A la stupeur générale, le président américain a décrété une « pause » de 90 jours, le 9 avril, soit le jour-même de leur entrée en vigueur, pour les droits de douane réciproques annoncés avec tambours et trompettes il y a une semaine. La Chine fait exception et accuse une nouvelle hausse de tarif en réponse à ses propres mesures de rétorsion. Bruxelles, soulagée, a décidé d’un report de 90 jours de sa riposte.
[Mis à jour le 10/04/2025 à 16H00]
Alors que les surtaxes douanières américaines sèment la zizanie dans le commerce mondial depuis leur annonce le 2 avril, il est 19h18, heure française, lorsqu’un post de Donald Trump tombe sur son réseau Truth Social. En 15 lignes, il effectue une volte-face tarifaire qui laisse les observateurs bouche bée. Le locataire de la Maison Blanche y annonce en effet suspendre pour 90 jours des droits de douane réciproques, la surtaxe « plancher » de 10 % restant, elle, toujours en vigueur.
Aurait-il cédé face à la pression des marchés ?
Officiellement, non. Son message sur Truth Social invoque le fait que « plus de 75 pays » se sont dit prêts « à négocier une solution aux sujets discutés concernant le commerce, les barrières commerciales, les droits de douane, la manipulation des devises et les droits de douane non monétaires ». Traduction : ma stratégie du rapport de force fonctionne.
Seule la Chine, « compte tenu de son manque de respect (…) à l’égard des marchés mondiaux », bénéficie d’un traitement particulier et voit ses droits de douane passer à 125 %. « Avec effet immédiat ».
Pas de répit pour la Chine
La veille, une première hausse de 84 % à 104 % sur les importations depuis la Chine avait été annoncée par l’administration Trump. Désigné comme le vilain petit canard du commerce mondial, Pékin avait répliqué par une hausse de 34 % de ses droits de douane sur les produits importés des Etats-Unis avant d’annoncer déposer plainte auprès de l’OMC.
Si ces deux initiatives ont été interprétées comme un refus d’entrer en négociation, Donald Trump a néanmoins déclaré hier que Xi Jinping « voudra parvenir à un accord » et qu’il allait « recevoir un appel, à un moment ».
En attendant que le téléphone du bureau ovale sonne, ce changement de braquet a eu pour effet immédiat de faire remonter les cours des bourses américaines après une semaine de dégringolade. Le 9 avril, les grandes places boursières européennes ont ouvert hausse : + 6,27 % à Paris, + 7,81 % à Francfort et + 5,91 % à Londres.
L’UE salue la pause…
Pour autant, l’administration Trump affirme, par la voix de son secrétaire au Trésor ne pas avoir répondu aux sirènes des marchés dont les fluctuations donnent des sueurs froides non seulement aux investisseurs, mais aussi aux citoyens américains. « C’était sa stratégie tout du long, a assuré Scott Bessent. Et vous pourriez même dire qu’il a attiré la Chine dans une position défavorable. Ils ont répondu. Ils se sont révélés au monde comme un acteur malveillant. »
Dans ce contexte, la stratégie de la réponse graduée adoptée par l’Union européenne apparait payante en cela qu’elle permet de jouer la montre dans un environnement extrêmement chaotique. Ursula von der Leyen a, sans surprise, salué la décision américaine de suspendre les surtaxes douanières sur une soixantaine de pays, la considérant comme « une étape importante vers la stabilisation de l’économie mondiale ».
… et suspend ses contre-mesures
La présidente de la Commission a par ailleurs rappelé ce mantra du commerce international, à savoir que « des conditions claires, prévisibles sont essentielles au fonctionnement du commerce et des chaînes de production ». Reste que cette pause ne concerne que les droits de douane réciproques. Ceux de 25 % qui s’appliquent à certains secteurs comme l’automobile, l’acier et l’aluminium sont, sauf nouveau revirement, toujours en vigueur.
En réponse à ses tarifs sectoriels, l’Union européenne a adopté le le 9 avril une riposte tarifaire instaurant des droits de douane de 25 % sur une sélection de produits américains importés (soja, la volaille, riz, différents fruits, bois, motos, produits en plastique, équipements électriques, produits de maquillage), pour une valeur estimée autour de 22 milliards d’euros. Une deuxième salve était également prévue en mai.
Ursula von der Leyen a finalement annoncé jeudi 10 avril en fin de matinée la suspension, également pour 90 jours, de ces deux volets de mesures afin de« donner une chance aux négociations ». « Les travaux préparatoires sur d’autres contre-mesures se poursuivent, a-t-elle déclaré . Comme je l’ai déjà dit, toutes les options restent sur la table ».
« Nous avons reporté ce que nous avions prévu pour la semaine prochaine, a déclaré le porte-parole de l’UE Olof Gill selon le quotidien britannique The Guardian. Nous avions donc l’intention de publier l’acte juridique qui permettrait aux tarifs de s’appliquer la semaine prochaine, mais nous avons suspendu cette initiative. »
A suivre…
Sophie Creusillet
avec Christine Gilguy