Lorenzo Cornuault est directeur du volontariat international en entreprise (V.I.E) et de l’établissement d’Ubifrance à Marseille.
Le Moci. Quels sont les objectifs que les pouvoirs publics ont fixés à Ubifrance en matière de V.I.E ?
Lorenzo Cornuault. Les objectifs fixés par les pouvoirs publics, à savoir 10 000 jeunes en poste fin 2011, n’ont pas été revus à la baisse, même s’ils demeurent très ambitieux. Et malgré la crise, plus de 6 300 sont en poste à ce jour. Pour accroître cet effectif, il nous faut convaincre de nouvelles entreprises de tenter l’expérience, même si elles sont moins structurées que les utilisateurs historiques.
Le Moci. Le bilan à ce jour est-il satisfaisant ?
Lorenzo Cornuault. Le V.I.E a très bien résisté et se prépare à la reprise attendue en 2010. 2009 aura été une année de croissance zéro, ce qui, sur un marché déprimé, est une performance positive. Les grands groupes ont réduit la voilure mais la baisse de recrutements qui en a résulté a été compensée par l’arrivée de PME qui ont utilisé la formule pour la première fois. Au total, 500 nouvelles sociétés auront utilisé le V.I.E pour la première fois cette année. Aujourd’hui, les PME représentent les deux tiers des utilisateurs, même si les grands groupes représentent 60 % en nombre de missions.
Ce résultat est le fruit d’un travail en profondeur qui nous a conduits à démontrer à chaque entreprise que le facteur humain est un élément différenciant de la compétitivité internationale, surtout s’il est mobilisé au
moment clé.
Le Moci. Comment le V.I.E peut-il aider une PME à accélérer son développement à l’international ?
Lorenzo Cornuault. À ne pas être en veille permanente auprès du client, on perd le lien avec lui. Le chef d’entreprise répond à des stimuli auxquels il est habitué. De ce fait, il risque d’allouer en France des ressources pour protéger des marchés qu’il connaît bien mais de ne pas le faire à l’étranger sur des marchés qu’il connaît à peine. Pourtant, quand il le fait, les résultats se font immédiatement sentir. En proposant à ces entreprises de dédier des ressources pérennes à l’international, le V.I.E pare une faiblesse des entreprises françaises :
le manque de personnel sur le terrain. Son but n’est pas de faire des études de marché, mais bien d’accélérer le développement d’un marché qui commence à se dessiner en confortant les clients étrangers sur place.
En outre, il peut être important d’incarner l’origine nationale du produit dans tous les domaines où l’entreprise veut faire valoir le savoir-faire français.
Le Moci. Pourquoi préférer un V.I.E à un recrutement local ou à un stagiaire international ?
Lorenzo Cornuault. Le but ultime est que l’entreprise trouve un collaborateur pérenne qui deviendra parfois son premier cadre export. Le V.I.E offre la possibilité à l’entreprise de disposer des compétences de jeunes diplômés ouverts et formés à l’international et à leurs produits sans qu’elles impactent de suite ses effectifs et sa masse salariale.
L’une des clauses de réussite du contrat est que le jeune volontaire soit bien encadré. Lorsque cette exigence ne peut pas être remplie, des solutions existent, comme le portage par une grande entreprise, une Mission économique, une Chambre de commerce et d’industrie, ou l’encadrement par un Conseiller du commerce extérieur de la France.
Envoyer un volontaire à l’étranger est un véritable investissement humain. Pour cette raison, il ne doit pas être un contrat désincarné mais, au contraire, être complètement immergé dans les rouages de l’entreprise. À cette fin, les entreprises ont la possibilité d’intégrer pendant plusieurs semaines le V.I.E dans leurs locaux en France. Le jeune volontaire prend ainsi le temps de connaître les valeurs et les produits de l’entreprise et aussi de se tisser un réseau de contacts afin qu’une fois en mission à l’étranger personne ne soit surpris de ses demandes.
Le Moci. En vertu du partenariat stratégique avec les CCI, celles-ci font la promotion du V.I.E en région. Quel est l’intérêt de ce dispositif pour les PME ?
Lorenzo Cornuault. Aujourd’hui, pratiquement toutes les régions en France cofinancent le V.I.E pour partie, voire en totalité. Le cumul des aides nationales et des aides régionales, qui amplifient les premières, permet aux entreprises de se doter d’un V.I.E à un coût tout à fait raisonnable. Les CCI, qui sont le bras armé des collectivités, ont compris que c’était un enjeu partagé par tous, en synergie avec Coface et Oséo. Le rôle des CCI est d’informer les entreprises des possibilités offertes par le V.I.E de manière opportune dans la mise en place d’une stratégie d’approche d’un marché cible.
Le Moci. Que répondez-vous aux PME qui évoquent le coût trop élevé du V.I.E ?
Lorenzo Cornuault. Toute PME qui n’aura pas eu dans ses rangs des collaborateurs qui se sont frottés à l’international est condamnée à subir la globalisation. Les entreprises le comprennent. À tel point que l’argument du coût est utilisé par 3 % seulement des 18 000 entreprises que nous avons contactées cette année, loin derrière l’absence de structure à l’étranger, le manque de fonds propres et la difficulté de recruter le candidat idéal. Ce sont là de vrais obstacles que les nouvelles mesures (« V.I.Primo Pass », réduction des cautions) devraient aider à contourner. .
Propos recueillis par S. F.