Au-delà des grands engagements généraux pris par les dirigeants du G7* lors de leur Sommet à Carbis Bay en matière de vaccins anti-Covid, de relance économique et de lutte contre les inégalités ou encore de climat, deux orientations plus précises devraient retenir l’attention des entreprises car elles donnent quelques pistes d’action concrètes qui devraient se traduire par des initiatives concrètes en termes de politiques publiques.
Il s’agit des déclarations finales en matière de transition vers la neutralité carbone « axée sur la technologie » et le fameux projet de programme d’infrastructures « to build back better for the world », que les États-Unis auraient sans doute souhaité plus précis et ambitieux car le considérant à juste titre comme une des réponses à l’initiative chinoise « One belt one road », ou « la nouvelle route de la soie ».
Neutralité carbone : engagements tous azimuts
Le premier est regroupé dans un chapitre du communiqué final** consacré aux ambitions du G7 en matière de climat et d’environnement (paragraphes 37 à 43), qui marque le retour des États-Unis dans l’Accord de Paris et réaffirme l’ambition de contenir à +1,5 ° le réchauffement de la planète.
Le communiqué précise les actions concrètes à mener dans cinq grands secteurs en endossant la feuille de route établie par l’Agence internationale de l’énergie :
-Secteurs énergétiques : il s’agit d’accroître l’efficacité énergétique, d’accélérer le déploiement des énergies renouvelables et non carbonées, réduire la consommation inutile et tirer partie de l’innovation.
Sur le plan national, l’engagement porte sur la promotion d’un système énergétique décarboné d’ici 2030 et d’une accélération d’ici là. Sur le plan international, il s’agit de donner un coup d’accélérateur à ces efforts en alignant les financements internationaux sur l’objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050. Dans ce cadre, le G7 s’engage à éliminer progressivement tous les nouveaux soutiens gouvernementaux aux énergies fossiles, rejoignant ainsi la France dans son initiative visant, avec six autres pays, à supprimer les soutiens publics aux énergies fossiles.
–En matière de charbon, le G7 s’engage à stopper tous les nouveaux financements publics, y compris à l’export, d’ici la fin 2021 et toutes les subventions « inutiles » à ces énergies d’ici 2025. Pour aider à la transition dans ce domaine, il salut notamment le travail du Climate Investment Funds (CIFs) et l’engagement des donateurs à mobiliser 2 milliards de dollars (Md USD) dès cette année pour accélérer cette transition et booster les projets énergies renouvelables. Ces ressources concessionnelles pourraient permettre de mobiliser un total de 10 Md USD, y compris auprès du secteur privé.
–Dans les transports, les dirigeants de G7 affirment leur engagement à promouvoir une « mobilité décarbonée » et à changer d’échelle dans le déploiement de nouveaux véhicules « zéro émission » (bus, trains, navires, aviation). Ils conviennent que cela nécessitera d’accélérer le développement de nouvelles infrastructures, notamment en matière de distribution des nouvelles énergies, mais aussi de nouvelles offres de transports (publics, covoiturage, deux-roues, etc.). Et ils se réengagent à réduire progressivement les ventes de véhicules diesel et essence.
–Dans l’industrie et l’innovation, le G7 s’engage à entreprendre des actions pour décarboner les industries les plus polluantes telles que le fer et l’acier, le ciment, la chimie et la pétrochimie. Un agenda G7 de la décarbonation de l’industrie doit venir soutenir les initiatives déjà entreprises dans ces domaines. Celui-ci prévoit des actions supplémentaires en matière d’appel d’offres, de normes et standards visant à accroître la demande en « produits verts ». Le G7 annonce également vouloir se concentrer sur l’accélération des progrès effectués dans divers domaines comme l’électrification et les batteries, l’hydrogène, la capture- stockage-utilisation du carbone ainsi que l’aviation et le transport maritime « zéro carbone ».
–Dans le logement et l’industrie, où le G7 reconnaît la nécessité de déployer des sources de chauffage et de climatisation renouvelables, les dirigeants apportent leur soutien à l’initiative « Super-Efficient Equipment and Appliance Deployment (SEAD) » visant à « doubler l’efficacité des systèmes d’éclairage, chauffage, et réfrigération » d’ici 2030.
