Diabeloop, entreprise spécialisée dans l’administration automatisée d’insuline, a annoncé début juin une levée de fonds d’un montant de 70 millions d’euros (M EUR). Le but : partir à l’assaut du marché nord-américain. Explications.
« Si on regarde l’industrie du dispositif médical (DM), au niveau mondial, alors 100 % des profits nets du capital sont réalisés aux États-Unis. Donc quand on est un fabricant de DM, on ne peut pas ne pas être aux États-Unis. C’est une obligation absolue », martèle Erik Huneker, fondateur et directeur général de Diabeloop, interrogé par le Moci.
Créée en 2015, Diabeloop, jeune pousse basée à Grenoble, a développé un dispositif médical pour le traitement du diabète de type 1, qui se présente comme une sorte de pancréas artificiel baptisé DBLG1. L’appareil repose sur un algorithme auto-apprenant, grâce à l’intelligence artificielle. Il est alors associé à un capteur de glucose en continu et à une pompe à insuline. Le système en boucle fermée automatise ainsi la délivrance de l’insuline, enlevant toute charge mentale au patient.
La startup a réussi une levée de fonds de 70 M EUR, début juin. Un tiers sera dédié au marché américain pour l’obtention de la certification, les démarches avec des partenaires et des distributeurs. « Cela coûte très cher aux États-Unis », indique le dirigeant.
Un autre tiers de cet argent frais sera dédié à la continuation de la commercialisation en Europe, que ce soit au niveau de la distribution ou pour travailler avec d’autres pompes et capteurs. Le dernier tiers de l’enveloppe sera utilisé pour le développement de nouveaux produits, plus précisément de la déclinaison de produits existants. « Les États-Unis sont un grand marché, où il y a un niveau de prix significatif ; même avec l’existence d’assurances spécifiques tels que Medicare, on parle immédiatement de 150 millions de personnes. Il n’y a donc aucun marché au monde de cette taille, avec ce niveau de remboursement et ce niveau d’intérêt », détaille Erik Huneker.
Diabeloop dispose d’une équipe de 3 personnes sur place. Ces dernières s’occupent du business development. Dans les faits, elles font le lien avec la Food and Drug Administration (FDA), les médecins, les commerciaux pour les assurances et les partenaires américains.
Deux ans de retard à cause de la pandémie
A ce jour, l’entreprise n’a toujours vendu de produits sur le sol américain, car la FDA n’a pas encore donné son agrément. L’étude clinique SP8/DLUS lancée en février 2020 – multicentrique, randomisée, incluant 184 patients âgés de plus de 14 ans- a été annulée en raison de la pandémie de Covid. Elle était menée en partenariat avec neuf centres hospitaliers français pour une durée de trois mois, suivie d’une phase d’extension de 6 mois.
« On vient tout juste de reprendre et ça nous a fait très mal. Nous nous attendions à obtenir cet agrément en 2021. Ce sera pour 2023 donc repoussé de deux ans ! » se désole Erik Huneker. Un manque à gagner de plusieurs millions d’euros est à déplorer dans les caisses de la startup, selon lui.
En 2021, l’Europe a, de fait, représenté 95 % du CA de Diabeloop. A moyen terme, le dirigeant pense que l’export vers les États-Unis comptera pour la moitié. « Mais l’Europe reste au cœur de notre stratégie », nuance toutefois Erik Huneker.
La Chine, qui est un vaste marché avec près de 388 millions de personnes souffrant de pré-diabète et 118 millions de malades, n’est pour le moment pas une cible. « Le principal problème reste la propriété intellectuelle », précise Erik Huneker.
Mais l’arrêt de l’étude clinique américaine n’est pas le seul souci que l’entreprise a eu à gérer durant ces deux dernières années de pandémie. Côté approvisionnement aussi, Diabeloop a eu son lot de problèmes. « Quand on livre notre software, il est prévu pour fonctionner avec une pompe. Ce sont plutôt nos partenaires pompes qui ont connu des soucis de volumes. En particulier celui des Pays-Bas qui a des fournisseurs des États-Unis, de la Malaisie et du Danemark. Un autre a eu des soucis liés à un manque de cartes électroniques. De notre côté, nous avions anticipé notre stock de pièces (smartphones) », précise Erik Huneker.
Diabeloop dispose aujourd’hui de 6 mois de stock, contre 2 mois en période normale. « On n’aurait pas eu tous ces soucis, on aurait doublé notre chiffre d’affaires », se rassure le dirigeant.
Concernant les contrats datant d’avant-crise, aucun n’a été revu à la hausse. Le partenariat avec Roche, géant pharmaceutique suisse, signé en décembre 2020, « a ouvert de grandes possibilités, principalement sur le marché européen ». Depuis 2020, Diabeloop et le Japonais Terumo, spécialisé dans la technologie médicale et les équipements intra-hospitaliers, travaillent au développement conjoint d’un système pour le marché local. Ce dernier assure également la distribution des produits Diabeloop au Japon depuis novembre 2021.
Un dernier contrat avec le sud-coréen Dana, signé début juin, est dédié au marché local. Ce partenariat leur ouvre également le marché étatsunien, ces derniers étant déjà distribués là-bas.
De nouveaux contrats sont en cours de négociation. « Le sujet des hausses des prix des matières premières et des coûts logistiques sera surement sur le tapis », affirme ce dernier. Mais il reste discret sur l’identité des partenaires et le montant des contrats.
Deux nouveaux produits en cours de R&D
Du côté de la R&D (recherche & développement), Diabeloop travaille notamment sur deux nouveaux produits.
Le premier est le stylo connecté, qui représenterait 75 % d’amélioration par rapport à une pompe, pour moins de 30 % du coût.« On travaille sur le stylo connecté parce qu’une pompe à insuline coûte chère. En France, ce n’est pas une question pour le patient qui est remboursé par la sécurité sociale. Mais, dans beaucoup de pays, ce n’est pas le cas », précise Erik Huneker.
L’entreprise souhaite également adapter son algorithme aux personnes souffrant de diabète de type 2. Pour informations, en Europe, 2 millions de personnes ont le diabète de type 1 et 2,5 millions de personnes le diabète de type 2, qui ont également besoin d’insuline. Dans le diabète de type 1, les personnes ne produisent plus d’insuline ; dans le type 2, elles ont une résistance à l’insuline.
« Si l’on arrive à adapter notre solution aux besoins spécifiques du diabète de type 2, c’est un énorme intérêt pour nous », poursuit le dirigeant. Pour ce produit, une équipe d’une vingtaine de personnes composée de développeurs, de data scientists, de médecins et de patients sont sur le coup.
Diabeloop prévoit un lancement pour fin 2023. « Ce qui est long est le temps réglementaire. L’approbation réglementaire de tout nouveau produit, même si ce n’est qu’une déclinaison d’un produit existant, est longue », conclut Erik Huneker. Le produit part d’ailleurs en essai clinique dans quelques semaines sur une trentaine de personnes. Trois centres de la région Rhône-Alpes sont impliqués.
Claire Pham