La mise en place de droits de douane allant jusqu’à 25 % sur les importations de biens en provenance du Mexique et du Canada, brandies comme une menace par le président américain élu Donald Trump, réduirait de moitié les échanges commerciaux entre les trois pays pourtant liés par un accord commercial (USMCA), selon une étude d’Oxford Economics. Et plomberait leur croissance. Explications.
Dernière extravagance en date, Donald Trump, a de nouveau émis l’idée de fusionner les États-Unis et le Canada après la démission de Justin Trudeau. Cet automne, il annonçait des droits de douane de 25 % sur les importations depuis le Canada et le Mexique malgré l’USMCA (United States–Mexico–Canada Agreement), l’accord de libre-échange entre les trois pays ayant pris le relais de l’Alena en 2020. Raison invoquée : endiguer l’afflux de fentanyl et la crise des opiacés qui frappe les Etats-Unis.
Par-delà l’inanité de cet argument (les drogues illégales ne sont, et pour cause, pas déclarées en douane) la mise en place de ces surtaxes plomberait le commerce régional et desservirait la croissance américaine selon une récente étude d’Oxford Economics. Le cabinet de conseil et d’analyse britannique estime en effet que ces surtaxes et les mesures de représailles qu’elles provoqueraient réduirait de 50 à 60 % les échanges intrarégionaux qui représentaient, en 2023, 1 500 milliards de dollars et 8 % des importations mondiales.
Baisse des exportations régionales
Ces échanges commerciaux sont par ailleurs plus importants pour le Mexique et le Canada que pour les États-Unis. Ils pèsent ainsi 15 à 20 % de leur PIB contre 3 % du PIB américain. Toujours est-il que des droits de douane de 25 % entraînerait un remaniement à grande échelle de la structure géographique des échanges commerciaux de l’USMCA.
La part des exportations du Mexique et du Canada vers les États-Unis diminuerait ainsi environ de moitié, tout comme celle, combinée du Mexique et du Canada, dans les importations américaines. Les principaux gagnants en termes de parts de marché américaines seraient l’Europe, l’Asie (à l’exclusion de la Chine) ainsi que d’autres économies émergentes.
Dans le détail, les exportations mexicaines se réorienteraient vers le Canada, l’Europe, l’Asie et surtout les autres économies émergentes. Dans le même temps, les exportations canadiennes se déplaceraient vers l’Europe, l’Asie et les autres économies émergentes. La réorientation du commerce canadien serait encore plus spectaculaire que celle observée au cours de la période 1930-1933, lorsque d’importants changements dans les droits de douane et l’effondrement du PIB américain avait entraîné une réorientation brutale des échanges des États-Unis vers le Commonwealth, note Oxford Economics.
L’automobile durement touchée
Du côté des importations, les achats américains de produits manufacturés en provenance de pays soumis à des droits de douane chuteraient d’environ 45 %. Cette « perte » serait compensée par des produits locaux et l’augmentation des importations en provenance d’autres économies comme cela s’et déjà produit. Ainsi, pour le seul secteur de l’électronique, souligne l’étude, la baisse d’environ un tiers des importations chinoises entre 2018 et 2022 a été compensée par des produits américains et pour deux tiers par des importations en provenance de pays tiers.
Par secteur, les industries les plus intégrées au niveau régional seraient évidement les plus touchées, à commencer par l’automobile : les exportations des pays de l’USMCA s’effondreraient et la production chuterait de près de 30 % au Canada. Dans le même temps, le Mexique connaîtrait une forte baisse de la production de machines et d’électronique, ces secteurs étant fortement axés sur les exportations vers les États-Unis. La production de l’industrie chimique américaine chuterait également. En revanche, la production augmenterait dans certains secteurs, grâce à la substitution des importations. Aux États-Unis et au Canada, il s’agirait de l’électronique et des machines, et au Mexique, des produits chimiques et d’autres secteurs manufacturiers.
Enfin, la mise en place de droits de douane de 25 % provoquerait un recul de 2 % du PIB américain début 2026. Mais ce sont les Mexique et le Canada qui en pâtiraient le plus avec des baisses de leur PIB de respectivement 3,5 % et 4 %.
Sophie Creusillet