Rachetée il y a plus d’un an alors qu’elle périclitait, cette TPE de Maclas (Loire), spécialiste des boîtes de vitesse pour cycles, profite de l’engouement pour les vélos à assistance électrique. Elle a aujourd’hui pour ambition de se développer l’international.
« En trois jours, nous avons doublé nos prospects à l’international », se félicite Vincent Lecornu, directeur général et commercial d’Effigear (à gauche sur notre photo), de retour du salon Eurobike qui s’est déroulé du 1er au 4 septembre en Allemagne.
La TPE y a présenté sa nouvelle boîte de vitesses, la Mimic, le Smart-ebike system développé avec Valeo (une boîte de vitesse couplée à un moteur électrique) ainsi qu’un concept de vélo électrique de sa marque Cavalerie. Si le dirigeant se montre si enthousiaste c’est que, pour l’instant, Effigear n’exporte que très ponctuellement : en Allemagne (pour les cycles Nikolai), au Royaume-Uni (Olsen Bicycles) et en en Nouvelle-Zélande (Zerode).
Présente essentiellement sur le marché français, Effigear nourrit de grandes ambitions à l’international. « En 2022, nous voulons que le plus gros de notre chiffre d’affaires soit réalisé en Europe, le premier marché au monde pour les boîtes de vitesse, et nous partirons à la conquête de l’Amérique du Nord en 2023 », anticipe Vincent Lecornu.
L’engouement actuel pour le vélo, électrique ou non, fait évidemment les affaires d’Effigear. Un bol d’air pour cette entreprise qui vivotait il y a encore un an, lorsque le dirigeant, ancien directeur de comptes pour des opérateurs de télécoms internationaux, la rachète. « Suite à une crise de la quarantaine, j’ai quitté Paris et je me suis acheté un vélo électrique ».
Un partenariat avec Valeo
A l’époque, l’entreprise réalise 38 000 euros de chiffre d’affaires annuel (contre 500 000 euros sur les 12 derniers mois et 750 000 euros attendus en 2021) et ne compte qu’un salarié, David Rouméas (à droite sur notre photo), aujourd’hui directeur technique et associé de Vincent Lecornu.
Cet ingénieur des Arts et Métiers travaille depuis 2018 sur un moteur électrique à boîte de vitesse intégrée avec l’équipementier allemand Mubea. Faute de financement, le projet n’a pas abouti, mais les deux associés ont appris entre-temps que Valeo développait un projet similaire. En 2020, le grand équipementier et la TPE ligérienne ont noué un partenariat.

Ce dernier inclut un contrat de licence (Valéo assemble la boîte et porte la responsabilité du produit), un accord de co-branding (les boîtes sont siglées Effigear), ainsi qu’un accord de distribution.
« A termes, quand les volumes de vente augmenteront, nous serons les interlocuteurs des assembleurs commandant moins de 5 000 unités par an ; au-delà, c’est Valéo qui traitera directement avec eux, détaille le dirigeant. C’est un accord gagnant-gagnant car le marché est très fragmenté et Valeo ne gère pas tous ces petits clients. »
Le fruit de cette collaboration a été officiellement présenté à Eurobike cette année : le Valeo smart e-bike system, un module situé dans le pédalier intégrant un moteur électrique 48 V et une boîte de vitesses automatique adaptative à sept vitesses, monté sur un vélo urbain, un VTT et un vélo cargo à trois roues pour le transport de charge.
Une levée de fonds d’un million d’euros
Si ce partenariat avec un équipementier de renom a permis d’accélérer la R&D, il va également ouvrir de nouveaux marchés à Effigear et a constitué un argument de poids pour la levée de fonds d’un million d’euros que l’entreprise a réalisé cet été.
En trois mois, la petite société qui compte actuellement cinq personnes, a levé 200 000 euros auprès d’une trentaine d’investisseurs privés, obtenu de Bpifrance un prêt de 300 000 euros, un autre de 330 000 euros de la Banque populaire pour l’achat d’un tour numérique et une subvention de 130 000 euros au titre des « investissements de transformation vers l’industrie du futur » dans le cadre du plan France Relance. Les 40 000 euros restants ont été apportés par des clients et des investisseurs de proximité.
Cet argent frais financera la modernisation des équipements de production et des embauches : un technicien et d’un chef d’atelier pour la production, puis une équipe commerciale par assurer le service après-vente.
Un marché en plein essor
Pour nouer des contacts avec de potentiels clients étrangers, Vincent Lecornu compte également sur les salons professionnels comme le Taipei Cycling Show à Taïwan et Eurobike. C’est dans les allées de ce dernier événement que les deux associés ont croisé l’équipe de Pinion, une société allemande qui fabrique également des boîtes de vitesse.
« Nos avons adapté l’interface de fixation de notre boîte pour vélos musculaires pour la rendre compatible leur produit, au départ sans leur accord, mais nous avons pu constater que cette initiative a été bien reçue car nous nous battons contre les mêmes concurrents qu’eux, Shimano et Sram. » De fait, le fabricant néozélandais Zerode monte des boîtes Pinion et Effigear en fonction de l’utilisation finale du vélo.

Baptisée Mimic (« imiter », en anglais), cette boîte est assemblée dans l’atelier d’Effigear et seule la soudure est externalisée auprès d’une entreprise locale. Si le made in France a le vent en poupe auprès des clients, il s’inscrit également dans la philosophie de l’entreprise : « Il faut que ce que nous créons, nous puissions le produire nous-mêmes ».
Effigear bénéficie indéniablement de l’explosion du marché du vélo en Europe. Selon la Confédération de l’industrie européenne du cycle (Conebi), 22 millions de vélos ont été vendus au sein de l’Union européenne et du Royaume-Uni en 2020, soit un marché de 18,3 milliards d’euros, en hausse de 40 % par rapport à 2019.
Quant au VAE (vélo à assistance électrique) ses ventes européennes ont progressé de 50 % pour atteindre 4,5 millions d’unités, soit 20 % du total. Signe que le made in China fait de moins en moins florès, quatre vélos à assistance électrique sur cinq vendus en Europe sont désormais fabriqués localement, alors que les importations chinoises étaient encore de mise il y a quelques années.
Grâce à un produit innovant, à son partenariat industriel avec Valeo et à des investissements dans son appareil de production, la TPE ligérienne est en train de se faire une place sur un marché dominé par les géants Shimano et Sram.
Sophie Creusillet