Alors que les nouveaux droits de douane sur les biens européens doivent entrer en vigueur mercredi 2 avril, certains groupes français ont reçu en fin de semaine dernière une lettre les invitant à abandonner leurs éventuels programmes de promotion de la diversité s’ils souhaitent continuer à travailler avec le gouvernement américain. Une initiative qui a provoqué une levée de boucliers.
Laurent Saint-Martin s’est dit « profondément choqué » par des menaces qu’il n’estime « pas acceptables », ce matin à l’antenne de RTL. Pour le ministre délégué au Commerce extérieur, cette initiative requiert « de renoncer aux politiques d’inclusion qui sont la loi, tout simplement, française et parfois européenne ». Dans un communiqué transmis à l’Afp, le ministère estime que « les ingérences américaines dans les politiques d’inclusion des entreprises françaises, comme les menaces de droits de douanes injustifiés, sont inacceptables ».
En effet, selon une information publiée par Les Echos samedi 28 mars « plusieurs dizaines d’entreprises tricolores » ont reçu une lettre de l’ambassade des Etats-Unis en France les informant que le décret 14173, signé par Donal Trump dans les premiers jours de son mandat, s’appliquerait également aux sociétés étrangères. Pour candidater aux appels d’offre du gouvernement américain, au même titre qu’une société de droit américain, une entreprise étrangère devra remplir un formulaire attestant qu’elle « n’opère aucun programme faisant la promotion de la diversité, de l’équité et de l’inclusion », rapporte le quotidien.
Ultimatum de cinq jours
« Si vous n’acceptez pas de signer ce document, nous vous serions reconnaissants de bien vouloir nous en donner les raisons en détail, que nous ferons remonter à nos services juridiques », ajoute le document de manière peu engageante. De plus, les entreprises ont cinq jours pour se conformer à cette nouvelle donne sans quoi elles ne pourront pas ou plus travailler avec le gouvernement américain. Selon les dernières données disponibles, datant de 2021, quelques 5 000 sociétés tricolores ont des filiales aux Etats-Unis où elles emploient 740 000 personnes.
Ce gros coup de pression des Etats-Unis pour étendre l’extraterritorialité de leur droit a provoqué une levée de boucliers de ce côté de l’Atlantique. « En droit français, il n’y a pas de discrimination positive, par contre, il y a une loi sur l’égalité entre les femmes et les hommes et l’égalité salariale, il y a des droits sociaux qui sont associés », a déclaré la ministre en charge de la lutte contre les discriminations, Aurore Bergé sur BFM TV, dimanche 30 mars.
Les entreprises vent debout
Après avoir rappelé que « il y a un principe qui est celui d’un principe de non-discrimination, évidemment, que ce soit la discrimination liée à l’origine ou la discrimination envers les personnes LGBT », la ministre déléguée a affirmé que « la loi française […] va continuer à s’appliquer » et que « elle est au-dessus des ultimatums qui seraient posés par l’ambassade des Etats-Unis ».
Les entreprises sont également montées au créneau par la voix de Patrick Martin. « C’est inadmissible parce que cela traduit une dérive du gouvernement américain, du président américain lui-même, qui veut signifier une emprise sur l’économie mondiale et les valeurs européennes, a déclaré le patron du Medef sur le plateau de LCI, dimanche 30 mars. On ne peut pas s’incliner, nous avons des valeurs, des règles, nous nous devons de les respecter. Il est hors de question d’y renoncer. »
« Cette pratique reflète les valeurs du nouveau gouvernement américain, a commenté l’entourage du ministre français de l’Economie, Eric Lombard, sollicité par l’AFP. Ce ne sont pas les nôtres. Le ministre le rappellera à ses homologues au sein du gouvernement américain. » Abondamment qualifiée de « transactionnelle », la politique commerciale menée par Donald Trump interroge. Au-delà de négociations aussi âpres qu’erratiques, c’est à un combat de valeurs que se livrent aujourd’hui le Vieux et le Nouveau continents. De l’autre côté de l’Atlantique, il semble que les valeurs promues par la nouvelle administration, qui voit dans les programmes de lutte contre les discriminations une expression du « wokisme », n’incluent pas le respect du droit.
Sophie Creusillet