Issue le 1er janvier 2015 de la fusion entre Ubifrance et l’Agence française pour les investissements internationaux (Afii), Business France s’impose comme l’opérateur d’État pivot du dispositif d’internationalisation de l’économie française et de ses entreprises. Sa feuille de route est aujourd’hui clairement tracée : son conseil d’administration a été installé et son contrat d’objectifs et de performances (COP) 2015-2017 signé par ses trois ministères de tutelle début juillet. Le moment est donc propice, pour Muriel Pénicaud, sa directrice générale, de répondre en exclusivité aux questions du Moci pour en dire plus sur cette feuille de route dans le domaine des soutiens à l’export, et dresser un premier bilan des nouveaux partenariats engagés avec les réseaux consulaires et les autres acteurs de l’Équipe de France à l’export pour simplifier le dispositif et parvenir à un parcours de l’export unifié.
Le Moci. Le contrat d’objectifs et de performances (COP) liant la nouvelle agence Business France à l’État sur la période 2015-2017 a été signé en juillet. Pour quelles raisons cette signature, que vous attendiez au premier trimestre de cette année, a-t-elle pris du retard ? Le fait d’avoir trois ministères de tutelle n’a-t-il pas ralenti le processus ?
Muriel Pénicaud. Il n’y a pas eu de retard puisque nous nous étions fixé comme objectif l’été 2015. La nouvelle entité issue de la fusion est en place depuis le 1er janvier. Six mois pour préparer et négocier un COP, le conclure et le faire valider par un nouveau conseil d’administration, c’est un délai normal. D’autant que nous souhaitions effectuer un travail préalable pour établir un modèle économique robuste pour Business France. Nous avons travaillé en profondeur sur cette dimension pour bien comprendre toutes les variables et définir les bons instruments de pilotage de la nouvelle entité. La négociation des objectifs n’est que la partie émergée de l’iceberg. Le fait d’avoir trois ministres de tutelle n’a pas retardé la négociation : nous avions un groupe de travail commun, de sorte que les sujets ont été traités au fur et à mesure.
Le Moci. Peut-on en savoir plus sur ce nouveau modèle économique ?
M. P. Nous ne faisons pas que mettre deux agences côte à côte, nous les fusionnons. Il y a bien sûr les fonctions transversales, mais aussi le développement d’offres communes. Un exemple : 20 000 entreprises étrangères sont implantées en France, elles représentent le tiers de l’export français. Pour soutenir l’export français, il faut d’abord et avant tout aider les PME et ETI françaises, mais il est intéressant aussi d’attirer des investisseurs étrangers qui sont prêts à exporter depuis la France vers l’Europe et l’Afrique et de les y aider. Voilà une offre commune que nos équipes export et Invest peuvent élaborer. Dans le modèle économique, il y a donc des éléments nouveaux qui n’existaient pas avant et qui du coup modifient certaines variables.
Le Moci. Quels sont les principaux objectifs qui vous sont fixés dans le cadre de ce COP, en particulier pour le soutien à l’export, qui intéresse particulièrement nos entreprises ?
M. P. Je souhaite rappeler d’abord que Business France a pour mission l’internationalisation de l’économie française, à travers trois leviers : l’accompagnement des entreprises françaises, principalement des PME et ETI, à l’export ; l’attractivité de la France vis-à-vis des investisseurs étrangers ; et une mission nouvelle : la promotion de l’image économique de la France à l’international.
Nous avons des objectifs dans chaque métier, dont trois à l’export, et des objectifs transversaux. En matière d’accompagnement à l’export, nous avons un premier objectif de maintien du nombre très significatif d’entreprises accompagnées chaque année : au moins 9 400 entreprises distinctes par an. Mais notre but, c’est qu’elles transforment l’essai, qu’elles signent des contrats ou décrochent des commandes : nous nous sommes donc engagés sur un taux de réalisation de 40 %. Dans le COP précédent nous étions à 35 %, c’est un saut qualitatif important. Car il ne s’agit pas simplement de nouer des contacts et des partenariats commerciaux – dans ce domaine nous sommes proches d’un taux de 80 % – mais de développer de nouveaux business à l’export. Cela signifie concrètement que nous visons 11 000 nouveaux courants d’affaires sur la période 2015-2017.
