Tarek Kabil (notre photo), le ministre égyptien du Commerce et de l’industrie, a deux objectifs : accroître la valeur ajoutée dans l’activité économique et promouvoir son pays comme porte d’entrée vers l’Afrique. Et d’expliquer que dans l’automobile, « on fait du montage », mais « on espère produire bientôt à 100 % ».
L’Égypte possède un gros marché de 90 millions de consommateurs qui doit intéresser les investisseurs. Mais elle est aussi un « lien et un point de départ vers l’Afrique », notamment parce que son pays est membre du Comesa (Marché commun des États d’Afrique orientale et australe), a justifié Tarek Kabil devant les hommes d’affaires français, réunis, le 1er décembre, à l’Institut du monde arabe (Ima).
« La valeur ajoutée est essentielle à l’amélioration de notre balance commerciale et à la relance de nos exportations », a précisé ce membre du gouvernement dirigé par le Premier ministre Sherif Ismail. Et à cet égard, il a détaillé les espoirs nés de l’ouverture du nouveau Canal de Suez, inauguré le 6 août par le président Abdel Fattah al-Sissi, en présence de son homologue français François Hollande, dont un nouveau déplacement en Égypte est annoncé au premier semestre 2016, sans doute en avril.
« En accueillant des investisseurs locaux et étrangers sur la plus grande zone d’échanges libres de la région, nous voulons permettre à l’Égypte d’exporter », a encore répété Tarek Kabil, qui a révélé avoir entamé « des discussions avec la France au sujet de la zone industrielle en construction en coopération avec les Émirats arabes Unis et la Russie ».
Le nécessaire approfondissement des grands ports
L’accent sera également mis sur la construction d’infrastructures de communication : 3 000 kilomètres de routes doivent relier les différents ports et centres commerciaux. « Nous sommes en passe de construire trois grands ports, sans compter ceux en réhabilitation », a précisé le titulaire du portefeuille du Commerce et de l’industrie dans le gouvernement Ismaïl.
Selon Jean-François Tallec, conseiller institutionnel pour la politique maritime chez CMA CGM, l’ancien pays des pharaons est « particulièrement bien positionné sur la route Europe-Asie dans les deux sens » et « le nombre de passages par le Canal de Suez devrait, d’ailleurs, passer de 637 par an à 700 cette année ». Aujourd’hui, la traversée par le Canal de Suez fait gagner sept à huit jours par rapport à la voie alternative du Cap en Afrique du Sud et le canal de Panama est engorgé. Reste que certaines entreprises préfèrent néanmoins contourner par la pointe de l’Afrique et que les ports égyptiens ne bénéficient pas tous d’un tirant d’eau suffisant pour accueillir les plus grands bateaux.
Jean-François Tallec a plaidé ainsi pour une amélioration du tirant d’eau de tous les grands ports égyptiens afin de « bénéficier à plein de la fluidité du trafic et des nouveaux travaux prévus ». Pour lui, « le développement de zones logistiques est un enjeu majeur, parce que les ports égyptiens sont des débouchés naturels des marchandises ». Et, d’ailleurs, a-t-il dévoilé, « la filiale logistique de CMA CGM est intéressée par l’exploitation d’entrepôts et de systèmes d’empotage et de dépotage de conteneurs ». « Le développement d’industries et de plateformes logistiques autour du Canal va conforter le développement de l’Égypte vers l’Afrique de l’Est, notamment le Kenya et les pays où ont été découverts des hydrocarbures comme la Tanzanie et le Mozambique », a renchéri Denis Simonneau, membre du Comité exécutif en charge des relations internationales et européennes d’Engie.
Le Triangle d’Or, projet de développement en Haute Égypte
Pour exporter en Afrique, Tarek Kabil compte aussi sur la réalisation du projet de Triangle d’Or en Haute Égypte « dans une zone rurale et minière » entre les villes de Qéna, Safaga et Qosseir « devant permettre de connecter le Nil et la Mer Rouge ». Exploiter et vendre les ressources minières sur place est le premier objectif (phosphate, or…), le deuxième étant de valoriser les terres agricoles de Qéna. Le tourisme peut encore être développé, sans compter l’immobilier avec la création de nouvelles agglomérations autour de cette ville, mais aussi à Qosseir et Safaga. La Banque africaine de développement (Bad) est favorable au Triangle d’Or, qui doit profiter à une région déshéritée. Jusqu’à présent, l’économie et l’emploi sont surtout concentrés dans la capitale, à Alexandrie et dans les cités des gouvernorats de la région du canal : Ismaïlia, Port-Saïd et Suez.
Le partenariat stratégique que veut engager Le Caire en Afrique reçoit au demeurant le soutien de la Bad, fervent partisan de l’intégration régionale. Dans ce cadre, la restructuration du secteur privé, le financement du commerce et la mise en place d’infrastructures régionales figurent à son agenda, « par exemple, le transport multimodal entre la Méditerranée et le lac Victoria ou la stratégie énergétique et l’exploitation des ressources disponibles dans le Comesa », a mentionné la Tunisienne Leila Farah Mokaddem, représentante résidente de la Bad.
En outre, aujourd’hui, c’est un « marché de plus de 620 millions d’habitants répartis dans 26 pays qui s’ouvrent », a-t-elle fait valoir. En juin dernier, une zone de libre-échange tripartite a été constituée par le Comesa, la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), dominée par l’Afrique du Sud, la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC) constituée autour du lac Victoria. Un changement d’échelle dont devraient profiter à la fois les hommes d’affaires locaux et internationaux. Notamment égyptiens.
François Pargny