La guerre commerciale annoncée par le retour de Donald Trump a commencé. Le président américain a signé le 1er février les décrets augmentant les droits de douane sur les marchandises en provenance de Chine, du Mexique et du Canada, trois pays fournissant 43 % de ses importations. L’Union européenne (UE) s’attend à subir le même sort dans les prochains jours et resserre les rangs.
Chose promise, chose due ! A partir de ce mardi 4 février, les importations américaines en provenance du Canada et du Mexique seront frappées de droits de douane de 25 % tandis que celles en provenance de Chine verront les leurs taxés de 10 % supplémentaires. Ces décrets ont été signés par Donald Trump en vertu d’une loi américaine de 2017, l’International Emergency Economic Powers Act, autorisant le président des États-Unis à prendre des mesures commerciales en cas d’urgence nationale.
Justin Trudeau, Premier ministre démissionnaire du Canada, principal partenaire commercial des États-Unis avec 2,7 milliards de dollars US (Md USD) de biens et services passant chaque jour la frontière, a d’ores et déjà annoncé sa « réplique ». A compter du 4 février, Ottawa va imposer une première série de droits de douane de 25 % sur une liste de produits américains représentant 30 Mds USD. A terme, la valeur totale des produits taxés sera de 105 Md USD (155 Md CAD, 102 Md EUR).
A noter que les nouvelles mesures douanières américaines ne concernent pas les hydrocarbures, taxées à seulement 10 %. « Si le président Trump veut inaugurer un nouvel âge d’or pour les États-Unis, la meilleure voie est de s’associer avec le Canada, et non de nous punir », a néanmoins déclaré Justin Trudeau lors d’une conférence de presse, selon France Info.
Côté chinois, le ministère du Commerce a annoncé dans un communiqué une riposte avec des mesures du même acabit afin de protéger les « droits et intérêts » du pays, mais sans précision sur les taux. « La Chine espère que les États-Unis vont objectivement et rationnellement regarder et s’occuper de leurs problèmes tels que le fentanyl, plutôt que de menacer à tout bout de champ d’autres pays avec des droits de douane », a ajouté le ministère, en référence à l’argumentaire trumpien justifiant ces mesures par la lutte contre les importations des composants de ce puissant opiacé. Pékin a annoncé par ailleurs que la Chine allait déposer plainte à l’OMC contre les États-Unis.
Quant au Mexique dont les cartels fabriquant le fentanyl sont dans le viseur de Washington, sa présidente Claudia Sheinbaum a également annoncé une hausse des taxes sur les importations de produits américains, sans donner plus de détails. Elle sera intégrée dans un plan pour protéger les intérêts économiques du pays. Elle a par ailleurs rejeté les accusations du président américain sur les liens entre le gouvernement mexicain et des narco-criminels.
Si elle perdure, cette guerre commerciale pourrait avoir des conséquences économiques catastrophiques sur le bloc nord-américain pourtant lié par un accord commercial, l’USMCA, que Donald Trump a lui même négocié. Le cabinet de conseil et d’analyse britannique Oxford Economics estimait en effet dans une note publiée il y a quelques semaines que ces surtaxes et les mesures de représailles qu’elles provoqueraient réduirait de 50 à 60 % les échanges intrarégionaux qui représentaient, en 2023, 1 500 milliards de dollars et 8 % des importations mondiales.
Les Européens cherchent à resserrer les liens
Si les Européens ont pour l’instant échappé à la tornade protectionniste américaine, ils s’attendent à subir le même sort au vu des déclarations agressives du président américain à l’encontre de l’UE. Bruxelles a mis en garde l’hôte de la Maison Blanche. Après avoir rappelé que « l’Union européenne est fermement convaincue que des droits de douane peu élevés favorisent la croissance et la stabilité économique », la Commission européenne a prévenu dans un communiqué le 2 février qu’elle « répondra avec fermeté à tout partenaire commercial qui imposerait de manière injuste ou arbitraire des droits de douane ».
« Nous devons entre Européens enfin être en capacité à jouer cette compétition économique mondiale à la hauteur de ce que notre puissance doit être […], et aussi être en capacité de répondre si une guerre commerciale venait effectivement à toute l’Europe », a déclaré le ministre délégué au Commerce extérieur Laurent Saint Martin le même jour sur l’antenne d ’Europe 1, à la veille de s’envoler pour Varsovie avec son collègue à l’Industrie Marc Ferracci pour assister à un conseil européen informel Commerce et compétitivité, sous présidence polonaise, les 3 et 4 février.
Les deux ministres français portent une proposition d’alignement des stratégies industrielles et commerciales de l’UE afin de renforcer sa capacité à défendre ses intérêts dans la compétition mondiale. La politique commerciale est en effet unifiée à l’échelle européenne alors que la politique industrielle relève encore largement de chaque État membre. La dernière proposition de feuille de route de la Commission européenne « Boussole de compétitivité » va dans ce sens.
Dans l’immédiat, face à la politique commerciale agressive de Donald Trump, la France soutient une réponse ferme mais coordonnée et unie du bloc européen. L’UE doit « se faire respecter et donc réagir », a notamment déclaré Emmanuel Macron le 3 février, à son arrivée à Bruxelles pour participer à une réunion informelle des chefs d’États et de gouvernement de l’UE.
La relation transatlantique sera le sujet central des échanges des ministres du Commerce et de l’Industrie à Varsovie le 3 février après-midi, et l’on s’attend à ce qu’elle soit l’occasion de faire un tour de table des positions de chaque États membre sur la riposte que doit préparer Bruxelles. Concernant la France, Laurent Saint Martin défendra l’idée d’une position de négociation « sans naïveté ». Autrement dit, tenter de négocier un accord mais riposter immédiatement par l’arme tarifaire si la démarche échoue.
SC avec CG