Le président Biden a promulgué formellement le 16 août son plan d’investissement ambitieux pour le climat et la santé baptisé « Inflation reduction Act ». Le fruit d’un compromis laborieusement négocié durant 18 longs mois par les camps démocrates et républicains et adopté par le Congrès le 12 août. Montant de l’investissement : 430 milliards de dollars (Md USD). Revue de détails d’un programme qui devrait stimuler le dynamisme et la transformation de nombreux secteurs concernés dans la transition énergétique et la santé, notamment.
« Aujourd’hui, le peuple américain a gagné. Les intérêts particuliers ont perdu », a twitté vendredi 12 août le président Biden. Et d’ajouter : avec cette loi, « les familles vont constater une baisse des prix des médicaments sur ordonnance, des soins de santé et des coûts de l’énergie ». Ce dernier a signé le 16 août la loi baptisée « Inflation reduction Act », après que le Congrès américain l’ait définitivement adopté la semaine dernière. Le montant des investissements envisagés est conséquent : 430 Md USD (422 Md EUR).
Au-delà de la lutte contre l’inflation
« Un pays peut être transformé. C’est ce qu’il se passe aujourd’hui », a déclaré Joe Biden le 16 août. Mais que contient ce vaste plan d’investissement qui porte sur la réduction de l’inflation ? Alors que l’inflation est une préoccupation pressante pour le peuple américain, les démocrates veulent « persuader les électeurs », qu’ils travaillent à maîtriser l’inflation à l’approche des élections de mi-mandat qui auront lieu dans moins de trois mois.
« L’inflation et le prix de l’essence sont au premier plan des préoccupations de la plupart des Américains aujourd’hui, alors appeler le projet de loi ‘la Loi sur la réduction de l’inflation’ était un coup de génie rhétorique », explique Ed Maibach, directeur du Center for climate change communication de l’Université de George Mason, interrogé par Reuters.
En réalité, ce plan est un vaste package de mesures concernant la fiscalité, des mesures pour lutter contre le changement climatique mais aussi des aides à la santé.
Fiscalité : un nouvel impôt minimal
Le plan comprend un objectif de réduction du déficit public avec un nouvel impôt minimal de 15 % pour toutes les sociétés dont le bénéfice dépasse le milliard de dollars.
Le but est d’empêcher les grosses entreprises d’utiliser les niches fiscales qui leur permettaient de payer beaucoup moins que ce qu’elles devraient. Cette mesure devrait faire entrer dans les caisses de l’Etat fédéral plus de 258 Md USD au cours des dix prochaines années, selon les estimations.
Une enveloppe historique de 370 Mds USD pour le climat
Il comprend surtout une enveloppe historique de 370 Md USD pour développer le stockage du carbone et des sources d’énergie renouvelables ou bas carbone et réduire les émissions de gaz à effet de serre de – 40 % d’ici à 2030.
Pour réussir à atteindre cet objectif ambitieux, le président Biden mise sur les énergies renouvelables. Une partie du budget sera ainsi consacrée à la capture et au stockage du carbone, à la transition vers l’hydrogène et à la fabrication de petits réacteurs nucléaires.
Une enveloppe de 60 Md USD sera parallèlement consacrée pour assister les ménages les plus modestes dans leur transition énergétique, notamment dans les travaux de rénovation de leur logement.
Plus de 1,5 Md USD sera par ailleurs consacré au renforcement de la résilience des forêts face aux incendies qui ravagent certaines parties du pays, notamment en plantant massivement des arbres et en protégeant les forêts anciennes.
La loi prévoit enfin une série d’incitations financières pour les producteurs et les consommateurs d’énergie éolienne, solaire et nucléaire.
Ainsi, l’installation de panneaux solaires sur son toit pourra être pris en charge à hauteur de 30 %. Autre exemple, un Américain pourra recevoir jusqu’à 7 500 dollars en crédits d’impôts pour l’achat d’une voiture électrique, à condition qu’elle soit construite sur le sol étatsunien et avec une batterie « Made in USA ». L’objectif est que la moitié des voitures vendues en 2030 soient propres. Au deuxième trimestre 2022, seules 8,5 % étaient électriques.
