Spécialiste des selles d’équitation pour la compétition, Antarès, basée dans les Charentes-Maritimes, s’est taillé en 23 ans d’existence une réputation d’excellence dans ce secteur de niche des métiers du cuir. Alors qu’elle réalise déjà 70 % de son chiffre d’affaires à l’export, elle entend intensifier encore sa présence à l’international en misant sur la technicité et le sur-mesure.
Si vous désirez faire l’acquisition d’une selle sur-mesure produite dans les ateliers d’Antarès, près de Saintes, il vous faudra patienter trois mois. « Il faut 18 heures pour fabriquer une selle, mais les carnets de commandes sont pleins », explique Xavier Lenrouilly, le président de l’entreprise qu’il a créée en 2000 avec trois associés.
La PME produit chaque année 6000 pièces sur-mesure, demi-mesure et « prêt-à-porter » ainsi que plus de 4000 casques et autres équipements du cavalier et du cheval pour un chiffre d’affaires de 20 millions d’euros en 2022.
« A part pendant la crise financière de 2008 et une année pendant la pandémie de Covid, nous avons toujours été en croissance », constate le dirigeant.
Celui-ci a voulu donner une orientation internationale à son entreprise dès sa création. La même année, sans même passer par une phase de développement sur le marché domestique puis européen, Antarès s’implante aux Etats-Unis, à Purcellville, près de Washington. Le rêve américain ? Plutôt une occasion qui tombe à pic. Au lancement de l’entreprise, deux de ses associés vivent outre-Atlantique.
Un positionnement d’équipementier, plus que de maroquinier de luxe
Le pays des cowboys disposent certes d’une tradition différente, avec des selles « western » que la PME des Charentes ne produit pas, mais il est un marché phare pour les équipements destinés au dressage, au saut d’obstacles et autres disciplines de compétition équestre.
Sept ans plus tard, une seconde filiale nord-américaine ouvre à Toronto pour développer le marché canadien. « Nous avons choisi de créer deux filiales plutôt qu’une pour l’Amérique du Nord, parce qu’en BtoC, sans revendeur, les questions de fiscalité et de douanes sont trop compliquées à gérer », précise Xavier Lerouilly. Ces deux marchés représentent aujourd’hui un tiers du chiffre d’affaires.
Pour les conquérir, les quatre associés, tous issus du secteur de la sellerie, misent sur les performances de leurs selles adaptées aux morphologies des cavaliers et de leurs montures.
« Nous prenons les mesures des clients, mais aussi des chevaux pour proposer une selle la plus en équilibre possible et confortable, détaille le dirigeant. Nous avons des échanges constants avec les cavaliers et les coachs pour corriger les défauts d’équitation. » Pour grandir sur ce marché où les cavaliers de compétition sont les prescripteurs, la PME tricolore a développé une politique de sponsorisation. Aujourd’hui, elle finance les équipements d’une vingtaine d’entre eux, en Amérique du Nord, mais aussi en Europe.
Un produit à la fois technique et traditionnel
Le site de Purcellville dispose bien d’un atelier, mais uniquement pour le SAV et la production de cette Entreprise du Patrimoine Vivant est Made in France. Seuls les arçons, la structure de la selle, sont fabriquées en Argentine, dans une entreprise de Buenos Aeres qu’Antarès a rachetée en 2015. Pour le reste, l’approvisionnement est national.
Le tanneur Arnal, à Rodez, fournit des cuirs français avec, pour la majorité, un tannage végétal spécifique à base de châtaignier, une technique écologique qui assure la résistance des pièces et limite leur allongement dans le temps.
Les selles sont ensuite réalisées à la main par les 145 artisans selliers de l’atelier. Un travail de haute précision qui interdit toute automatisation. Pour pallier les problèmes de recrutement de ces travailleurs de la main et ne pas risquer une baisse de production alors que la demande est forte, Antarès a décidé de les former elle-même. « J’ai plus de mal à recruter un contrôleur de gestion prêt à s’installer dans une ville de 30 000 habitants où il fait pourtant bon vivre que des selliers, sourit le dirigeant. 100 % des recrutements de l’atelier ont reçu une formation maison. Par ailleurs, avec d’autres entreprises de RésoCuir Nouvelle-Aquitaine et le Greta nous avons porté la création d’un CAP de sellier-harnacheur en un an et en alternance. » Pour attirer les vocations, dans ses nouveaux locaux de 4000 m² inaugurés en 2020, l’entreprise a prévu des appartements réservés aux stagiaires.
Cap sur l’Allemagne après des adaptations techniques
Les technico-commerciaux suivent deux demi-journées de formation par an avec des professionnels de la santé équine pour maintenir leurs connaissances à niveau et les agents distributeurs doivent maîtriser toutes les caractéristiques des selles.
Côté RH, l’entreprise renforce encore ses effectifs pour accroître sa part de marché aux Etats-Unis avec la nomination d’une directrice commerciale en charge également du Canada ainsi que l’embauche dans les deux ans à venir de 6 à 8 personnes dans l’administration des ventes, le commerce et le marketing.
L’entreprise est également en pleine phase de recrutement en Allemagne, le plus gros marché de la sellerie en Europe avec 1,3 millions de chevaux (contre 1 million en France) et 300 000 emplois (66 000 dans l’Hexagone). Elle compte y ouvrir bientôt une filiale comprenant un service après-vente, un stock et un show-room. Malgré des tarifs élevés (3500 euros environ pour une pièce sur-mesure) et l’attachement des Allemands à leurs marques nationales, le petit Poucet français compte sur l’excellence de ses produits pour convaincre des clients réputés particulièrement exigeants.
Le bureau d’étude travaille d’ailleurs en ce moment sur leur adaptation aux spécificités de ce marché, de la prépondérance des modèles pour le dressage à la conception de la matelassure, cette partie entre la selle et le cheval, réalisée en mousse en France mais pour laquelle les Allemands privilégient la laine.
Sans se reposer sur ses lauriers nord-américains ou son succès dans les pays d’Europe du Nord, Antarès prévoit d’augmenter dans les prochaines années la part de ses activités à l’international de 70 % à 80 %, voire 85 %, selon Xavier Lenrouilly. De quoi booster le chiffre d’affaires total pour atteindre l’objectif de 25 millions d’euros en 2025.
Sophie Creusillet