« Attention, nous ne sommes ni une société d’intérim, ni pôle emploi, notre marché, c’est la petite prestation de service locale de quelques heures pour des PME et TPE ». D’entrée, Étienne Poirot-Bourdain, P-dg et cofondateur du site Internet Oohee -prononcer Ohé !- veut clarifier le marché qu’adresse ce projet de plateforme de mise en relation entre des expatriés disponibles et des entreprises en quête de solutions simples et bon marché à l’étranger pour effectuer des missions ponctuelles et bien délimitées. « Nous ne sommes pas un Uber, nous sommes une sorte de airbnb du petit service ». En d’autres termes, un nouvel acteur sur le marché de la micro-prestation de service à l’international.
Le projet d’Oohee, dont le site est opérationnel depuis fin septembre 2017, part d’un constat : la France compte plusieurs millions d’expatriés de par le monde dont beaucoup –conjoints de personnes en poste, étudiants, retraités- sont qualifiés ou formés, mais souffrent d’inactivité et/ou ont aussi besoin de gagner de l’argent. En face, une multitude d’entreprises françaises, en particulier des PME et TPE, qui ont des besoins non couverts –compléments d’études de marché, renfort ponctuel sur un salon, vérification d’une information…- sur des marchés étrangers pour lesquels elles ont des projets.
Pourquoi ne pas mettre en contact ces entreprises avec des personnes qui, localement, auront la compétence nécessaire pour faire le job rapidement, sans entraîner de gros frais de mission, ni de complications administratives ?
Un go-between entre une offre et une demande qu’il s’agit de matcher
Cette idée est venue d’autant plus naturellement à Étienne Poirot-Bourdain que jeune retraité, il a fait une partie de sa carrière dans le maritime, notamment comme agent de consignation, puis courtier en affrètement pétrolier et trading de gaz, avant d’ouvrir son propre cabinet de recrutement et gestion des ressources humaines à Rouen. « J’ai toujours été un go-between entre une offre et une demande qu’il s’agissait de matcher », souligne l’entrepreneur.
Il a aussi su s’entourer d’expertises complémentaires : un de ses coassociés, le directeur technique du site, est ainsi un ancien de fnac.com, un site de e-commerce qui fait référence en France. Sur le plan financier, les fondateurs ont avancé prudemment : créée au Mans, la SAS Oohee s’est lancée avec 14 000 euros de capital, une première levée de fonds auprès d’amis et de proches de 104 000 euros et un prêt d’honneur du réseau Initiative de 20 000 euros.
La startup s’appuie sur une équipe de sept personnes, dont les trois associés qui ne se rémunèrent pas, et une collaboratrice freelance basée à Montréal.
«68 % des premiers inscrits sont des femmes qui ont parfois des compétences incroyables»
Avant d’aller chercher les premiers clients, il a fallu recruter les premiers candidats : pour accélérer dans ce domaine, Oohee a fait le tour de l’écosystème du commerce extérieur français pour se faire connaître, mais son premier partenariat exclusif a été conclu avec l’Union des français de l’étranger (UFE), association d’expatriés reconnue par le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères.
Un autre partenariat a été noué avec l’université fédérale de Midi Pyrénées, qui fédère 24 établissements d’enseignement et couvre 100 000 étudiants. Elle dispose d’un dispositif dénommé « Moove Box », qui incite les étudiants à aller à l’international.
A chaque fois, le but est d’établir des passerelles entre Oohee et ces plateformes afin de faire connaître le site auprès des personnes qu’il cible pour enrichir sa base de compétences.
Grâce à ces réseaux, le site commence ainsi à être connu des Français de l’étranger. Du coup, 1 500 personnes dans 30 pays étaient déjà enregistrées fin mars, et les recrutements vont bon train, au rythme de 200 nouveaux profils par jour selon le co-fondateur. « 68 % des premiers inscrits sont des femmes qui ont parfois des compétences incroyables », se réjouit l’entrepreneur. « Notre objectif est d’en avoir 8 000 qualifiés à la fin de l’année ».
D’un shooting à Delhi à un complément d’étude de marché en Chine
Parallèlement, les responsables d’Oohee, qui ont reçu un prix « coup de cœur du jury » lors du dernier salon des entrepreneurs de Nantes, en novembre 2017, prospectent activement depuis quelques semaines pour dénicher leurs premiers clients. Fin mars, Étienne Poirot-Bourdain était ainsi au Forum de l’international de Lyon, qui a clôturé la quinzaine de l’international organisée par le réseau consulaire en Auvergne Rhône-Alpes, où nous l’avons croisé entre deux rendez-vous.
Les toutes premières demandes d’entreprises ont commencé à arriver à Oohee. Elles vont d’un shooting à Delhi à un complément d’étude de marché sur un produit alimentaire spécifique en Chine, en passant par une clinique souhaitant établir des liens entre ses médecins et ses patients à l’étranger…
En face, il faut trouver des profils affichant des compétences associées, dans les pays ciblés, qui pourront peut-être faire l’affaire. « Notre objectif à terme est de pouvoir proposer au moins trois profils pour chaque demande », indique Étienne Poirot-Bourdain.
Une mission à 300 euros / jour
« Pour le moment, le matching entre les demandes et les compétences associées est réalisé manuellement, précise le co-fondateur. Nous peaufinons les données qui nous permettront de développer l’algorithme le plus adapté ».
C’est Fanny, une jeune femme qui a travaillé dans une startup développant un outil de mise en relation de professionnels freelance, qui est chargée de ce « matching ». Aujourd’hui freelance elle-même, elle fait se travail depuis le Québec, où elle a suivi son conjoint. « C’est elle qui répond au téléphone avec skype », précise Étienne Poirot-Bourdain.
La définition précise du besoin par l’entreprise est faite avec l’aide du site. La prestation type est une mission ponctuelle très cadrée de quelques heures pour un montant de 300 euros/jour.
Un partenariat avec Sage SA pour les aspects administratifs et financiers
Les aspects administratifs et sociaux, financiers n’ont pas été négligés : Oohee a noué un partenariat avec le groupe suisse AD’Mission, le numéro 1 européen du portage salarial. Le contrat de mission liant le client et l’expatrié sur Oohee inclut la RC Responsabilité/rapatriement.
Le paiement est sécurisé et garanti via Sage SA, une filiale d’AD’Mission. Le règlement est versé par l’entreprise à Sage dès son engagement vis-à-vis du profil choisi. L’entreprise paye d’avance la totalité en une seule fois, à l’aide d’une carte bancaire. Une fois la mission accomplie et le résultat validé par l’entreprise, celle-ci donne son feu vert pour que l’argent soit directement viré par Sage sur le compte de l’expatrié, dans la banque et dans la devise que ce dernier a choisies.
Oohee poursuit son plan d’affaires, sans se précipiter: un dossier de demande de subvention est en cours chez Bpifrance et les fondateurs envisagent une deuxième levée de fonds de 800 à 900 000 euros pour 2019. Cela coïncidera avec la mise en route de la version 2 du site, dotée d’un « algorithme puissant pour rechercher les compétences associées » et d’un système de cryptage des données pour une sécurité maximum. D’ici là, le site espère avoir bouclé les cinquante premières mises en relations, gage des succès futurs.
Christine Gilguy
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