Les déboires d’Erai (Entreprises Rhône-Alpes International), qui, faute de subventions régionales, a évité de peu la liquidation immédiate en étant placé en redressement judiciaire le 14 avril, ne sont pas une première dans les écosystèmes régionaux français du soutien au commerce extérieur. On connaît au moins deux précédents ayant conduit à la disparition ou à la profonde transformation des structures concernées, voire à la poursuite de leurs dirigeants, mêlant dérives financières et règlements de comptes politique locaux, en Languedoc Roussillon et en Bretagne. Mais c’est à croire que les leçons de ces histoires n’ont pas franchi les frontières de ces deux régions.
Feu Prodexport et la Mirceb
Pour le Languedoc Roussillon, l’affaire vient de connaître son épilogue 10 ans après son début. Le tribunal de Montpellier a requis le 16 mars dernier 3 ans de prison avec sursis et 150000 euros d’amendes pour l’ancien directeur de la société d’économie mixte (SEM) Prodexport, Philippe de Pouzillac, sa femme écopant d’une amende de 75000 euros*. On est loin des 50 millions d’euros réclamés en son temps par feu Georges Frêche, ancien président de la Région, mais l’opacité de la gestion de la structure et ses dérives sont sérieusement épinglées…
Pour rappel, les débuts de l’affaire remontent aux années 2000, dans le contexte d’une succession tumultueuse à la tête de la Région entre Jacques Blanc (UMP) et Georges Frêche (PS), ce dernier étant sorti vainqueur des élections régionales de 2004. Dans le courant de l’année 2006, la gestion de Prodexport, présidée durant 18 ans par Jacques Blanc et dirigée durant la même période par l’un de ses proches, Philippe de Pouzillac, et sa femme, est épinglé par un rapport de la Cours régionale des comptes dont les bonnes feuilles de la version préliminaire sont étalées dans la presse locale. L’année précédente, plusieurs plaintes avaient été déposées sous l’impulsion de la nouvelle administration régionale, dont une au pénal « pour abus de biens sociaux, faux et usages de faux » émane alors de Sud de France (devenue Sud de France développement), nouvelle SEM créée à l’époque pour promouvoir les produits régionaux. C’est cette dernière qui vient de connaître son ultime aboutissement…
Pour la Bretagne, l’histoire est moins scabreuse mais aboutit tout de même à la refonte de la Mirceb (Mission régionale du commerce extérieur breton). Après avoir été créée dans les année 80 par le Conseil régional de l’époque pour soutenir les PME et PMI bretonnes à l’export, elle connut certaines dérives de gestion qui conduisirent à un sérieux recadrage 20 ans après.
En 1998, son budget annuel atteignait 15 millions de francs (un peu plus de 2,2 millions d’euros) pour 17 salariés et un réseau de 15 bureaux à l’étranger animés par des consultants extérieurs rémunérés à la vacation, lorsque le Parquet de Rennes déclencha une information judiciaire sur sa gestion. La direction fut à l’époque épinglée. Le nouveau départ eut lieu en 2003, sous le nom de Bretagne international, agence qui a ensuite fusionné avec le réseau CCI International de la CCI de région pour créer, en 2013, Bretagne Commerce International**.
Erai dans l’attente des offres
Que va-t-il se passer pour Erai et ses dirigeants ? Rappelons qu’un audit de la Cours régionale des comptes lancé l’été dernier à la demande des élus écologistes d’EELV et de l’OSCI (Opérateurs spécialisés du commerce international), est en cours et que les résultats de l’audit conduit par le cabinet Scorex pour le compte de la Région commencent à faire l’objet de fuites dans la presse régionale, épinglant des pratiques de gestion sujettes à caution***. Rien que les avances remboursables dues à la Région atteignent 3,2 millions d’euros.
Pour ce qui concerne la procédure de redressement judiciaire, seul le projet de reprise partielle des activités d’Erai par l’Ardi (Agence régionale du développement et de l’innovation) et des sociétés privées d’accompagnement, porté par Jean-Louis Gagnaire, le vice-président de la région chargé du Développement économique, est connu****. Il nécessite un accord politique des Verts d’EELV. Pour sa part, l’entrepreneur Bruno Rousset, à la tête de la société d’investissement Evolem, également fondateur du groupe d’assurance April, cité par les dirigeants d’Erai comme intéressé par le dossier, n’a pas dévoilé publiquement ses intentions. Ils n’a pas répondu aux sollicitations de la Lettre confidentielle. L’administrateur judiciaire nommé par le Tribunal de Grande Instance (TGI) a donné rendez-vous le 18 mai aux porteurs de projets de reprise partielle ou complète d’activités avant l’audience du 9 juin.
C.G
* Lire notamment : Bretagne : la Mirceb est dans le collimateur de la justice
**Lire notamment sur www.midilibre.fr : Prodexport : 3 ans avec sursis, 150 000 € d’amende requis contre de Pouzilhac
***Lire notamment sur www.lejournaldesentreprises.com : ERAI. Entre gestion contestée et jeu politique, les raisons du crash
****Lire notre dernier article : Spécial Rhône-Alpes : la Région pousse son projet de reprise partielle d’Erai par l’Ardi