Le président américain Donald Trump a chargé, jeudi dernier [13 février], le représentant américain au Commerce et le secrétaire au Commerce de proposer de nouveaux tarifs douaniers « réciproques » pays par pays et de prendre en compte les obstacles non tarifaire. L’objectif : rééquilibrer les relations commerciales jugées désavantageuses pour les États-Unis. Revue de détail dans cet article proposé par notre partenaire La newsletter BLOCS.
« Dans presque tous les cas, ils nous taxent bien plus que nous ne les taxons, mais cette époque est révolue », a déclaré le locataire de la Maison-Blanche. En complément de ces tarifs réciproques, il a annoncé l’instauration, à une date ultérieure, de taxes à l’importation sur les voitures, les semi-conducteurs et les produits pharmaceutiques.
Les nouvelles taxes, adaptées à chaque pays, ne viseront pas seulement les barrières tarifaires, mais aussi les obstacles non douaniers : réglementations, subventions, TVA, manipulation des taux de change ou encore protection de la propriété intellectuelle.
La Maison-Blanche cite, dans un document publié jeudi [13 février], plusieurs exemples de ce « traitement inéquitable ». Le Brésil impose une taxe de 18 % sur les importations d’éthanol, contre 2,5 % aux États-Unis. L’Inde applique un tarif moyen de 39 % sur les produits agricoles, contre seulement 5 % sur le marché américain.
L’Union européenne n’est pas épargnée. Washington met en avant les écarts de droits de douane sur les véhicules : 2,5 % aux États-Unis contre 10 % en Europe. Sur l’agroalimentaire, l’UE impose des barrières plus élevées, avec un droit de douane moyen de 10 %, contre 3,5 % outre-Atlantique.
Un levier de négociation
D’ici le 1er avril, les ministères concernés devront examiner plus de 17 000 codes de produits pour les 186 pays bénéficiant du statut de nation la plus favorisée (NPF) dans le commerce avec les États-Unis. Or, cette clause, pierre angulaire de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), impose qu’un pays applique le même tarif douanier à tous ses partenaires pour un produit donné. En brandissant la menace des taxes réciproques, Donald Trump tourne ainsi le dos aux règles du commerce mondial.
« L’assemblage ad hoc de ces armes tarifaires semble largement conçu pour créer un levier de négociation en vue d’obtenir des concessions ou des petits arrangements et, s’il est mené à bien, il marque la fin du système national américain fondé sur des règles » estime l’éditorialiste Alan Beattie, dans sa chronique hebdomadaire Trade Secrets, publiée dans le Financial Times.
Les premiers résultats ne se sont pas fait attendre. L’Inde a réduit ses droits de douane sur le whisky bourbon, passant de 150 % à 100 %, après une rencontre entre Narendra Modi et Donald Trump. Le Vietnam, dont l’excédent commercial avec les États-Unis a atteint un niveau record l’an dernier, s’est dit prêt à acheter davantage de produits agricoles américains.
Cette menace de mise en place de « droits de douane réciproques » devrait ainsi produire des effets principalement parmi les économies émergentes, qui sont à la fois les plus protectrices de leurs marchés intérieurs et les plus vulnérables à la coercition américaine.
Apaiser les pulsions belliqueuses
L’UE tente également d’apaiser les pulsions belliqueuses de l’Oncle Sam. Le commissaire européen au commerce, Maros Sefcovic, doit ainsi rencontrer mercredi [19 février] Howard Lutnick, nouveau secrétaire au Commerce, et Jamieson Greer, représentant au Commerce. D’après Politico, il pourrait proposer aux États-Unis d’acheter davantage de gaz naturel liquéfié et d’armes américaines, d’abaisser certains droits de douane ou encore d’unir leurs forces contre la Chine.
Mais cette stratégie agressive suscite aussi des inquiétudes. « Déclencher une guerre commerciale généralisée contre le reste du monde serait plus qu’un crime, ce serait une faute », alerte Alan Beattie. Selon lui, si Washington cherche à combler son déficit commercial par des taxes élevées, cela pourrait provoquer une récession brutale. De plus, une taxation discriminatoire inciterait certains partenaires commerciaux à exploiter les failles du système pour contourner les restrictions.
Reste à savoir si cette nouvelle offensive de Donald Trump sera mise en application ou si elle est destinée à connaitre le même sort que les menaces de droits de douane annoncés contre la Colombie, le Mexique et le Canada.