Symbio, PME spécialisée dans la pile à combustible pour la mobilité hydrogène change d’échelle et a confirmé mi-juillet l’avancée de sa nouvelle usine dans la vallée de la chimie, à Saint-Fons, dans la métropole lyonnaise. Objectif : produire à terme 50 000 systèmes par an, avec un début de production attendue à la mi-2023, pour alimenter notamment Stellantis qui ambitionne de produire 10 000 véhicules hydrogène d’ici à 2024.
En lançant sa méga-usine mi-juillet à Saint-Fons (Rhône), l’équipementier automobile Symbio, spécialisé dans la pile à hydrogène souhaite déployer sa technologie dans le monde avec une capacité à terme de production annuelle de 50 000 systèmes. Début de production prévue au 2nd semestre 2023. La startup vient de poser une première pierre vers cet objectif ambitieux en signant un contrat avec Stellantis pour équiper annuellement jusqu’à 10 000 véhicules à hydrogène d’ici 2024.
« Aujourd’hui, ce contrat nous permet de passer de quelques centaines véhicules utilitaires légers à quelques milliers d’ici la fin de l’année. A l’horizon 2024, nous avons l’objectif de produire annuellement jusqu’à 10 000 véhicules. Ces chiffres sont ‘modestes’, mais il faut tout simplement que le marché adopte la technologie et que les différents acteurs de la chaîne de valeur (production et distribution d’hydrogène décarboné, etc) puissent se développer également de manière économique et efficace », explique Maria Alcon Hidalgo, vice-présidente des affaires publiques de Symbio, interrogée par le Moci.
Au départ, composée par une équipe de chercheurs
Pour la petite histoire, créé en 2010, Symbio, entreprise basée à Vénissieux, près de Lyon, est née du regroupement autour de la startup grenobloise Symbio FCell, composée d’une équipe de chercheurs dirigée par Fabio Ferrari et du Commissariat à l’énergie atomique. Ce dernier acteur s’intéressait à cette technologie depuis 2004. Leur objectif est de développer un système de pile à combustible efficace et compact, capable de générer de l’électricité à partir d’hydrogène, comme alternative au moteur à combustion interne. Trois ans plus tard, les travaux aboutissent et Symbio équipe son premier véhicule de tourisme et avec Renault lance des essais sur toute avec des Kangoo, véhicule utilitaire léger, équipé de piles à hydrogène. Michelin, qui travaille également sur ce sujet, entre au capital de la PME en 2014, puis en février 2019 rachète la totalité de la jeune pousse.
En mars de la même année, la marque au bibendum et Faurecia, autre équipementier automobile français, s’allient et détiennent désormais Symbio à parts égales. « Ce partenariat () ouvre la voie à une nouvelle forme de mobilité durable. L’ambition est à terme de proposer une offre de mobilité complète pour les véhicules hydrogène, de la pile à hydrogène jusqu’aux services de maintenance pour le véhicule », indique Florent Menegaux, PDG du groupe Michelin, cité dans le communiqué. Et Patrick Koller, directeur général de Faurecia de compléter : « notre vision partagée ainsi que la complémentarité de nos savoir-faire technologiques vont permettre d’accélérer la mise sur le marché de systèmes de pile à combustible performants et adaptés à différents cas d’usage. En outre, notre ambition commune est de créer un pôle d’excellence relatif à l’hydrogène en France, grâce à un regroupement progressif de nos activités ».
Composée au départ d’une petite équipe de chercheurs, Symbio passe ensuite à 50 collaborateurs en 2019 pour atteindre plus de 500 personnes aujourd’hui. « Nous ne sommes plus une startup, mais l’esprit reste car c’est une industrie à créer, qui n’est pas encore mûre, détaille Maria Alcon Hidalgo. La technologie est prête, déployable et déployée avec l’obtention de premiers contrats commerciaux. »
Les débuts d’une production en série
Et c’est d’abord Stellantis qui opte pour la technologie développée par Symbio avec la production en série du premier véhicule utilitaire léger (VUL) hydrogène au monde. Dévoilé fin mars 2021, il répond à des usages professionnels complémentaires, avec une autonomie supérieure à 400 km et une recharge en 3 min seulement.
En avril 2021, c’est au tour de Safra, entreprise basée à Albi de faire confiance à Symbio et d’annoncer le développement de 1 500 bus hydrogène. « Un bus peut rouler 7 jours sur 7, explique Philippe Rosier, PDG de Symbio. Nous avons donc conçu un schéma d’intégration qui facilite la maintenance, notamment le changement de certains composants et filtres. Surtout, la solution bus de Symbio comporte un ensemble de service de maintenance 7/7 et 24/24 particulièrement adaptés aux usages des véhicules commerciaux ». Ces bus sont utilisés aujourd’hui dans une dizaine de villes en France.
