Taxer le carbone aux frontières pour réconcilier le commerce et le climat serait inefficace et sans doute contreproductif. « Le problème n’est pas le libre-échange, mais qu’on ne tarifie pas bien le carbone », a lancé d’entrée Lionel Fontagné (notre photo, en compagnie de la présidente déléguée du CAE, Agnès Bénassy-Quéré), spécialiste du commerce international, lors d’une présentation de la note du Conseil d’analyse économique (CAE) « Commerce et climat : pour une réconciliation », réalisée pour Matignon avec deux autres économistes Katheline Schubert et Dominique Bureau*.
Démonstration à l’appui : « Si vous décidez de porter à 17 % au lieu de 4 à 5 % les droits douane sur les biens manufacturés (hors agroalimentaire), vous ne réduirez les émissions de carbone que de 3,5 % à l’horizon 2030, a exposé Lionel Fontagné. Ce sera d’autant plus inefficace que çà coûtera cher, environ 1,8 % du produit intérieur brut (PIB) de la planète ».
Les auteurs de la note font valoir que rien que l’application de l’Accord de Paris, trouvé dans le cadre de la Cop 21, va permettre de diminuer de 31 % les émissions, un effort dont le coût sera inférieur, puisque le PIB mondial sera amputé de 1,2 %. Mais ils prônent une autre solution qu’ils présentent comme plus efficace encore. Ce serait même la seule laissant espérer un réchauffement climatique limité à deux degrés en s’alignant sur les objectifs de l’Union européenne (UE), c’est-à-dire abaisser de 40 % les émissions.
Quelle chance de convaincre les États-Unis ?
Pour y parvenir, il faudrait constituer un club des principaux émetteurs avec une taille suffisante, en l’occurrence, l’UE, la Chine et les États-Unis, qui représentent ensemble 55 % de toutes les émissions, puis d’appliquer à ceux qui n’adhèrent pas au club une taxe de 2 %.
Ce dispositif serait compatible avec l’article 20 de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), puisque « dans ce cas, a précisé Lionel Fontagné, les participants ne gagneront rien, ce sont les autres qui perdront ». Ainsi, à l’Inde, çà coûterait 0,2 à 0,3 % de PIB. Tous les produits seraient touchés, y compris les produits verts.
« Un effort un peu moindre serait demandé à la Chine, car depuis des années nous avons transféré une partie de nos émissions chez elle », a souligné Lionel Fontagné, qui a reconnu, néanmoins, que « si les États-Unis ne voulaient pas s’associer, alors la Chine ne le ferait pas non plus » et qu’il faut donc convaincre les deux.
Alors que Le Moci lui faisait remarquer que les premières indications données par le nouveau président américain Donald Trump n’étaient pas favorables à un tel engagement, la présidente déléguée du CAE, Agnès Bénassy-Quéré, a pris la parole pour rappeler que les préconisations du CAE « ne s’inscrivaient pas dans le court terme ». Certes, a-t-elle repris, « avant c’était la Chine, aujourd’hui ce sont les États-Unis qui ne sont pas dans l’état d’esprit ». Mais qu’en sera-t-il demain ? Dans deux ans, la donne pourrait changer à l’occasion des élections des deux chambres du Congrès, se déroulant traditionnellement à mi-mandat du chef de l’État.
François Pargny
*Notre n°37, janvier 2017- Le document Pdf est téléchargeable dans le module « Etudes et rapports » de notre site au lien suivant : Commerce et climat, pour une réconciliation (Note d’analyse du CAE)