–Enfin, dans le secteur de l’agriculture, de la forêt et d’autres secteurs utilisateurs de terres, le G7 affirme son engagement à soutenir une production durable et la protection des écosystèmes. Il renvoie à une rencontre sur la transition de l’agriculture et de l’alimentation sous l’égide de l’ONU prévue en septembre dans le cadre de la COP 26.
Tout un développement est par ailleurs consacré à l’aide publique au développement, elle aussi appelée à « verdir » de façon accélérée ses objectifs. Le G7 met notamment l’accent sur la nécessité de mobiliser le secteur privé sur des projets visant à aider les pays en développement à lutter contre le changement climatique, avec un objectif global de 100 Md USD par an d’ici 2025.
Infrastructures : « Build back better for world »
C’est dans le chapitre consacré au thème « Responsabilité globale et action internationale », à la fin du communiqué final du G7, que l’on retrouve, le passage consacré au projet de vaste programme d’investissement dans les infrastructures « build back better for the world », à ce stade à l’état d’orientation générale et peu précis sur les modalités et les moyens (paragraphe 67), mais intéressant sur les principes et les modalités.
Poussé par les États-Unis de Joe Biden, il a été perçu à juste titre comme un contre-projet face au vaste programme chinois de nouvelles routes de la soie, même si dans le communiqué final, ses ambitions ont été quelques peu rabotées, aucun montant d’engagement financier n’apparaissant dans le texte (le projet américain évoquait un besoin de financement de quelque 40 000 Md USD). Il faut y voir la prudence des Européens : « le G7 n’est pas un club hostile à la Chine » a notamment commenté le président Macron lors d’une conférence de presse.
Concernant les destinataires, il s’agit des pays en développement à bas et moyens revenus. Le G7 évoque son engagement à franchir une étape pour changer « d’approche » en matière de financement des infrastructures, notamment concernant la « qualité des infrastructures et des investissements » afin de « renforcer le partenariat avec les pays en développement et des les aider à répondre à leurs besoins ».
Il s’agit de s’assurer, précise le communiqué que « notre effort collectif est plus important que la somme de nos efforts particuliers » indique le communiqué, ce qui est un appel à une plus ample coopération à tous les niveaux.
Ce partenariat, précise encore le texte, « orientera les outils de financement du développement vers les défis auxquels font face les pays en développement ». Sont cités notamment « les infrastructures et technologies résilientes pour affronter les impacts du changement climatique », « la sécurité et les systèmes de santé », « le développement de solutions digitales », « faire progresser l’égalité des genres et l’éducation ». Une priorité particulière sera une « initiative en faveur d’une croissance propre et verte », pour aider à une transition en ligne avec l’Accord de Paris sur le climat.
Les « principes clés »
Suit la présentation d’une liste que « principes clés » :
-une vision « axée sur les valeurs » dans laquelle il est notamment question de transparence et de modalités « soutenables »,
-une collaboration intensive, notamment entre les institutions financières,
-un recours au marché, et notamment la mobilisation de l’expertise et des financements du secteur privé,
-des normes fortes, en matière sociale, environnementale, financière, de travail, de gouvernance et de transparence,
-le renforcement de la finance multilatérale,
-un partenariat stratégique pour la mise en œuvre.
« Nous travaillerons ensemble pour faire avancer un programme basé sur ces principes et travaillerons étroitement avec les autres, incluant les partenaires des pays en développement, pour s’assurer qu’il est développé d’une manière ouverte et collaborative », conclut le texte, qui annonce la constitution d’une « taskforce » chargée de faire des propositions concrètes pour « l’automne ».
A noter qu’un « new deal » avec le continent africain est proposé dans le point suivant du communiqué final (68), s’inscrivant dans la droite ligne des conclusions du Sommet sur le financement du développement de l’Afrique tenu à Paris le 18 mai dernier. Le G7 s’engage notamment, à travers les institutions financières nationales et les partenaires multilatéraux, à investir au moins 80 Md USD dans le secteur privé africain dans les 5 prochaines années.
Christine Gilguy
*Le G7, est composé des États-Unis, du Canada, du Japon, du Royaume-Uni, de l’Allemagne, de la France et de l’Italie. Étaient notamment invités lors du dernier sommet de Carbis Bay (sud de l’Angleterre) les 12 et 13 juin, l’Afrique du sud, l’Australie et l’Inde.
**La déclaration finale du G7, en anglais, est dans le document téléchargeable ci-après.