Le deuxième objectif est relatif au soutien des PME et ETI de croissance, que nous assurons en partenariat avec Bpifrance et Coface dans le cadre d’une mission qui nous a été fixée par le Pacte de compétitivité. C’est un partenariat efficace et dynamique. Il s’agit de véritablement booster des entreprises pour leur permettre de devenir des champions à l’international et pas simplement des PME qui réussissent bien et qui font un peu d’export. 500 entreprises ont déjà démarré des plans d’action à l’international grâce à ce dispositif et nous ambitionnons un total de 1000 plans d’action démarrés à décembre 2017. L’objectif est ambitieux car il s’agit vraiment de permettre aux PME de devenir des ETI, et aux ETI de devenir des champions internationaux. C’est ce dont nous manquons le plus en France : nous n’avons que 4 500 ETI aujourd’hui, ce qui est très peu comparé à l’Allemagne ou l’Italie, mais elles réalisent 35 % des exportations de la France.
Troisième grand objectif : les V.I.E (volontaires internationaux en entreprises). Sur ce point, nous avons une très grande ambition : atteindre 10 000 V.I.E en poste d’ici 2017, dont au moins 4 000 dans des PME et ETI. En 2014 ils étaient 8 413. Cela peut paraître une faible augmentation, mais dans les faits, nous repartons de zéro tous les 18 mois, le temps que dure en moyenne une mission V.I.E. C’est un très gros challenge, pas pour trouver les jeunes, puisque nous dénombrons 65 000 candidats, mais pour convaincre plus de PME et d’ETI, car ce dispositif, simple d’usage et efficace pour démarrer ou développer l’export, est vraiment fait pour elles, et que le recrutement des grands groupes stagne. 4 000 V.I.E en poste dans les PME et ETI, cela signifie 60 à 70 % de PME et ETI parmi les entreprises utilisatrices du V.I.E.
Le Moci. On vous a vu lancer un vibrant appel à l’aide aux CCEF sur le V.I.E, comment comptez-vous vous y prendre pour atteindre l’objectif ?
M. P. Je vois tous les jours des PME qui ne connaissent pas le V.I.E. En ce moment, nous travaillons particulièrement sur l’export de l’élevage : dans ce secteur, il y a zéro V.I.E. Et dans tout l’agroalimentaire, il n’y en a que 250 ! Des pans entiers de secteurs économiques ne connaissent toujours pas ce dispositif malgré les efforts de promotion depuis des années. Les jeunes, eux le connaissent. Nous avons vraiment besoin de la mobilisation de tous ceux qui travaillent avec les PME, et je ne manque pas une occasion de demander le soutien de nos partenaires, qu’il s’agisse des chambres de commerce et d’industrie (CCI), des conseillers du commerce extérieur (CCEF), de la CGPME, du MEDEF, de Pacte PME, ou encore de l’APEC, qui se sont tous engagés à promouvoir le dispositif. Il faut multiplier les occasions de parler des V.I.E.
Le Moci. En ce qui concerne les moyens, en début d’année, vous aviez fait part de votre confiance dans le fait que les ressources ne seraient pas diminuées, soit un peu moins de 200 millions pour les deux agences cumulées. C’est le cas dans le COP ?
M. P. Je précise que les un peu moins de 200 millions d’euros incluent nos ressources propres, la part des dotations de l’État votée par la loi de Finances étant de 108 millions sur ce total. Notre trajectoire triennale est soumise à examen budgétaire chaque année. En ce qui concerne la dotation, nous avons subi des ajustements non prévus, tous les opérateurs de l’État ayant été mis à contribution pour participer à des dépenses nouvelles liées en particulier à l’augmentation du budget de la sécurité après les attentats de janvier. Il est normal que nous participions à cet effort collectif. Le chiffre définitif devrait par conséquent être inférieur à 108 millions d’euros.
En revanche, nous avons eu confirmation du maintien de la dotation exceptionnelle de 5 millions d’euros pour financer les frais de fusion, ce qui est important car une fusion entraîne notamment des coûts RH, de communication et de systèmes d’information qui ne sont pas négligeables. Nos tutelles nous ont par ailleurs confirmé le maintien de la trajectoire sur les ETP (équivalents temps plein), un élément essentiel et positif pour nous puisqu’à fin 2017, nous serons 1 500 personnes dans le monde chez Business France, contre 1 535 avant la fusion. Il est logique que nous trouvions quelques synergies dans les fonctions support, mais les deux ex-agences fusionnées faisant des métiers différents, les synergies sont beaucoup plus sur la valeur ajoutée pour les entreprises que sur les coûts.
