Les Frères musulmans n’auront pas
attendu la fin du premier tour des élections présidentielles, le 25 mai, pour
annoncer que leur candidat, Mohammed Morsi, affrontera pour la victoire finale le dernier Premier ministre du président déchu
Hosni Moubarak, Ahmad Chafiq.
Si, au terme du second
tour, les 16 et 17 juin, le dirigeant
de la confrérie musulmane l’emportait, les Frères musulmans, qui dominent déjà
le Parlement, renforceraient alors sérieusement leur emprise sur la vie
politique. Quel serait leur programme économique ?
Un coup de pouce aux plus pauvres
La confrérie a assis sa popularité en assistant les populations sous le
régime de l’ex-Raïs. On peut donc imaginer que leur première mesure, au lendemain
de la victoire, sera d’accorder un coup de pouce au pouvoir d’achat des
ménages, notamment des plus pauvres. Malgré la situation économique difficile,
« un gouvernement islamiste disposerait de marges de manœuvre »,
annonçait l’ambassadeur de France au Caire, Jean Félix-Paganon, lors d’un
séminaire d’Ubifrance à Paris, le 27 mars.
En effet, si les subventions que l’État verse à la population absorbent
30 % du budget national, 80 % concernent l’énergie et les carburants, qui
profitent surtout aux classes moyennes et supérieures. Le gouvernement pourrait
revoir le système pour qu’il bénéficie plus aux catégories défavorisées. En
outre, pour trouver de nouvelles ressources financières, le gouvernement
pourrait introduire la taxe à la valeur ajoutée pour tous les produits non
subventionnés. Sa toute nouvelle légitimité démocratique devrait lui permettre
de faire passer une mesure qui est évoquée depuis un quart de siècle.
Réduction de la dette
L’introduction d’une TVA pour les biens et services « sans dimension
sociale » figure dans le plan économique, approuvé par le Conseil des
ministres en février, tout comme la diminution des subventions de l’énergie aux
industries intensives. Les thèmes sociaux (réforme du marché du travail et de
la protection sociale) et économiques (fiscalité, tarifs douaniers…) se mêlent
dans ce plan qui doit permettre à l’État de réduire la dette à 60-65 % du Produit intérieur brut vers 2016-2017.
Les islamistes chercheraient ainsi à éviter de faire le grand écart entre
les thèmes sociaux et l’économie. La mise en place du plan économique dépend,
toutefois, de l’accord du Fonds monétaire international (FMI) pour un prêt de
3,2 milliards de dollars. L’Egypte peut déjà compter sur l’Arabie Saoudite et
les Émirats arabes unis, qui ont promis respectivement 2,75 milliards et 1
milliard de dollars, alors que d’autres négociations sont aussi engagées pour
un montant global de 4 milliards (Banque mondiale, Union européenne…).
Quelle politique pour le tourisme ?
Selon Jean Félix-Paganon, « les islamistes sont sur le plan économique des
libéraux, plus commerçants qu’industriels, et leur victoire peut marquer le
début d’une ère nouvelle, avec un État modernisateur ». Si l’on croit à
cette possibilité, plutôt qu’à « un pouvoir intransigeant et
sectaire », on peut, toutefois, s’inquiéter pour un secteur majeur de
l’économie locale : le tourisme. L’an dernier, le nombre de touristes a
chuté de plus d’un tiers et les recettes de plus de 30 %.
Les professionnels s’interrogent sur la volonté des islamistes.
« Moralisation » des tenues vestimentaires, interdiction de l’alcool
ruineraient sans doute tout espoir de reprise au pays des pharaons et des
plages de la Mer Rouge. Le
plan économique, concocté par le gouvernement, prévoit uniquement
l’augmentation des taxes sur les cigarettes et les alcools.
Risque de détérioration des relations avec Israël
Par ailleurs, les relations entre Le Caire et Tel-Aviv se sont fortement
dégradées, les vacanciers israéliens fuyant les côtes du Sinaï.
Chacun s’interroge sur les rapports d’un éventuel gouvernement islamiste au
Caire avec l’État hébreu. Outre les questions politiques et religieuses, ces
deux nations partagent des intérêts économiques. Ainsi, Washington et Le Caire
négocient en ce moment le renouvellement des formes de soutien américain aux
QIZ, les zones industrielles qualifiées qui permettent à des entreprises
implantées sur place d’obtenir des exemptions fiscales pour exporter aux États-Unis à deux conditions : les produits doivent intégrer 35 % de
valeur ajoutée et 10,5 % de composants israéliens. D’après le
Service économique au Caire, les exportations au départ des QIZ sont passées
depuis leur fondation en 2004 de 290 millions de dollars à 930 millions six ans
plus tard.
François Pargny
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