Questionnée sur le montant des contrats, la directrice nous précise que ce sont des contrats confidentiels mais indique que « ce ne sont pas des montants mirifiques en termes d’exécution car le nombre de véhicules est limité à ce stade. On en est au tout début de l’hydrogène, c’est la phase de développement de marché ».
En 2021, le chiffre d’affaires de Symbio est d’environ quelques dizaines de millions d’euros. « En 2022, nous allons réaliser une très forte progression mais notre objectif d’ici 2030 est d’atteindre 1,5 milliard d’euros de CA », précise la directrice des affaires publiques. Et d’ajouter : « la montée en puissance est très substantielle. Tout aujourd’hui pousse à un déploiement d’une mobilité décarbonée. Et l’hydrogène en est un des leviers clés ».
Mais quelles sont les différences avec l’électrique ?
L’électrique va très bien satisfaire les besoins d’un utilisateur avec un usage de la voiture peu intensif, plutôt urbain de l’ordre de 200 km. L’hydrogène, de son côté, a des performances qui sont équivalentes à celles d’un moteur thermique en termes d’autonomie, soit jusqu’à 400 km. Le temps de recharge est de 2 à 3 min. « C’est comme remplir le plein d’essence. Là où l’électrique met quelques heures », rappelle Maria Alcon Hidalgo.
Le principal enjeu aujourd’hui est la distribution et la disponibilité de l’hydrogène vert. « Il faut que ce soit proche des consommateurs », prévient l’experte. L’Europe, d’ailleurs est en train d’investir massivement dans cette production qui a doublé en seulement 18 mois. « Aujourd’hui, les stations de recharge d’hydrogène vertes doivent être situées là où il y a le besoin donc sur tous les grands axes. Le déploiement des applications d’hydrogène permet déjà de commencer par les flottes actives où il y a un point de retour/départ des véhicules qui permettent d’installer de façon efficace les stations de recharge ».
La technologie des stations de recharge est prête et déployable. Mais pour une adoption en masse, on a besoin que la distribution soit déployée. En France, des acteurs comme HRS ou Air Liquide produisent des stations d’hydrogène.
Le plan de l’Union européenne baptisé « RePower EU » dévoilé mi-mai 2022 doit permettre de garantir aussi bien l’indépendance énergétique et la neutralité climatique des 27 états membres. Tout cela pour s’affranchir des importations russes, « bien avant la fin de la décennie », grâce à de nombreux investissements, dont le secteur des énergies renouvelables. Au total, environ 300 milliards d’euros devraient être mis à disposition. Concernant l’hydrogène, la Commission européenne a fixé un objectif de 10 millions de tonnes de production interne et de 10 millions de tonnes d’importations d’ici à 2030, afin de remplacer le gaz naturel, le charbon et le pétrole dans les industries difficiles à décarboner et les secteurs des transports. Pour accélérer le développement des projets relatifs à l’hydrogène, un financement supplémentaire de 200 millions d’euros est réservé à la recherche, et la Commission s’engage à achever l’évaluation des premiers « projets importants d’intérêt européen commun (PIIEC) » d’ici l’été. Symbio a d’ailleurs annoncé que son projet global fait parti des PIIEC retenus par la Commission.
« On a des intérêts convergents vis-à-vis des institutions, de l’Europe, qui supporte grandement à l’adoption de ces technologies décarbonées par les marchés à travers la régulation, la réglementation et des financements publiques. Il y a des investissements importants qu’un acteur privé ne peut pas prendre en charge tout seul », indique Maria Alcon Hidalgo.
Et c’est dans ce contexte favorable que Symbio s’est lancée dans la construction de sa gigafactory pour un investissement initial de 140 millions d’euros. « Au-delà de la construction du site, nous investissons massivement dans la chaine de production et les équipements de pointe pour la recherche », précise la directrice. Cette usine baptisée SymphonHy, qui est un ancien site de Bosch, devra produire à terme 50 000 systèmes, « taille nécessaire pour atteindre les économies d’échelles ».
L’Europe d’abord mais ce n’est pas la seule cible de la PME. Côté stratégie, Symbio veut partir également à la conquête du marché américain. Pour cela, en août 2021, elle a créé une filiale Symbio North America, à San Diego. « D’ici à 2030, le besoin de la production sera de 200 000 systèmes par an. Pour le moment la production reste en France mais nous prévoyons une nouvelle usine aux Etats-Unis, ou éventuellement en Chine », conclut Maria Alcon Hidalgo.
Claire Pham