Créée en 2018, la start-up lyonnaise s’est réinventée pendant la crise sanitaire en lançant une plateforme en ligne de mise en relation entre acheteurs et fournisseurs de solutions de développement durable. Un pari réussi qui lui ouvre aujourd’hui les portes de l’international, à commencer par l’Europe, dans un secteur qui ne connaît pas la crise.
« En France, il y a quinze ans, ce n’était pas franchement à la mode le développement durable dans le monde de l’entreprise », sourit Fayrouz Ferres, cofondatrice et directrice générale de Takagreen. Aujourd’hui, face à la demande croissante de sociétés d’autres pays d’Europe, elle s’apprête à élargir l’abonnement à sa plateforme à l’ensemble du Vieux Continent. Et, par ricochet, à offrir une visibilité nouvelle aux fournisseurs tricolores référencés.
Pourtant, il y a quatre ans, la dirigeante était loin de penser lancer cet équivalent d’un Meetic dans le marché BtoB de produits et de services respectueux de l’environnement. Après avoir fait ses armes dans l’agence de « smarketing » Absolycom, où elle s’occupait du développement commercial de produits innovants dans les énergies renouvelables, elle décide de lancer sa propre société de conseil et d’apport d’affaires aux entreprises engagées dans une démarche RSE (responsabilité sociale et environnementale).
Takagreen n’a pas 18 mois lorsque survient la Covid-19. « Dès le premier confinement nous avons compris qu’il fallait pivoter très vite pour ne pas couler ». Forte de son expérience dans le secteur, de la connaissance de ses entreprises et de l’essor des thématiques RSE, elle fait le pari du digital avec une idée en tête : répondre aux besoins des entreprises qui peinent à trouver des fournisseurs compatibles avec la RSE en les mettant en relation en ligne.
Donner de la visibilité aux pépites françaises de l’écoresponsabilité
Avec deux anciennes stagiaires aujourd’hui associées (Sharon Gartner à la partie commerciale et la direction de clientèle et Marine Jacquier au développement du site Internet), le trio peaufine alors son offre et bénéficie d’un alignement favorable des astres.
L’accélération de la digitalisation en raison des restrictions de déplacement a non seulement permis à de nombreuses entreprises de continuer à vendre aux particuliers en basculant sur des boutiques en ligne, mais l’e-commerce BtoB a également connu un formidable essor, tout comme l’ensemble des thématiques liées à la transition écologique.
De 5, le site passe rapidement à 25 catégories de fournisseurs, dont le nombre est passé de 30 à 1000. « Dans le développement durable, la France est à la pointe des innovations technologiques, devant l’Allemagne, et compte de véritables pépites dans tous les secteurs », constate Fayrouz Ferres. De fait, le « catalogue » de Takagreen a quelque chose d’un inventaire à la Prévert de solutions bas carbone.
Les directeurs d’achats d’entreprises ou de collectivités territoriales, les dirigeants de PME ou d’ETI y trouvent aussi bien des services de gestion des déchets, des emballages écologiques, des sociétés de conseil énergétique que des engrais et des pesticides naturels ou des services de transport vélique.
Miser sur la massification
« L’énergie, la gestion des déchets, le packaging et la restauration sont les catégories les plus consultées, relève Sharon Gartner. On ne s’y attendait pas du tout mais les offres de solutions de management RH basées sur l’écoute ressortent très fort et c’est la même chose en Allemagne. » Après la crise sanitaire, la guerre en Ukraine, mais aussi les difficultés des entreprises à recruter et à retenir des talents, le bien-être des collaborateurs a le vent en poupe.
Quid du greenwashing ? « Dans des secteurs comme la performance énergétique, il existe des qualifications et des certifications très sérieuses en France comme en Europe, répond Fayrouz Ferres. Nous vérifions les données de l’entreprise sur son site et lisons attentivement les avis qui remontent sur le site. Nous refusons les entreprises qui importent massivement depuis la Chine, par exemple. » Dans un monde où les réputations se font et se défont rapidement, avec une loupe de visibilité comme Takagreen, jouer la carte du greenwashing peut s’avérer complètement contreproductif.
Une double révolution : le passage à l’abonnement et l’international
La start-up qui a dû faire preuve d’agilité pour traverser la crise sanitaire s’apprête à présent à vivre une double révolution.
Tout d’abord en modifiant son modèle économique. D’abord ouvert, le site est passé d’un système de compteur par fournisseur à un abonnement (régional à 14,90 euros par mois et national à 29,90 mois). Ce pack donne une meilleure visibilité, la possibilité de recevoir des demandes de devis et des appels à projet. « C’était un pari risqué, mais les entreprises ont joué le jeu », souligne la dirigeante.
Autre enjeu de taille : le passage à l’international. « Nous souhaitions massifier notre offre avant de nous lancer sur les marchés européens. Jusqu’à il y a quatre mois, nous avions deux sites, un national, un destiné à l’étranger que nous avons finalement fusionnés. En parallèle, à l’aide d’un alternant bilingue français anglais nous avons constitué une base de données d’entreprises partout en Europe avec au moins une référence par catégorie et par pays. »
La jeune pousse vise prioritairement l’Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas, mais aussi l’Europe du Sud avec l’Espagne et l’Italie.
Car la demande de solutions BtoB écoresponsables est forte partout en Europe. Finies les journées à écumer les salons professionnels : ce sont désormais les fournisseurs qui frappent à la porte de la startup. 150 d’entre eux ont déjà fait le choix d’un nouveau « pack international » (49,90 euros par mois) qui sera activé quand 500 entreprises supplémentaires, actuellement en attente, seront validées.
« Grâce à un bon référencement naturel, le site bénéficie d’une bonne visibilité à l’international, explique Sharon Gartner. Des acheteurs africains en recherche de solutions dans les secteurs de l’eau et de l’énergie, des entreprises britanniques ou mexicaines nous ont connus sur Internet ! Cette visibilité bénéficie aux PME et ETI françaises. »
Une course contre la montre
Bifurquer pour survivre, mener en parallèle une forte augmentation de l’activité et prospecter les marchés européens… « Depuis que nous avons lancé la plateforme, c’est une véritable course contre la montre pour ne pas se faire rattraper par la concurrence qui est très forte dans notre secteur, souligne Fayrouz Ferres. Nous pensions évidemment à l’international pendant la phase de développement, mais quand nous avons observé les premières importations depuis la France nous ne pensions pas que ça irait si vite ! »
Enfin, même si Takagreen est une jeune entreprise, elle peut désormais se targuer de références de prestige qui sont autant d’atout à l’international. LVMH, Paul Bocuse, l’Opéra de Lyon, Arko Pharma, Engie ou encore Super U ont fait appel à ses services pour trouver des fournisseurs adaptés à leurs besoins.
Et ces nouveaux horizons européens que la startup s’apprête à franchir dans quelques mois donne également envie eux trois jeunes associées d’étendre leur propre entreprise au-delà des frontières de l’hexagone. « L’idéal ce serait un bureau dans chaque pays européen, plaisante sa directrice générale. Même si on fait beaucoup avec le virtuel et l’anglais, c’est important d’être sur place pour continuer à faire du sourcing et visiter les entreprises. »
Sophie Creusillet