Né en 2011 à Montpellier, le salon international de l’Eau (HydroGaïa), qui se tiendra cette année les 25 et 26 mai, voudrait devenir une plateforme mondiale du savoir-faire tricolore, au moment où la profession commence à se structurer.
« Notre ambition est que ce jeune salon devienne un jour le pendant au moins en Europe de la Water Week à Singapour », expliquait ainsi Benoît Gillman (notre photo), président du réseau d’entreprises du cycle de l’eau Swelia à Montpellier et de la PME Bio-UV (unique fabricant français de systèmes de traitement des eaux de ballast de navires). Ce mois-ci, le rendez-vous annuel de l’eau en France s’apprête à accueillir pendant les deux jours que durera la sixième édition près de 200 exposants et 4 000 visiteurs, après avoir reçu l’an dernier plus de 150 participants et près de 3 600 visiteurs professionnels.
Des marques pour la structuration de la filière et l’export
En mars dernier, la nouvelle marque La Filière française de l’eau a été lancée à l’initiative du groupe de travail Eau, présidé par Christian Laplaud, P-dg du groupe Altereo (ingénierie, conseil, formation), groupe de travail constitué au sein du Comité stratégique de la filière des éco-industries qui réunit l’ensemble des acteurs publics et privés de la filière eau. Cette nouvelle marque est ainsi venue renforcer celles déjà existantes comme France Water Team qui vise à réaliser des actions concertées à l’export.
« France Water Team, c’est la préfiguration d’une filière à l’export. Nous organisons ainsi, avec les clusters d’entreprises régionaux, dont Swelia, des missions de PME sur les plus grand salons dans le monde, comme la Water Week à Singapour, le Weftec à Chicago, l’Ifat à Munich, le RWM (Resource Efficiency and Waste Management) à Birmingham ou Aquatec à Amsterdam », citait ainsi à Paris Sylvain Boucher, président de Pôle eau, un pôle de compétitivité créé en 2010, commun à Provence-Alpes-Côte d’Azur et à la grande région Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées.
« Le marché domestique est saturé. Le niveau de service et d’équipement en France est un des meilleurs au monde et il ne faut plus y compter que sur du renouvellement et un peu d’innovation. D’où la nécessité pour les PME d’exporter », ajoutait le président du Pôle eau, qui va conclure, lors de la 6e édition d’HydroGaïa, avec British Water (BW), l’association des acteurs privés de l’eau au Royaume-Uni, une convention de partenariat (échange d’informations, accueils réciproques, encouragement aux complémentarités…) sur le modèle de celle signée en 2014 avec le cluster eau américain The Water Council (TWC), basé à Milwaukee dans le Wisconsin.
Les 15 et 16 mars derniers, Swelia, le Pôle eau et France Water Team, en partenariat avec British Water, UKTI (Agence britannique de développement économique), Invest Sud de France (Agence de développement économique de la grande région française) et la CCI du Languedoc-Roussillon ont accueilli à Montpellier une délégation de sociétés britanniques souhaitant développer des partenariats avec douze entreprises du territoire : Bio-UV, BRL Ingénierie, Extalia, G2C Environnement, Imeca Process, Kaexa, Le Réservoir Massal, Microbia Environnement, Pichavant Consulting, SDEEC, Sogea (GTM Environnement) et Veolia.
Des PME innovantes à la recherche de fonds
Pendant le salon, Sud de France Développement, bras armé de la grande région à l’international, organise des rendez-vous B to B avec des acheteurs étrangers. Nombre de PME, qui veulent passer à la vitesse supérieure dans la conquête de marchés extérieurs, sont friands de rencontres avec des fonds d’investissement, en sus des grands bailleurs de fonds : Agence française de développement, Banque mondiale, Banque africaine de développement, etc. « Il ne s’agit pas de faire des coups, même en partant dans les bagages d’un grand groupe, mais de s’installer sur place », a souligné Sylvain Boucher. Ce ne sont, certes, pas les savoir-faire qui manquent dans l’Hexagone, à l’instar des technologies et procédés développés par les PME Imeca (membranes céramiques pour l’agroalimentaire), Predict (analyse des masses d’eau dans les nuages pour anticiper les chutes d’eau), Imagéo (cordons capteurs pour mesurer la vie des nappes phréatiques), Irrifrance (matériel d’irrigation), Montpellier Engineering (dessalement d’eau à échelle réduite) ou encore Acri (exploitation des données des satellites pour gérer les masses d’eau), qui, toutes, vont exposer les 25 et 26 mai à Montpellier.
La fréquentation internationale à HydroGaïa 2106 va passer à 8 %, contre 5 % l’édition précédente. « C’est encore peu en valeur absolue, mais ce n’est pas si mal compte tenu de la jeunesse de l’évènement », a plaidé son commissaire général, Matthieu Robin. Selon Benoît Gillman, c’est l’internationalisation des conférences organisées pendant le salon qui lui permettront peu à peu d’augmenter sa dimension internationale, jusqu’à présent largement africaine. Compte tenu du fait que la France passe le témoin de la Cop (Conférence des Nations Unies pour les changements climatiques) au Maroc, cette nation, traditionnellement représentée sur le salon, sera l’invitée d’honneur du rendez-vous de l’eau dans quelques semaines.
L’enjeu du climat et du bassin méditerranéen
Ainsi sont annoncés pour la conférence d’ouverture, intitulée « Gestion des ressources en eau dans le contexte des changements induits dans la dynamique de la biosphère par les activités humaines », Charafat Yedri Afilal, ministre déléguée chargée de l’Eau au Maroc, ainsi que Ségolène Royal, ministre de l’Environnement, de l’énergie et de la mer en France, chargée également des relations internationales sur le climat, André Vallini, secrétaire d’État au Développement et à la francophonie, Laurence Tubiana, cheville-ouvrière des négociations lors de la Cop 21 à Paris, et Carole Delga, présidente de la Région Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées.
Au-delà du Maroc, c’est tout l’ensemble du bassin méditerranéen qui fera l’objet d’une attention particulière. Selon Jean-Jouzel, Prix Nobel de la paix en 2007 avec le Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) et l’ancien vice-président américain Al Gore, « on peut anticiper une hausse moyenne des températures de 4 à 5°C sur le pourtour méditerranéen d’ici la fin du siècle », ce qui pourrait déboucher sur « une diminution des précipitations pouvant atteindre 30 à 40 % accompagnée d’une augmentation de l’évaporation et du nombre de jours de vague de chaleur ».
Avec la naissance de la super région Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées, Sylvain Boucher rêve d’un soutien renforcé au salon et à la filière qui permettrait à Montpellier de devenir une capitale mondiale de l’eau. Jusqu’à présent, les clusters régionaux, le Pôle eau et l’organisation des participations d’entreprises aux salons bénéficiaient d’une enveloppe globale d’un million d’euros de la grande région. Dans le cadre du plan État région qui doit encore être voté, il s’agirait de convaincre le Conseil régional de la nécessité de renforcer la filière dans le cadre d’un technopole permettant de rapprocher plus efficacement les entreprises d’universités plus fortes et des 14 laboratoires de l’Institut montpelliérain de l’eau et de l’environnement (Im2e), lesquels regroupent à l’heure actuelle plus de 400 scientifiques et 150 doctorants. Et si Carole Delga apportait une réponse positive lors d’HydroGaïa ? Syvain Boucher et Benoît Gillman en rêvent.
François Pargny