Le Moci. Quels sont les principaux changements dans le réseau international, quels sont les zones ou les pays où vous allez renforcer votre présence ?
M. P. Avant la fusion, Ubifrance était présent dans 70 pays et l’Afii dans 22 – 16 en propre et 6 par délégation aux chefs des services économiques (CSE) –, les deux agences se retrouvant dans les mêmes grands pays. C’est un des avantages de la fusion : le réseau géographique, compte désormais 70 pays Business France.
Pour Invest, nous avons estimé à une quarantaine le nombre de pays où il existe un potentiel significatif, incluant les 22 où l’agence était déjà présente. Nous avons fusionné les deux agences dès les 1er janvier, mais c’est au 1er septembre, que nous avons réellement fusionné les réseaux dans les 70 pays car nous attendions le mouvement de mi-année pour tenir compte au mieux des contraintes familiales de nos directeurs. Depuis quelques jours, à l’exception de quelques dossiers immobiliers en cours, les équipes sont regroupées dans les mêmes locaux, dans les capitales économiques, le plus souvent au sein des ambassades ou des consulats. Il y a donc un patron Business France dans chaque pays. Dans les grands pays où il y avait une équipe Invest, le directeur est issu d’un des deux métiers, pas toujours de l’export, et il a un adjoint qui vient de l’autre métier. Ce qui fait que nous avons zéro perte en ligne dans les compétences métiers.
Nous avons par ailleurs établi un hub régional dans plusieurs zones géographiques pour que, dans les pays où Invest n’est pas présent, les équipes de l’export puissent contribuer à repérer les opportunités et passer ensuite le relais à leurs collègues Invest. De la même façon, les équipes Invest pourront prospecter des investisseurs étrangers qui seraient intéressés à exporter depuis la France et passer le relais à leurs collègues de l’export. À nombre égal, cela fait déjà un plus significatif.
Au-delà de notre réseau, nous avons aussi passé un accord avec la Direction générale du Trésor pour trentaine de pays où il n’existe pas de bureau Business France et pour une vingtaine d’autres pays où il existe un bureau Business France sans équipe Invest dédiée. Dans ces pays le conseiller économique peut être un prospecteur (en coordination et en liaison avec le bureau Business France de son pays lorsqu’il existe) et passer le relais au hub régional d’Invest pour la suite. Enfin (et surtout), les ambassadeurs sont très mobilisés sur le sujet dans le cadre de la diplomatie économique, nous en avons beaucoup discuté lors de la semaine des ambassadeurs fin août. Ils ouvrent des portes à haut niveau chez les investisseurs et vont aussi mieux valoriser les activités export.
En terme d’évolution géographique, ce que nous souhaitons renforcer peu à peu, c’est évidemment l’Afrique, qui représente une énorme opportunité de croissance, le Moyen Orient, l’Asie du sud-est et l’Amérique latine car nous étions très forts historiquement en Europe, en Amérique du nord, en Chine et au Japon, et moins ailleurs. Il y aura dont un petit glissement dans les prochaines années, avec un peu moins d’Europe, et un peu plus de nouveaux pays émergents, mais il s’agit d’une évolution que nous ferons étape par étape, il ne s’agira pas d’un bouleversement massif car l’Europe représente encore 60 % de nos exportations et constitue une très bonne première marche à l’export pour les PME et ETI.
Le Moci. Par exemple sur l’Afrique, y a-t-il des ouvertures prévues avant la fin de l’année ?
M. P. Il y aura deux nouveaux bureaux ouverts en Afrique d’ici la fin de l’année… Mais je ne peux encore pour révéler où.
Le Moci. Et dans l’Asean ou le Moyen Orient ?
M. P. L’Asean nous y sommes déjà, il s’agit d’un renforcement des équipes. Singapour sera le hub régional pour Invest. Nous sommes également déjà présents au Moyen Orient, aux Émirats Arabes Unis, en Arabie saoudite, au Koweït, et au Qatar. À propos des pays du Golfe, mais aussi de places financières comme Singapour ou New York, nous allons créer une fonction pour les investissements financiers qui n’existait pas chez Invest, jusqu’à présent uniquement orienté vers les investissements directs étrangers. L’idée est d’intéresser les fonds souverains et les fonds d’investissements à investir en France, en liaison avec tous les organismes concernés.
Le Moci. Et l’Iran ?
