Le Moci. Un agrément OEA est censé apporter des avantages à ses détenteurs dans le cadre des nouvelles réglementations internationales en matière de sécurité-sûreté. Quels sont concrètement ces avantages ?
Jean-Michel Thillier. Le premier avantage du statut est de contribuer à une meilleure gestion du risque douanier au sein de l’entreprise certifiée et, par voie de conséquence, de réduire les risques de blocage à l’occasion d’un contrôle puisque beaucoup d’éléments de l’opération de commerce international sont anticipés et encadrés par des processus internes rigoureux. Le statut permet également d’améliorer la fluidité du passage de la frontière puisqu’un OEA « complet » ou « sûreté-sécurité » sera informé dès l’arrivée du moyen de transport au premier point d’entrée dans l’Union européenne qu’un contrôle sera réalisé. De plus, lors de la réalisation de ce contrôle, l’OEA sera prioritaire (il passera avant les autres) et, surtout, il aura la possibilité de choisir son lieu de contrôle, sauf, bien entendu en cas de risque sûreté avéré ou si le service des douanes en décide autrement.
Toujours sur le plan douanier, la réglementation communautaire accorde une place de plus en plus importante à l’OEA dans l’octroi des procédures simplifiées. Sur le plan interne, les avantages sont également nombreux :
– diminution des vols, pertes ou casses ;
– diminution des pertes d’information, une meilleure communication entre services étant instituée ;
– diminution des impayés, des clients, fournisseurs ou prestataires douteux ;
– diminution des litiges de tous ordres ;
– rationalisation du système d’information.
Le Moci. Ce statut ne prendra sa vraie valeur que s’il est reconnu dans le reste du monde. Cette reconnaissance est-elle en voie d’être concrétisée ?
J.-M. T. Plusieurs accords de reconnaissance mutuelle sont en cours de négociation par la Commission (Chine, Corée du Sud, Singapour, Canada, etc.). Dès à présent, nous disposons des accords de reconnaissance mutuelle suivants en matière d’OEA : Norvège, Suisse, Andorre, San Marin, Japon (depuis juin 2010) et États-Unis (signature formelle au premier semestre 2012).
Le Moci. Cet agrément n’est pas obligatoire. Qu’est-ce qu’une entreprise opérant à l’international risque si elle ne l’a pas ?
J.-M. T. Plusieurs études récentes et toutes concordantes réalisées auprès d’entreprises récemment certifiées ou en cours de certification montrent que parmi les motivations qui les ont poussées à s’engager dans la démarche, la demande des clients qui font de l’OEA un prérequis devient majeure.
Le Moci. Obtenir un agrément OEA implique que l’entreprise satisfasse à un certain nombre de critères. Quels sont-ils et faut-il que l’entreprise remplisse des préalables avant d’effectuer sa demande ?
J.-M. T. Les principaux critères sont au nombre de quatre pour le certificat complet, qui est la réunion du certificat « simplifications douanières » et du certificat « sûreté-sécurité ». Il s’agit d’abord des antécédents contentieux, puis de la solvabilité financière et de la présence d’un système efficace de gestion des écritures commerciales et de transport en un mot de la traçabilité. Enfin, dernier critère, avoir des normes appropriées de sûreté et de sécurité.
Pour effectuer sa demande de statut, l’entreprise doit avoir préalablement fait le point sur ces différents sujets et procédé aux éventuelles modifications nécessaires. Nous considérons maintenant avec le recul qu’un délai de préparation de 6 mois est un minimum qui peut néanmoins varier suivant le nombre d’établissements, l’existence ou non d’une démarche qualité, etc.
Le Moci. Combien coûte aux entreprises cette préparation à l’OEA ?
J.-M. T. L’administration délivre gratuitement le statut. Nous avons fait le choix stratégique dès le départ de prendre en charge totalement le traitement des demandes et de ne pas sous-traiter. En revanche, la préparation de la demande – qui est une étape particulièrement importante – engendre des coûts qui sont variables suivant le statut demandé (les statuts « sûreté-sécurité » ou « complet » demandent plus d’investissements humains, informatiques, en formation, etc.) et suivant les certifications déjà détenues (chargeur connu, agent habilité, ISO, TAPA, etc.), voire les mesures prises par certains secteurs au titre de la sûreté de la chaîne de production et de transport dans la chimie, l’alimentaire, etc.
