Spécialiste du chauffage électrique et des pompes à chaleur, le groupe Muller, né il y a 60 ans, mise sur le Made in France, un argument de poids à l’international, combinant garantie de sérieux et innovation. Ce qui lui a permis de sécuriser certains de ses approvisionnements critiques et de traverser sans trop d’encombre la crise sanitaire tout en poursuivant sa conquête des marchés export.
En mai 2021, Auer, l’une des six marques du groupe Muller (avec Airélec, Applimo, Campa, France Energie et Noirot), a relocalisé depuis la Serbie sa production de cuves en acier émaillé sur son site de Feuquières-en-Vimeu, dans la Somme.
Pour le fabricant de radiateurs et de chauffe-eau thermodynamiques, qui a bénéficié du Fonds d’accélération des investissements industriels dans les territoires, il ne s’agissait pas de résoudre un problème de qualité mais de « reprendre le contrôle sur la totalité de la production », selon Eric Baudry, directeur des affaires publiques du groupe (notre photo).
Depuis presque un an, la totalité de la production est donc réalisée en France sur six sites, un par marque. L’activité se partage entre le chauffage électrique (65 % des 200 millions d’euros du chiffre d’affaires via Noirot, Campa, Airélec, Applimo et Auer) et les pompes à chaleur (35 %) dont France Energie est le seul concepteur et fabricant français. « En termes de coût, il n’y avait pas un écart phénoménal avec la Serbie, mais il s’agissait de sécuriser nos flux et l’histoire nous a donné raison, se félicite le directeur des affaires publiques. Nous ne sommes pas des coureurs de prix. »
Le marché allemand a permis de traverser la crise
Pour ne pas dépendre de l’acier chinois, qui totalise 70 % de la production mondiale, le groupe se fournit en France. Idem pour l’inox et le cuivre (avec également des achats à l’Italie pour ce dernier).
Cette politique de sécurisation des approvisionnements a permis à l’entreprise de traverser la crise sanitaire sans coup férir. Le chiffre d’affaires est ainsi resté stable entre 2020 et 2021. Pour maintenir son activité, le groupe a également pu compter sur l’international qui représente 20 % de son activité dans le chauffage électrique et 6 % de celle des pompes à chaleur.
« L’international ne s’est pas vraiment arrêté avec la pandémie et il nous a permis de maintenir une activité de fond, explique Eric Baudy. Le marché de la construction de logements en Allemagne a repris rapidement et également en Autriche et en Pologne. »
Les sites de France Energie et Auer ont donc rapidement repris la production. Deux ans après le début de la pandémie de Covid-19, ce sont la transition énergétique et l’envolée du prix du gaz qui permettent au groupe Muller d’entrevoir de belles perspectives hors des frontières hexagonales.
« Le greenwashing, c’est fini »
Naissant en Allemagne, le marché des pompes à chaleur devrait en effet se développer rapidement aux Pays-Bas, qui a opté pour une politique énergétique ambitieuse il y a deux ans, incluant notamment l’interdiction du chauffage au gaz dans les logements neufs et un programme de rénovation et de conversion des systèmes de chauffage au fuel.
« Le greenwashing, c’est fini, s’enthousiasme le directeur des affaires publiques. La transition environnementale est désormais une démarche actée et la décarbonation est une réalité. Et pas seulement en Europe : les Chinois ont mis en place des politiques draconiennes en matière de décarbonation des sites industriels, par exemple, et certains pays d’Amérique latine également. » Une aubaine à l’international pour France Energie et ses pompes à chaleur déjà présentes en Belgique, Suisse, Autriche, Roumanie, Hongrie et République tchèque.
150 millions d’euros consacrés à la R&D en 10 ans
Si les pompes à chaleur et leur faible impact sur l’environnement ont actuellement le vent en poupe, l’innovation est également un important vecteur de différenciation.
Le groupe dispose de cinq centres de R&D intégrés dans les unités de production, investit depuis 10 ans près de 10 % de son chiffre d’affaires dans l’innovation et dépose chaque année des brevets au niveau national et international dans les domaines des énergies renouvelables, du stockage de l’énergie, de l’intelligence et de l’ergonomie.
Le projet SETS (Stockeur Electro Smart Home Thermique Saisonnier) a remporté le concours mondial « Innovation 2030 » dans la catégorie Stockage énergie et deux prix au CES de Las Vegas de 2018 dans les catégories « maison intelligente » et « technologies durables ». Une carte de visite de choix pour aborder le marché américain ? Le groupe y a en effet des ambitions.
En attendant, il est déjà présent dans 56 pays, via des agents et distributeurs. Un réseau en parti construit par un ancien responsable export d’origine russe qui a ouvert les marchés russe et chinois aux radiateurs Made in France.
Jouer la carte du Made in France
Le groupe, présent via sa marque de radiateurs Noirot en Russie et, dans une moindre mesure en Ukraine, a mis ces deux marchés en pause. « Il n’y a plus de stock en Russie car nous étions en fin de saison quand a commencé la guerre en Ukraine », précise Eric Baudry.
En Europe de l’Est comme sur tous les autres marchés, tous les produits des marques du groupe sont estampillés Origine France Garantie et arborent également, à la demande de certains agents et distributeurs, un logo représentant la France (une Tour Eiffel pour le marché néo-zélandais, un Arc de Triomphe en Chine…).
La certification Origine France Garantie fournit aux consommateurs la garantie qu’au moins 50 % du prix de revient est français, et qu’il prend ses caractéristiques essentielles en France. Le groupe revendique entre 50 et 80 % de la valeur de ses produits et a obtenu sa première certification en 2011.
« Pour les pompes à chaleur et les chauffe-eaux, le vrai point noir ce sont les compresseurs. Il n’y a aucun fabricant en Europe et ils sont produits en Chine et en Corée du Sud ». Si le groupe a décidé de relocaliser la production de cuves émaillés en France, c’est également pour que certains produits puissent passer cette fameuse barre des 50 %. Et continuer à revendiquer le Made in France à l’international.
Sophie Creusillet