M. P. C’est à l’étude… et nous avons déjà de nombreuses entreprises qui sont prêtes, autrement dit nous avons déjà le carnet de commandes !
Le Moci. Passons à l’Équipe de France de l’export. La mise en œuvre concrète de la convention-cadre de partenariat signée avec CCI International et CCI France International le 11 mars dernier sous l’égide de Matthias Fekl ne se passe pas très bien à l’étranger, avec les CCI françaises à l’international (CCIFI). Ni vous ni les CCIFI ne semblent vouloir communiquer sur les conventions déjà signées. À quand les premières annonces officielles de conventions pays ?
M. P. J’aimerais faire un point sur cet accord important. Il y a deux sujets : d’une part les CCI en France, qui sont des établissements publics, et d’autre part les CCI à l’étranger qui sont, elles, des organismes privés indépendants et autonomes. Nous avons établi un accord-cadre avec Arnaud Vaissié, président de CCI France International, qui représente les CCIFI, et Jean-François Gendron, président de CCI International, pour les CCI en France. À l’étranger, c’est chambre par chambre, pays par pays qu’il nous faut décliner cet accord-cadre et signer une convention qui précise comment nous allons nous organiser. En France, un plan d’action commun est en voie d’être finalisé avec chacune des chambres régionales.
Vous dites que cela s’est mal passé à l’international, non, il y avait des CCI pour, d’autres contre, mais dans la majorité des cas, ça se passe dans un esprit positif. Nous avons déjà signé une douzaine de conventions, dont beaucoup dans des pays majeurs : Allemagne, Chine, Pologne, Indonésie, Ukraine, Australie, Autriche, Côte d’Ivoire, Suède, Roumanie, République Tchèque, Israël. Nous sommes en discussions très avancées dans une douzaine d’autres pays avec des perspectives d’accord à très court terme. Il y a quelques pays où ce sera plus compliqué. Aux États-Unis par exemple, il y a quasiment une chambre par grande ville. Nous pourrions établir une convention États-Unis mais elle aurait peut-être moins de portée, nous en discutons. Et il y a quelques pays où c’est encore en discussion.
En fait le cœur de ce que nous avons voulu mettre en œuvre avec Jean-François Gendron et Arnaud Vaissié, c’est un principe de complémentarité et de spécialisation pour construire un parcours de l’export simple et unifié pour les entreprises. Car franchement nous nous marchions sur les pieds et cela devenait ridicule, dommageable et illisible pour les PME. Déjà nous constatons des améliorations. Ce principe a été bien accepté. J’ai parlé (Ndlr : le 29 juin, à l’occasion de leur assemblée générale à Paris) devant tous les présidents et directeurs des CCIFI, je ne me suis pas fait huer ! Notre débat a été intense et fructueux.
Le Moci. Quelle est votre vision de ce parcours de l’export ?
M. P. Les CCI en France, c’est la base de lancement, car elles ont le réseau capillaire, à proximité des PME, elles sont les mieux placées pour leur fournir la première information, le premier conseil stratégique en matière d’export, la première qualification, le soutien à la structuration pour se préparer à l’international.
Ensuite Business France a un rôle d’amorçage, centré marché/client et BtoB. Business France a pour mission de faire réussir les entreprises sur les marchés internationaux. Nous sommes les seuls à pouvoir projeter dans 70 pays plus de 9 000 entreprises par an et à pouvoir les aider aussi bien à travers des opérations collectives sectorielles ad hoc ou sur les 150 plus grands salons mondiaux, des études de marché, et des rencontres BtoB qualifiées avec des partenaires, importateurs et distributeurs, qu’au travers d’un accompagnement commercial individuel sur mesure, que nous développons de plus en plus. Nous assurons 4 000 accompagnements individuels de ce type chaque année.
Ensuite, après l’amorçage, quand l’entreprise a décroché des contrats commerciaux, vient l’étape de l’ancrage dans le pays et je considère que ce n’est pas le travail de Business France. Dans le cadre de notre accord il y a encore des petits ajustements à faire car nous traitions marginalement cet aspect. C’est vraiment le métier des CCIFI, des OSCI, des entreprises et organismes privés, avec les juristes, les fiscalistes, les spécialistes RH et de la gestion. Ce sont ces acteurs qui peuvent aider une entreprise à se domicilier, s’implanter, puis à grandir dans le pays. Notre but est que tout l’écosystème public et privé se développe ensemble et soit performant dans son accompagnement des PME et ETI.
