L’entreprise de 20 salariés qui produit des fromages de pays dans le Cantal depuis 1971, s’apprête à franchir les frontières de l’Hexagone. Pour ce faire, le dirigeant de fromagerie Gardon a opté pour un accompagnement pas à pas avec la Team France Export (TFE). Mûrement réfléchie et patiemment mise en place, cette nouvelle orientation à l’export devrait porter ses fruits d’ici à la fin de l’année.
Finalement, ce sera l’Allemagne et la Belgique. Deux marchés frontaliers, où la logistique du froid n’est pas un problème et qui offrent traditionnellement d’intéressants débouchés pour les produits agroalimentaires. Et deux marchés auxquels Jérôme Gardon, représentant de la troisième génération de dirigeants de cette PME familiale, songeait avant même de commencer à bâtir sa stratégie export.
En chef d’entreprise avisé et pragmatique, il réalise en 2018 un premier diagnostic export avec la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Clermont-Ferrand. « L’idée était de réaliser un premier audit basique pour juger de la pertinence à partir à l’international, explique le dirigeant. Il en est ressorti qu’il n’y avait pas d’opposition à l’export, mais je me suis dit qu’il valait mieux d’abord augmenter les capacités de production avant de partir à la conquête de nouveaux marchés. »
L’extension de la fromagerie, inaugurée en grande pompe le 21 septembre, est désormais une réalité avec l’adjonction qu’une cinquième cave d’affinage, d’un nouvel espace de stockage et de bureaux plus adaptés.
Cap sur l’Allemagne et la Belgique
Cet investissement conséquent (1,5 millions d’euros au total alors que la fromagerie a fait en 2022) a été rendu possible grâce aux aides régionales et européennes via le Feader (Fonds européen agricole pour le développement rural) et aux certificats d’économie énergétique (CEE). La rénovation de l’outil de production de froid permettant de réaliser environ 15 % d’économies d’électricité et de gaz, a débloqué une subvention de 40 % de la partie éligible.
Après la crise sanitaire et alors que les travaux battent leur plein, le dirigeant remet la question de l’international sur la table. « Pour bâtir une stratégie internationale nous nous sommes faits accompagner par la Région Auvergne-Rhône-Alpes via son programme Ambition Région International, détaille Jérôme Gardon. De janvier à juin 2022, nous avons travaillé avec un consultant sélectionné par la Région afin de déterminer des marchés prioritaires et de budgéter notre internationalisation. » Ce sera donc l’Allemagne et la Belgique.
Avec ce même consultant, le chef d’entreprise découvre l’assurance prospection, un dispositif d’aide à la prospection proposée par Bpifrance, dont il n’avait jamais entendu parler. « Nous allons cette année nous rendre en tant que visiteurs aux salons Anuga et Biofach, grâce à cette aide. Nous irons ensuite en tant qu’exposants, certainement sur le Pavillon France organisé par Business France. Cette aide à la prospection est précieuse car l’international nécessite du cash. »
C’est ce dernier organisme qui a porté les chèques relance export -ces subventions lancées dans le cadre du plan de relance export post-Covid- à la connaissance du dirigeant. Il en fera usage pour tester ses fromages auprès d’une quinzaine des prospects belges et allemands grâce à l’envoi d’échantillons (tests sur offre) et au travail de sélection de potentiels acheteurs effectué par les équipes locales de Business France. « Nous avons commencé la prospection à proprement parler en janvier 2023 et même si nous n’avons pas encore enregistré de commande, l’intérêt est réel. Je rencontre d’ailleurs d’autres clients potentiels la semaine prochaine. »
Une stratégie multicanale
Alors que le consommateur tricolore est particulièrement attaché aux appellations, les fromages Gardon n’en dispose pas. Est-ce un frein à l’export ? « Cette attention à l’AOP est beaucoup moins forte en Allemagne, souligne Jérôme Gardon. Souvent mes interlocuteurs étrangers ne la connaissent pas ou n’en font pas un critère d’achat. En revanche ils sont attentifs au label bio que nous avons reçu en 2018. Ne pas avoir d’AOP est un choix, nous sommes atypiques et nous avons voulu nous différencier. Notre credo c’est le savoir-faire, les fromages tels qu’ils se faisaient dans les fermes. »
Pour mettre en application sa stratégie d’expansion, la fromagerie Gardon peut également compter sur son site d’e-commerce lancé il y a dix ans pour sa clientèle hexagonale. « Nous avions des demandes depuis l’étranger mais nous ne pouvions pas les satisfaire. Le site en anglais existe déjà et nous en train de le traduire en allemand. Nous travaillons également en ce moment avec une agence pour l’adapter à l’e-commerce transfrontalier notamment les conditions générales de vente. »
Le dirigeant, qui estime que l’internationalisation demande « beaucoup de patience », a su exploiter le dispositif de soutien aux entreprises. Et rêve aujourd’hui de créer un service dédié à l’export.
Sophie Creusillet