C’est en faisant le pari, il y a plus de dix ans, de se lancer sur un marché alors balbutiant et aujourd’hui en plein essor, que Damien Havard a créé une des entreprises françaises les plus en vue de la filière du nouvel or vert. Avec deux convictions : le développement rapide des technologies de l’hydrogène et la nécessité d’inclure l’international dans l’ADN de l’entreprise.
Un mois à peine après avoir fêté son dixième anniversaire, Hydrogène de France (HDF Energy) a posé début janvier la première pierre de sa gigafactory sur le site de l’ancienne usine Ford de Blanquefort, dans la banlieue de Bordeaux, un projet pré-notifié par la Commission européenne dans la cadre de l’IPCEI sur l’hydrogène (Projet important d’intérêt européen commun ou PIIEC, en français).
La PME, installée à une dizaine de kilomètres du nouveau site, compte y lancer d’ici à la fin de l’année la production de piles à combustion de forte puissance.
« Avec cette usine et le tissu de sous-traitants aéronautiques présents dans la région, nous aurons la majorité de la valeur ajouté autour de nous, se félicite Damien Havard, fondateur, P-dg et principal actionnaire d’HDF Energy. Ces piles à combustible de grande puissance vont nous permettre d’aller plus loin que la concurrence en nous positionnant sur les marchés de la mobilité lourde, comme les locomotives de fret et la propulsion de navires. »
Des centrales et des projets dans une vingtaine de pays
Pour l’heure, l’entreprise, qui embauche à tour de bras (entre 60 et 80 embauches sont prévues cette année), installe partout dans le monde ses centrales à hydrogène vert Renewstable et HyPower.
Elle vient de signer au Vietnam un protocole d’accord avec PetroVietnam Technical Services Corporation (PTSC) pour pallier les problèmes d’intégration au réseau électrique grâce à ses centrales à hydrogène. Avec ce premier contrat, HDF Energy, qui a ouvert en 2021 sa première filiale asiatique en Indonésie, espère explorer avec PTSC les opportunités de production d’hydrogène vert dans d’autres pays de la région tels que la Corée du Sud, le Japon et Singapour.
En Afrique, la PME bordelaise s’est vu attribuer par Eskom, le gestionnaire du réseau électrique national sud-africain, la location d’un terrain dans la province de Mpumalanga où elle déploiera ses centrales électriques à hydrogène vert Renewstable. Toujours en Afrique, le ministère de l’Énergie et du développement minéral de l’Ouganda l’a sélectionnée pour développer une première centrale.
« Nous avons connu en 2022 un fort développement à l’international qui a absorbé 90 % de nos projets, nous sommes présents dans 25 pays et nous comptons 26 nationalités parmi nos 80 employés », observe le dirigeant qui a visé les marché étrangers dès le début son aventure dans l’hydrogène.
Son premier projet d’envergure, qui servit de carte de visite aux suivants, a certes été développé en France, mais à des milliers de kilomètres de la métropole, en Guyane, département-région d’outre-mer.
Les banques de développement,
incontournables dans les grands projets
« On nous avait conseillé de tester nos centrales en France avant de partir à l’étranger, sourit Damien Havard. Nous visons à produire de l’énergie pour les réseaux et la CEOG, la centrale électrique de l’Ouest guyanais, nous a permis de travailler sur un modèle avant de le dupliquer dans une vingtaine de pays. »
De fait les projets dans la ligne de mire d’HDF Energy sont des chantiers à plus de 100 millions d’euros. « Ils sont financés en partie en fonds propres par des investisseurs locaux y compris des sociétés publiques et en partie par de la dette. »
Les banques de développement sont incontournables pour boucler le financement de ces projets. A la Barbade, HDF Energy a reçu le soutien de la Banque interaméricaine de développement. En Namibie, c’est la Banque européenne d’investissement qui a apporté son soutien financier. En Indonésie, c’est Joe Biden en personne qui a annoncé, lors du dernier G20, une coopération entre la PME tricolore et l’International Development Finance Corporation (DFC), la banque de développement états-unienne, pour l’installation de 22 centrales représentant un investissement total de 1,5 milliard de dollars.
L’information ne manque pas de piquant quand on sait les craintes de délocalisations d’investissements dans les énergies renouvelables (ENR) que suscitent en Europe l’Inflation Reduction Act américain (IRA)… Après l’Asie et l’Afrique, HDF Energy songe-t-elle à prendre pied aux États-Unis ? « Nous venons de le décider, répond le dirigeant. C’est un marché qui va très vite et où il y a beaucoup de concurrence. Nous voulons être très préparés avec la bonne équipe, les bons partenaires et les bons investisseurs. »
Un pari technologique osé, mais payant
Aux États-Unis comme ailleurs, Damien Havard a un credo : partir des marchés. « Nous sommes partis des marchés pour construire notre projet industriel. Nous ne faisons pas de R&D théorique ! Il faut que les centrales que nous concevons soient abordables et certains projets que nous avons réalisés sont déjà rentables. »
A première vue, rien ne prédestinait le P-dg a créer une entreprise pionnière de l’hydrogène. Ce diplômé de philosophie, qui a effectué une partie de sa carrière dans la construction avant de lancer un cabinet de conseil spécialisé dans les énergies renouvelables, s’y est intéressé très tôt. « J’ai fait le pari de la vitesse : celle du développement des innovations technologiques et celle de la baisse des prix des ENR, indispensables pour produire de l’énergie verte ».
Pour faire passer un seuil à ses centrales à hydrogène vert, l’entreprise a noué en 2018 un partenariat avec le canadien Ballard pour développer des piles à combustible à forte puissance. « Cette entreprise de Vancouver produisait des piles pour des voitures, elle avait une technologie à maturité qui nous intéressait afin de développer des piles à très forte puissance et nous positionner sur la mobilité lourde », explique le dirigeant. HDF Energy a l’exclusivité mondiale de ces piles canadiennes pendant 7 ans. « C’est la brique technologique qui nous manquait et que nous fabriquerons à Blanquefort. »
Sophie Creusillet