C’est cela le cœur de ce que nous avons signé. Nous avons prévu de commencer par nous concentrer sur 3 000 entreprises qui vont pouvoir bénéficier de ce parcours à l’export complet et cohérent grâce à la coopération de tous les acteurs.
Le Moci. Ce sont les ajustements qui ont été difficiles ?
M. P. Il y a des pays où cela a été plus facile de conclure un accord parce que cette spécialisation était déjà dans la logique des acteurs et n’a donc pas nécessité beaucoup d’ajustements. Dans d’autres pays, les acteurs n’étaient pas dans cette logique mais en ont bien compris l’intérêt : des efforts ont été fournis de part et d’autre, les ajustements sont réalisés ou en cours. Pour résumer, nous faisons moins d’amont et moins d’aval, et les chambres font plus d’amont et plus d’aval et moins de milieu de parcours. Et enfin il y a des pays où il y avait des doublons, avec des enjeux financiers pour Business France et pour nos partenaires : il faut un peu de temps pour vérifier que les nouvelles affaires que l’on va générer, comme par exemple l’hébergement de V.I.E, permettra de s’intégrer dans leur modèle économique et le nôtre.
Pour donner un exemple concret d’ajustement, Business France ne fera plus d’hébergement d’entreprises, ce sera aux chambres de commerces et aux autres organismes privés d’assurer ce service. Et notre activité d’opérateur public, je tiens à le rappeler, va générer de l’activité pour ces acteurs du secteur privé. Opposer le public et le privé, dans le domaine de l’accompagnement export, est un faux débat. Il y a 60 pays où Business France et les chambres de commerce co-existent, et nous estimons à 10 ou 15 le nombre de cas compliqués, soit pour des raisons de modèle économique, soit pour des raisons de personnes, soit encore parce qu’il n’est pas facile de changer d’habitudes. Dans ces pays, les ambassadeurs, qui ont été missionnés par Laurent Fabius pour faire converger les différents acteurs, nous aident beaucoup.
Le Moci. Pourquoi de pas communiquer sur les conventions déjà signées ?
M. P. Un bilan est prévu au prochain Conseil stratégique de l’export (CSE) en octobre, et je suis sûre que le secrétaire d’État au Commerce Extérieur, Matthias Fekl, qui préside le CSE, va communiquer à cette occasion.
L’objectif qui nous a été fixé est d’avoir terminé à la fin de l’année. Ce point à octobre sera important car il permettra de déterminer les endroits où il faut redoubler d’efforts pour que les choses avancent.
Le Moci. Les délégations de service public (DSP) vont-elles tomber en désuétude ?
M. P. Dans la pratique, il y a très peu de pays où des DSP ont été mises en place. L’une d’elles va demeurer à long terme, c’est certain : celle au Maroc avec la Chambre de commerce et d’industrie française au Maroc (CCIFM), parce qu’elle a 105 ans, qu’elle est très implantée et dynamique. Nous venons de renouveler des DSP dans plusieurs pays, mais leur nombre reste marginal. La logique de notre accord avec les chambres, qui couvre l’amont et l’aval de la chaîne de l’export, est de se passer le relais de façon fluide entre les différents acteurs. Nous avons d’ailleurs déjà, hors DSP, une cinquantaine de pays suivis à distance via des accords avec différents partenaires : sociétés privées d’accompagnement à l’international, relais via les services de l’ambassade, chambres de commerce françaises à l’étranger… Marginalement, nous pourrions envisager au cas par cas, des DSP dans des pays où nous ne sommes pas présents et où il existe une chambre de commerce française dynamique.
Le Moci. Avec les CCI en France, l’accord a suscité moins de remous, semble-t-il. Où en est-on ?
M. P. En France, il s’agit plus d’un plan d’action que d’une convention au sens strict du terme. Nos directeurs régionaux sont actuellement en train de définir les plans d’actions pour chaque Région avec leurs interlocuteurs de CCI International. Ça se passe bien. À ce jour, nous avons convergé sur l’objectif d’entreprises à mobiliser dans chaque région pour atteindre notre cible des 3 000 et nous discutons avec les collectivités régionales des filières et types d’entreprises qui seront approchées prioritairement en cohérence avec les priorités des PRIE (Plans régionaux d’internationalisation des entreprises). C’est bien le sens de l’accord que nous avons signé fin juin avec l’ARF (Association des régions de France).
