le Président du Conseil a réitéré son invitation à Joe Biden pour qu’il vienne « participer à une réunion extraordinaire du Conseil européen à Bruxelles. Elle pourrait se tenir parallèlement à un sommet de l’OTAN », programmé au mois de mars, a suggéré l’ex premier ministre belge.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles