L’exportation collaborative donne des ailes à de petites entreprises qui ont du potentiel mais manquent de moyens pour grandir à l’export. C’est le cas des dix producteurs agroalimentaires de l’île de La Réunion qui ont décidé d’aller ensemble à la conquête des marchés européens, avec le concours du Club Export et de la Chambre de l’artisanat et de métiers. Récit.
Eaux de vie de fruits exotiques, confitures, chocolats, confiseries issues de produits et procédés naturels, des goûts et des saveurs de La Réunion qui ravissent les papilles gustatives rien qu’à leur évocation… Réunir des produits d’excellence de ce terroir rare sous une même bannière et s’engager dans une stratégie collective pour les promouvoir auprès des gourmets européens avides de nouveautés culinaires, et pas seulement en métropole : ce projet d’exportation collaborative n’en est qu’à ses débuts, mais il est déjà prometteur.
Un groupement de producteurs réunionnais de produits agroalimentaires premiums vient ainsi de voir le jour, porté par le Club Export de La Réunion avec le concours de la Chambre de l’artisanat et des métiers (CMA). Il est encadré et animé par Cécile Boury, une spécialiste chevronnée de l’accompagnement export venue de Lille et recrutée par appel d’offres.
Dix artisans et PME ayant déjà une expérience de l’export
Il compte à ce jour dix membres, de l’artisan à la PME. Deux sont en train de formaliser leur adhésion, mais huit autres, connus à La Réunion, sont déjà fermement engagés dans le projet. Rien que leurs noms ont des parfums d’exotisme : Arrangé Blard, La part des anges distillation, Pro vanille, Les confituriers de La Réunion, Chatel, Natures d’ici et d’ailleurs, Calicoco, La confiserie d’Emilie…
Tous ont déjà une expérience de l’exportation car le marché local est étroit et lointain. Expédier des produits en métropole, à 9000 km, nécessite déjà toute une organisation. Rien que l’organisation du transport et de la logistique rappelle les spécificités de l’export, sans compter les formalités administratives et fiscales à accomplir (droits d’accises pour les alcools, TVA…), en dépit du fait que La Réunion soit un petit bout de France. « Expédier en métropole est très similaire à de l’exportation » confirme Céline Maufras, à la tête de La part des anges, une distillerie artisanale qui n’utilise que des fruits et procédés de fermentation naturels.
L’entretien avec Le Moci, en présence de plusieurs autres membres du projet, se fait en visioconférence. La deuxième réunion de préparation vient de se terminer, à Paris il est 15H, à Saint-Denis de la Réunion il est 17H.
« Ici à la Réunion, on s’entraide beaucoup »
Pourquoi se regrouper ? La réponse va de soi : pour être plus fort et grandir. « C’est plus facile, témoigne encore Céline Maufras. Cela nous permet de réduire les coûts et de bénéficier des savoir-faire de chacun ».
Même état d’esprit chez d’autres membres. « Ici à La Réunion, on s’entraide beaucoup», complète pour sa part Pierre Feuilherade, responsable export de la maison Chatel, une distillerie familiale qui est l’une des plus grosses entreprises de l’île. Il ne tarit pas d’éloges sur les produits « exceptionnels » des autres membres du groupement et pour lui, « cette démarche permettra de faire rayonner tout un terroir ».
Deux réunions se sont déjà tenues en présence de la coach en mars et juin, sans compter les visioconférences une fois par mois pour faire des points d’étape.
Une aide régionale de 250 000 euros sur trois ans
Le statut juridique du groupement d’exportation collaborative est en cours de finalisation : dans un premier temps ce sera une association, mais elle aura vocation, à terme, à se transformer en un groupement d’intérêt économique (GIE).
Le projet bénéficie d’une aide de la Région 250 000 euros sur trois ans, des fonds issus de l’enveloppe du Fonds européen de développement régional (Feder). Ils financeront à hauteur de 60 % les investissements de la structure, le reste étant apporté par les membres.
Jusqu’à présent, la prestation de conseil et d’accompagnement de Cécile Boury est financée via le Club export de la Réunion mais à terme, c’est par cette nouvelle structure que passeront les aides financières à l’export.
Une marque ombrelle et des marchés cibles
Autre chantier important mené en parallèle : un appel d’offre a été lancé pour les aspects communication et marketing. En effet, les membres du groupement ont collectivement décidé de se doter d’une marque ombrelle qui incarnera ces savoir-faire et saveurs venus de l’océan Indien mais encore trop méconnus. « Nous sommes une mini-France, et nous avons vraiment quelque chose de différent à proposer » précise Pierre Feuilherade.
Un plan d’action est également en cours de structuration. Là encore, les choses avancent à grands pas : deux pays cibles ont été déterminés collectivement, à l’issue d’un sondage effectuée par la consultante, en l’occurrence la Belgique et la Suisse.
« Ce sont deux territoires sur lesquels nous avions tous l’envie de nous développer » précise Pierre Feuilherade. D’autant qu’obtenir des résultats sur ces deux marchés pour débuter s’avère moins compliqué que deux autres marchés également apparus dans les premiers choix des membres : l’Allemagne, écartée pour le moment en raison de son caractère ultra-concurrentiel, ou les pays nordiques, plus compliqués d’accès. « Avec les produits uniques et exceptionnels que va proposer le groupement, nous savons que nous devons nous placer sur des niches de luxe » complète-t-il. Autant aller au moins compliqué dans un premier temps.
Par ailleurs, une liste de salons internationaux réputés du secteur agroalimentaire, à l’instar de Prowein en Allemagne, a été dressée : chaque membre du groupement s’est engagé à être présent sur au moins un salon chaque année et à y promouvoir le groupement. Il s’agira de déterminer qui à chaque fois.
D’ici la fin du mois de juin, le prestataire chargé de travailler sur la marque globale sera identifié. L’objectif est qu’elle soit définie à l’automne. L’aventure de l’export collaborative pourra alors vraiment commencer.
Christine Gilguy