Le Moci. Et avec Sopexa, où en êtes-vous ?
M. P. Le Premier ministre a annoncé publiquement aux ambassadeurs le 26 août que les activités de Sopexa en délégation de service public (DSP) vont rejoindre Business France. La décision de principe est donc prise, la Sopexa va maintenant consulter son conseil d’administration. Cela devrait se faire en deux étapes : une première partie en janvier 2016 qui concernerait les mini-expositions et autres opérations BtoB, et une deuxième partie en janvier 2017 qui concernerait les pavillons sur les salons. Les agents dédiés à ces activités chez Sopexa nous rejoindrons également. Nous allons travailler avec eux sur les modalités de ce transfert. Nous établirons une programmation commune et en 2017, les PME n’auront plus à se poser la question de « à qui je m’adresse ». Le paysage se simplifie, au bénéfice des entreprises.
Le Moci. C’est un énorme événement dans l’univers de l’export agroalimentaire.
M. P. Une petite révolution, car cela fait 10 ans qu’on en parle ! Et c’est une vraie bonne nouvelle car nous continuons à simplifier et rendre plus lisible l’écosystème d’acteurs. L’enjeu était très important pour nous : l’agroalimentaire pèse 20 % de l’activité export de Business France, ce qui correspond au poids de ce secteur dans la balance commerciale. Le département Agrotech, c’est 200 personnes dont 50 au siège à Paris et 150 dans le réseau international. Les équipes de Sopexa sont les bienvenues, elles font le même métier. Réunis en une seule entité la performance de l’ensemble sera encore meilleure. Le ministère de l’Agriculture et de l’Agro-alimentaire continuera à travailler sur d’autres types de sujets avec eux : Sopexa fait un travail magnifique dans le domaine du trade-marketing, du B to C, de la promotion publicitaire de produits. Tout ce qui concerne le B to B à l’export fera l’objet d’une convention entre le ministère et Business France.
Le Moci. En ce qui concerne les CCEF, il ne nous a pas échappé que vous avez fait entrer leur président Alain Bentejac à votre conseil d’administration au titre des personnes qualifiées. Vous les avez déjà appelés à l’aide pour les V.I.E. Vous souhaitez aller plus loin avec cette organisation ?
M. P. D’abord je souhaite souligner qu’Alain Bentéjac réalise un excellent travail de dynamisation du réseau, qui représente 4 000 conseillers bénévoles en France et à l’étranger. Il y a trois sujets sur lesquels nous sommes convenus de mieux travailler ensemble, dont deux sur l’export (mentoring et V.I.E) et un sur l’attractivité. Sur le volet export, les CCEF ont mis en place des correspondants PME qui vont faire la promotion du V.I.E et du mentoring de chefs d’entreprises que nous accompagnons à l’export et qui le souhaiteraient. Quelque 250 CCE se sont proposés pour cette action de mentoring. Avec les CCI, nous avons pensé que les 3 000 entreprises que nous allons suivre ensemble dans le cadre du parcours à l’export pourraient en bénéficier de façon privilégiée tant en France qu’à l’étranger. Les CCE, qui sont souvent cadres de haut niveau dans de grandes entreprises à l’étranger, pourraient aussi nous aider pour des solutions d’hébergement de V.I.E lorsque les capacités existantes dans les CCI sont saturées où inexistantes. Sur le volet attractivité, ils peuvent aussi nous aider en matière de promotion de l’image de la France.
Le Moci. Avec Bpifrance, vous faites énormément de choses. Dans le cadre du partenariat en bonne entente que vous souhaitez instaurer avec les CCI en France, les chargés d’affaires de Business France qui sont dans les locaux de Bpifrance en Région ne risquent-ils pas de faire doublon avec les conseillers des CCI ?
M. P. Je pense qu’il n’y a pas de doublons. Nos directeurs régionaux, localisés dans les chambres de commerce de région, assurent une interface permanente entre les conseillers consulaires et nos chargés d’affaires chez Bpifrance.
Ensuite, le Pacte de compétitivité a prévu ce partenariat avec Bpifrance pour une partie seulement des entreprises en France, celles qui ont le plus grand potentiel pour devenir rapidement et à grande échelle des champions de croissance à l’international. Il leur faut remplir des critères de taille – ce n’est pas la TPE –, avec un CA minimum de 50 millions d’euros, et trois années de croissance forte. Cela ne couvre pas, et de loin, l’ensemble du champ que nous adressons avec les CCI.