Cette dernière mesure a fait bondir les Européens, nous y reviendrons à la fin de cet article.
Une enveloppe de 64 Mds USD pour la santé
Le deuxième pan de la loi porte sur la santé, avec un investissement de 64 Md USD.
L’administration Biden veut corriger les inégalités dans l’accès aux soins aux États-Unis. Medicare, le système public d’assurance santé destiné aux personnes de plus de 65 ans et à ceux aux revenus modestes, va pour la première fois pouvoir directement négocier les prix de certains médicaments avec les laboratoires pharmaceutiques. Et surtout obtenir des prix beaucoup plus avantageux.
La loi va notamment obliger les groupes pharmaceutiques à consentir à des remises pour certains médicaments, dont le prix augmente plus vite que l’inflation. Elle prévoit également de prolonger des protections de l’Obamacare jusqu’en 2025.
Avantage au Made in America : l’Union européenne en colère
Une mesure a provoqué une vive réaction de Bruxelles, le crédit d’impôt réservé au véhicules électriques Made in America. Cette loi, « touchant aux échanges commerciaux transatlantiques est discriminatoire pour les constructeurs étrangers par rapport aux constructeurs américains » a notamment réagi la Commission européenne, qui s’en inquiète.
Miriam Garcia Ferrer, porte-parole pour le Commerce et l’agriculture de la Commission européenne, a précisé : « les crédits d’impôt constituent un mesure incitative importante pour encourager la demande de voitures électriques (…) mais nous devons nous assurer que les mesures introduites sont équitables. Nous continuons donc d’exhorter les États-Unis à supprimer ces éléments discriminatoires du projet de Loi et à veiller à ce qu’il soit pleinement conforme à l’OMC ». Une prise de parole sans effet pour le moment.
Une vingtaine de projets d’usine de production de batteries en Europe
L’UE pousse en effet de son côté à produire des batteries électriques sur son sol. Plus d’une vingtaine de projets sont lancés pour la construction d’usines de ces produits stratégiques en Europe. Si le marché américain se ferme, un débouché non négligeable sera perdu.
Les enjeux sont colossaux au niveau mondial. La demande mondiale en batteries lithium va être multipliée par quatorze, entre 2018 et 2030, en passant de 184 à 2 623 GWh par an, selon la Commission européenne. En 2030, les besoins de la mobilité électrique devraient représenter environ 90 % de l’ensemble de la demande en batteries électriques.
L’Allemagne compte 6 giga-usines, dont celle de Tesla près de Berlin. En France, Renault, en partenariat avec le sino-japonais Envision et Verkor, jeune pousse grenobloise spécialisée dans les cellules et modules de batteries électriques, va lancer la construction d’un site à Douai, dans le Nord. ACC (Automotive Cells Company), coentreprise entre Total et Stellantis, a choisi Douvrin, dans le Pas-de-Calais pour installer leur site. Les travaux ont débuté cette année, pour un démarrage de la production fin 2023.
La position de l’UE concernant ces dispositions « discriminatoires » du plan américain est partagée par un poids lourd du secteur : l’Alliance pour l’innovation automobile, groupement de constructeurs américains et étrangers, représentant près de la totalité des voitures vendus aux États-Unis.
Ce dernier va même plus loin que la Commission et veut ouvrir les critères d’origine des composants de batterie. Selon son président John Bozella, environ 70 % des véhicules électriques actuellement vendus aux États-Unis ne seraient pas éligibles au crédit d’impôt. Il souhaite donc « inclure des pays de production qui ont des accords de défense collective avec les États-Unis, comme les membres de l’Otan, le Japon et d’autres ».
Des sujets qui vont sans aucun doute nourrir l’agenda du Conseil commerce et technologie, instance de dialogue mis en place l’an dernier par l’UE et les États-Unis.
Claire Pham
Pour plus d’informations (en anglais) sur l’Inflation reduction Act, cliquez ici.