« L’Espagne n’est pas l’Irlande », affirment en chœur, et avec véhémence, les économistes espagnols lorsqu’on les interroge sur la situation de l’économie espagnole.
Ils font valoir que le poids de la dette publique n’est pas excessif (64 % du PIB), que la facture des intérêts est modeste (2 % du PIB) et que les banques espagnoles ont fait un gros effort en matière de provisions. Et l’État a commencé à remettre de l’ordre dans ses comptes : le déficit public est équivalent à 9,2 % du PIB en 2010, contre 11,1 % en 2009. « Le processus d’ajustement des finances publiques a été engagé et le déficit public ne va pas augmenter à nouveau », explique Maria Jesus Fernandez Sanchez, analyste chez Funcas (Fundacion de las Cajas de Ahorros, Fondation des caisses d’épargne). La Banque d’Espagne table sur 6,2 % en 2011 et 5,2 % en 2012.
Le vrai souci concerne l’économie réelle. Le niveau élevé du chômage (plus de 20 % de la population active) et la crainte de l’avenir poussent les ménages à épargner et à restreindre les dépenses. Un des secteurs les plus touchés est l’automobile. Les ventes de voitures particulières ont baissé de 41 % pendant la période 2008-2009 pour redescendre en dessous du million d’unités. La reprise observée en 2010 (+ 3,1 %) a fait long feu avec une chute de 27,3 % pendant le premier trimestre de 2011. L’Anfac, le syndicat professionnel des constructeurs espagnols, table sur un recul de près de 10 % sur l’ensemble de l’année.
La situation est encore plus difficile dans la construction immobilière. David Taguas, le président de Seopan, l’association qui réunit les majors du BTP, a prévenu début mars qu’il y aurait encore « trois années de récession » dans la construction. Le plan de concessions, annoncé en avril 2010 et censé amortir le choc, n’a encore donné lieu à aucune adjudication. De plus, le logement reste en berne en raison d’un surplus de logements estimé entre 750 000 et 1 million d’unités. « La baisse de la consommation de ciment devrait être de l’ordre de 10 % en 2011 », dit-on chez Oficemen, le syndicat professionnel des cimentiers.
La situation est plus favorable dans les services qui a légèrement progressé en 2010 (+ 0,5 %), alors que le PIB a stagné (- 0,1 %). Le groupe Copel, par exemple, qui a lancé en 2003 un système de carte de paiement rechargeable pour les repas, Buen Menu, un concurrent du ticket-restaurant classique, a gagné de nouveaux utilisateurs en 2010. « Notre produit est attrayant car il apporte une réelle économie pour les entreprises », explique Guillermo Perez, directeur du groupe Copel. Fort de ce succès, le groupe va lancer prochainement une carte « Bon Menu » en France.
D’autres services connaissent le même essor.
Si la situation de l’économie est plus contrastée qu’il n’y paraît, les perspectives de croissance globale de l’économie demeurent modestes. La Banque d’Espagne, l’organisme le plus crédible en matière de prévisions économiques, table sur une progression du PIB de 0,8 % en 2011 et de 1,5 % en 2012. Résultat, le taux de chômage devrait encore rester élevé pendant plusieurs années et atteindre encore 17 % en 2105 selon Funcas. Une perspective qui inquiète les constructeurs d’automobiles. « Actuellement, 87 % de la production d’automobiles est exportée. Un marché domestique solide est indispensable pour le maintien des usines dans la péninsule », affirme un porte-parole d’Anfac.
Daniel Solano
De la télé-assistance à la logistique
Parmi les marchés de services en hausse en Espagne actuellement, la télé-assistance connaît un certain essor en raison du vieillissement de la population : 11,5 % en 2010, à 1,3 milliard d’euros selon le consultant DBK. Le marché des services énergétiques a crû de 15 % en 2010 et la hausse devrait encore s’accélérer en 2011 (+ 20 %). Autre secteur en expansion : la logistique avec, notamment, des projets de nouveaux parcs liés aux ports (Valence, Gijón, Algésiras, La Corogne, etc.).
D. S.