Deuxièmement, dans le cadre de notre accord avec les CCI, celles-ci peuvent tout à fait être source d’alimentation de ce dispositif très qualitatif. Il faut revenir au parcours de l’export, à la spécialisation des intervenants de l’amont à l’aval. Les discussions en cours dans les régions le montrent : je pense que les CCI pourront alimenter le « pipe ».
Le Moci. On a pu avoir l’impression, avec toutes les actions menées dans le cadre de la stratégie de l’État en faveur du numérique et des startups, sur lesquelles Business France mais aussi Bpifrance communiquent beaucoup et sont très allantes, qu’il y avait un abandon des entreprises des secteurs traditionnels. Est-ce juste une impression ou est-ce une tendance forte dans vos activités ?
M. P. Il y a plusieurs éléments de réponse. Le premier c’est que sur les 9 400 entreprises que nous accompagnons chaque année à l’export, quelques centaines sont des startups. Et le secteur Tech et Services, qui inclut les startups, représente 17,5 % de notre activité export. Autrement dit, l’agence ne consacre pas la majorité de ses moyens aux startups.
Le deuxième aspect, c’est que la France connaît actuellement une forte accélération dans le domaine des startups. Elles assurent un formidable bouillonnement d’énergie dans notre pays et c’est bien sûr le rôle de Business France de les faire réussir à l’international. C’est ce que nous faisons à travers des opérations emblématiques comme le CES à Las Vegas et des programmes d’immersion de startups aux États-Unis ou en Chine. J’ai signé au mois de juillet une convention avec la Caisse des Dépôts et Consignations sur les fonds du PIA (Programme d’Investissement d’Avenir) : Business France est désormais chargée de la promotion internationale de la French Tech. Nos trois équipes Export, Invest et Promotion concourent au succès de la French Tech, avec tous les partenaires dont la mission French Tech de la DGE, Bpifrance, les business angels, et les collectivités territoriales.
La troisième dimension, c’est que le marketing de ces opérations en direction des startups et le caractère innovant de ce que nous faisons dans ce domaine est nécessaire au développement des startups et suscite un vrai engouement.
Ubi i/o, notre programme d’accélération de startups, qui consiste à les immerger 10 semaines au cœur de la Sillicon Valley, par exemple, fait beaucoup de bruit parce que ça marche, que nous en faisons un bon marketing et que les médias adorent.
En outre, les startups elles-mêmes communiquent beaucoup, notamment sur les réseaux sociaux. Du coup, cela créée un mélange qui fait qu’entre nous Business France, nos partenaires comme Bpifrance et la Mission French Tech, les médias, le ministre Emmanuel Macron et la secrétaire d’État Axelle Lemaire qui sont très allants sur le sujet, les hauts parleurs sont multiples et puissants. Tout cela permet de rendre visible la vigueur de l’écosystème français des startups partout dans le monde et démontre à quel point ces jeunes pousses ont de la valeur. C’est énorme et c’est très utile pour le développement du numérique et de l’entrepreneuriat. Mais l’arbre ne doit pas cacher la forêt : il y a 9 000 entreprises qui travaillent dans des secteurs très différents et que Business France accompagne pour les faire réussir à l’international. Le sujet ce n’est pas d’en faire moins sur la French Tech, mais d’en faire autant dans tous les autres secteurs avec leurs spécificités.
Le Moci. Il y a une interrogation et une incompréhension récurrente de la part des entreprises, même expérimentées, sur pourquoi elles payent les prestations de Business France au prix du marché alors que l’agence touche une grosse subvention. Quelle est votre réponse ?
M. P. Premièrement, tous les pays développés disposent d’organismes publics équivalents à Business France, et qui facturent des services aux entreprises. Nous avons comparé le coût des prestations, nous sommes légèrement moins chers en général et par exemple que les Allemands qui fournissent ces prestations via les chambres de commerce.
Deuxième chose : la subvention sert de ticket modérateur pour nos missions de service public. Elle permet une atténuation des coûts pour les PME et ETI, mais pas une prise en charge totale. Les seuls que nous ne faisons pas payer, ce sont les investisseurs étrangers pour les convaincre de venir en France. Personne au monde n’a réussi à appliquer ce modèle !