Autre point à souligner, l’accompagnement des entreprises par la douane pendant la phase de préparation – la France est certainement un des pays qui a consenti le plus d’efforts en la matière – qui est particulièrement apprécié et souligné dans les récentes enquêtes menées. Ce n’est évidemment pas la douane qui remplit le questionnaire d’auto-évaluation, mais l’aide apportée pour bien comprendre les questions et le niveau de conformité attendu lors de l’audit est déterminante.
Le Moci. Dans le cadre de la procédure d’instruction d’une demande d’OEA, la Douane effectue un audit de l’entreprise. En quoi consiste concrètement cet audit ? Quels sont les aspects sur lesquels vous portez le plus d’attention ?
J.-M. T. Les objectifs essentiels de l’audit sont d’évaluer la rigueur et la fiabilité de l’organisation et des processus internes de l’entreprise ainsi que de vérifier l’existence d’un système d’autocontrôle interne permettant de déceler d’éventuels écarts par rapport aux critères exigés par le statut d’OEA et de mettre en œuvre les mesures correctrices.
Le Moci. L’entreprise a finalement obtenu son OEA. Est-ce un acquis définitif où procéderez-vous à des contrôles périodiques ?
J.-M. T. La démarche OEA, comme tout processus qualité, s’apprécie dans la durée et nécessite un suivi interne à
l’entreprise régulier et des dispositifs d’autocontrôle performants. Du côté de l’administration, le bénéfice du statut OEA est soumis à une vérification régulière sous la forme d’un audit de suivi qui intervient au plus tard tous les trois ans.
Le Moci. Au total, combien dure le processus d’instruction ? Pensez-vous qu’une implication de la direction générale de l’entreprise candidate est un gage de sa réussite ?
J.-M. T. Le processus d’instruction d’une demande de statut OEA par la Douane française dure en moyenne un peu moins de six mois actuellement et nous travaillons pour le réduire encore, ces délais dépendant de la taille de l’entreprise mais surtout de la qualité de la préparation. Dans tous les cas, l’implication de la direction générale d’une entreprise est un préalable indispensable à la bonne préparation de la demande. Celle-ci concerne en effet généralement la quasi-totalité des fonctions de l’entreprise. Elles doivent être associées le plus en amont possible.
Propos recueillis par G. N.
Trois types d’agréments OEA
Dans le cadre de la législation communautaire sur le statut d’opérateur agréé, trois types d’agréments (ou certificats) peuvent être délivrés :
• OEA « simplifications douanières » ;
• OEA « sûreté-sécurité » ;
• OEA « complet » qui couvre « simplifications douanières » et « sûreté-sécurité ».
(Voir également plus loin la présentation de l’OEA).
Bilan des OEA en Europe : la France en 3e position
Pour assurer une transparence et une visibilité sur l’agrément d’opérateur économique agréé (OEA ; en anglais Authorised Economic Operator, AEO), la Commission européenne a mis en place une base de données* accessible librement. Elle permet de consulter, pour chaque pays membre, la liste des entreprises ayant obtenu cet agrément, le type de certificat obtenu et à quelle date.
Elle est régulièrement mise à jour.
Voici, par ordre décroissant, le nombre des agréments OEA délivrés dans les principaux pays dans l’Union européenne et enregistrés dans cette base de données au 17 février 2012 :
La France arrive en 3e position par le nombre d’agréments délivrés, avec un total de 635.
• Allemagne : 5 123
• Pays-Bas : 848
• France : 635
• Italie 538
• Pologne : 522
• Espagne : 385
• Suède : 343
• Royaume-Uni : 300
• Autriche : 232
• Hongrie : 232
• Belgique : 207
• Rép. tchèque : 106
• Portugal : 86
• Irlande : 77
• Slovénie : 69
• Danemark : 59
• Finlande : 55
• Roumanie : 45
• Slovaquie : 41
• Lituanie : 22
• Grèce : 16
* Site Internet : http://ec.europa.eu/taxation_customs/dds2/eos/aeo_consultation.jsp?Lang=fr