En même temps, j’ai bien conscience qu’il y a une sensibilité prix importante, notamment pour les TPE et PME et qu’à un moment donné, il ne faut pas que ça aille plus loin, je suis très attentive à cela. C’est pour cela que dans le cadre du COP, au moment de la définition de notre modèle économique, nous avons prévu de stabiliser le prix des prestations pour les TPE et PME dans les trois ans qui viennent car il y a eu dans le passé de fortes augmentations. Pour elles, il y aura un ticket modérateur important. Pour les autres entreprises, les prix seront progressifs en fonction de la taille de l’entreprise. Lorsque nous intervenons en concurrence avec d’autres acteurs, nous devons facturer à l’entreprise l’ensemble de nos coûts.
En matière d’intérêt général, il faut trouver un équilibre entre ce que doit subventionner la puissance publique et ce que doit payer l’entreprise. Nous partions d’un niveau très bas ou quasi nul de contribution des entreprises. Certaines ont encore en mémoire la gratuité des prestations. Nous avons rattrapé le modèle des autres pays.
En même temps, relever le niveau des prix nous a forcés à être extrêmement exigeant sur la qualité et la performance de nos prestations. Plus aucun candidat à l’exportation aujourd’hui ne fait du tourisme d’affaires et le niveau de transformation des contacts en courants d’affaires augmente chaque année.
C’est un investissement pour la puissance publique, c’est aussi un investissement pour l’entreprise et le but est que ce co-investissement ait un retour en terme de business et courants d’affaires. Je pense que nous sommes arrivés, pour les TPE et PME, à un niveau de prix qui est acceptable et suffisant.
Le Moci. Aujourd’hui, Business France est-elle dotée de la comptabilité analytique permettant de tracer l’affectation des subventions ?
M. P. Nous travaillons sur ce sujet depuis un an et connaissons maintenant les coûts directs et indirects de nos prestations, nous permettant de les répercuter lorsque nous intervenons dans le domaine concurrentiel. Nous avons commencé les travaux dans le cadre du COP. Il ne s’agit pas seulement de se conformer à une obligation légale et de tracer les subventions, mais également de nous doter d’un outil de pilotage efficace. Cela nous a gêné de ne pas avoir de comptabilité analytique. Mais nous avons fait une sorte de photographie « à blanc » qui nous permet de connaître et de piloter nos coûts complets. Nous devons maintenant intégrer cette donnée dans notre système de gestion, comme d’autres éléments techniques liés à des changements réglementaires concernant les EPIC. Ce sera chose faite courant 2016.
Propos recueillis le 2 septembre par Christine Gilguy
Les chiffres clés de Business France
– Effectifs : 1 500 (500 en France, 1 000 à l’étranger) dont :
• export : 1 350
• Invest : 150 Invest.
– Réseaux internationaux : 85 bureaux dans 70 pays.
– Les hubs Invest : 14 hubs implantés à São Paulo, Düsseldorf, Stockholm, Varsovie, Bruxelles, Londres, Madrid, Johannesburg, Dubaï, Moscou, New Dheli, Singapour, Tokyo, Pékin.
– Répartition de l’activité export par grands secteurs : Agrotech : 23,8 % ; Art de Vivre et Santé : 22,7 % ; Industrie et Cleantechs : 27,7 % ; Tech et Services : 17,5 % ; Accès Marché : 4,2 % ;
Événements Spéciaux : 4,1 %.
– V.I.E (août 2015) : 8 600 V.I.E en poste dans 126 pays pour le compte de 1 836 entreprises.
Attractivité : le bilan et les objectifs du pôle Invest de Business France
Au titre des activités du pôle Invest, qui concerne l’attraction des investissements étrangers dans le secteur productif en France, le bilan 2014 fait état de 1 014 projets aboutis en 2014, en hausse de 8 % par rapport à 2013, dont 55 % ont été accompagnés par Business France. Ces projets ont créé 26 535 emplois pour l’année 2014, soit 19 décisions prises par les investisseurs étrangers par semaine.
Le contrat d’objectifs et de performances (COP) 2015-2017 pour l’activité Invest couvre les investissements étrangers mais aussi la promotion de l’image de la France.
Voici ceux pour les nouveaux investissements :
– objectif en termes de projets d’investissements détectés : 1 200 en 2015, 1 400 en 2016, 1 500 et 2017 ;
– nombre de projets d’investissements aboutis accompagnés par l’agence : 400 en 2015, 450 en 2016, 500 en 2017.